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18 août 2015 2 18 /08 /août /2015 09:58
Marc Gilmant (photo JPBonnel)
Marc Gilmant (photo JPBonnel)

* Marc Gilmant, photographe de l'intemporel

Il a montré l'année dernière, à la galerie municipale, ses photos sur "l'intemporel". Il a montré que "Collioure sera toujours Collioure" ! Le slogan des Catalans est en quelque sorte repris par Marc Gilmant, qui célèbre l'éternité de Collioure. "Intemporalité", plutôt, qui connote moins le religieux. (*)

Ses photos superposant deux clichés d'époques différentes, veulent montrer qu'en dépit de l'évolution sociale, économique, l'intemporalité, c'est-à-dire l'absence de mutation profonde et irréversible, a investi le lieu.

Le temps suggéré dans la photographie est formé de couches d'espace-temps, de sédiments : c'est un mille-feuilles, à l'image de la pierre d'ici, des Albères : le schiste...

Marc Gilmant capte des télescopages de traces, de signes, signifiant que chaque époque a laissé sa trace mais que le lieu demeure dans une éternité de pierre et de mer…

A présent, à la galerie Profils, il expose une autre série, un autre travail sur le temps. Ce temps qui laisse ses empreintes d'usure et d'effacement sur les fresques murales; par exemple dans une figuration du chemin de croix, vu au cimetière du Val d'Aoste.La temporalité impitoyable a mangé les visages : la forme est partie mais la couleur est restée; parmi les fissures d'un mur, on s'attache à cet oeil perdu dans l'espace de la fresque ou à ce demi-visage capté dans un jardin de Rome…

Le spectateur est sollicité par la vision de ce pied qui marche sur des brusures, comme dans un paysage d'après-séisme. Marc Gilmant s'attache au travail du temps sur la peinture; il laisse l'oeuvre ouverte : au promeneur de réécrire l'histoire passée ou d'inventer une fiction à partir de ces minces indices.

Le photographe réfléchit aux rapports intimes qui unissent la peinture et la photo : "Je suis un peintre frustré.", aime-t-il dire.

Après l'abstraction et l'hommage aux fauves, après ces témoignages sur les dégradations subies par les oeuvres au cours des temps, Marc Gilmant se prépare à nous intriguer et à nous éblouir encore une fois avec l'exposition qu'il annonce pour l'automne, à Collioure : ses visions personnelles de New York…

Jean-Pierre Bonnel

- - -

(*) Les photos de M. Gilmant ne sont pas des montages, mais des superpositions d'images -un document d'époque, une prise de vue contemporaine- qui montrent que l'évolution architecturale (le phare devient tour d'une église, la devise de la révolution française persiste sur le fronton de l'église Notre-Dame des Anges, pourtant rendue au culte…) n'est pas l'essentiel : des détails qu'il faut regarder, lire, comprendre; une pierre, une inscription nous ramènent à un passé très ancien, phénicien, grec, romain, catalan…

De même que le village a toujours été un lieu de passage, comme tout le Roussillon et les Pyrénées, d'ailleurs, le temps a été traversé par les oeuvres successives des occupants.

Ce n'est pas, dans cette exposition, la conception d'un temps linéaire, menant à un monde meilleur, humain ou technologique, qui est suggéré. Ce serait alors la conception d'une temporalité circulaire..?

Non, plutôt, comme le pense le philosophe Walter Benjamin, l'idée que chaque instant, si on l'observe bien, peut remémorer un moment passé, essentiel,, et ouvrir sur une perspective inattendue, sur un changement révolutionnaire inédit !

Le temps, lui, se moque du temps : il passe, peut s'arrêter un jour, mais n'a pas de sens par lui-même. C'est le regard de l'Homme, c'est chacun de nous qui donne de la cohérence : chaque point de vue est une conception du temps, fatalisme, éternel retour, croyance en des lendemains heureux, ou peur de l'avenir, croyance en une fin du monde prochaine…

Marc Gilmant capte des télescopages de traces, de signes, signifiant que chaque époque a laissé sa trace mais que le lieu demeure dans une éternité de pierre et de mer…

C'est vrai : la beauté et le toit tranquille, devant nos yeux, demeurent… Et ceux qui ont la nostalgie d'un Collioure antique, catalan, marin, convivial, artiste…ont tort : le Collioure touristique et populeux d'aujourd'hui n'est qu'une écume. Le promeneur ne doit lire que les empreintes imperceptibles de l'éternité et de l'immuable génie du lieu…

Jean-Pierre Bonnel (8.8.2014)

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  • professeur de lettres, écrivain, j'ai publié plusieurs livres dans la région Languedoc-Roussillon, sur la Catalogne, Matisse, Machado, Walter Benjamin (éditions Balzac, Cap Béar, Presses littéraires, Presses du Languedoc...
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