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9 décembre 2015 3 09 /12 /décembre /2015 10:15
Bidet dans un champ. Installation d'un nouveau Duchamp..? (photo JPB)

Bidet dans un champ. Installation d'un nouveau Duchamp..? (photo JPB)

   Débattre, réfléchir au lieu d'injurier

(1) débat national 

 

 

 

 

* contre la gestapo de la pensée (Samedi 17 Octobre 2015 

Jean-François Kahn )

 

Peut-on encore débattre en France ? Entendez : peut-on encore confronter des opinions contradictoires (c'est le principe même du pluralisme démocratique) sans diaboliser, excommunier, anathémiser le contradicteur ? Cette interrogation pèse de plus en plus lourdement sur la vie intellectuelle hexagonale. On vient d'en avoir une spectaculaire illustration avec le philosophe Michel Onfray.

...

On exclut, on rejette, on excommunie, on verrouille, on rapetisse, on rétrécit.

...

Les eaux montent : on se contente de les apporter au moulin du Front national :

 

L’invraisemblable cadeau fait à Marine

Il y eut cette manchette, invraisemblable et masochiste, du journal le Monde semblant faire cadeau au parti lepéniste de tout intellectuel sur lequel, tactiquement, le FN poserait un bout de petit doigt. Celui-là a dit « peuple » ; celui-ci a dit « nation » ; cet autre – horreur ! – a murmuré « souveraineté » : on vous les offre ! Ils sont à vous !

 

**Contre la défaite de la pensée : Cécile Alduy reprenant le titre du plus célèbre essai d'Alain Finkielkraut :

 

Le FN est « une négation brutale de l’esprit critique » - Le Monde.fr  (Mise à jour le 07.12.2015 à 19h44), tribune écrite par Cécile Alduy, 

professeure de littérature à l’Université Stanford, auteure de Marine Le Pen prise aux mots. Décryptage du nouveau discours frontiste (Seuil, 2015).

… extraits

 

La faillite de la pensée n’est en outre guère l’apanage du Front national. En face, la défaite est politique et sémantique avant d’être électorale. Droite et gauche de gouvernement souffrent d’une erreur d’analyse du marché politique : chacun essaie de cerner la demande des électeurs et prend le Front national comme étalon de leurs aspirations. D’où une escalade à droite sur les thématiques identitaires et migratoires depuis la présidence Sarkozy, sur la demande sécuritaire et autoritaire depuis le gouvernement Valls. Cette stratégie ne peut que renforcer le Front national, crédibilisé par ses imitateurs, et brouiller l’image des autres partis, devenus illisibles à force de se renier. La dédiabolisation est autant l’œuvre de Marine Le Pen s’emparant des mots de la République que de ceux qui normalisent son discours en répétant ses clichés, du « clash de civilisation » à la symbolique ambiguë de la déchéance de nationalité.

 

   Or il est urgent de reconstruire une offre politique alternative, cohérente et indépendante du logiciel frontiste.

De reprendre le combat culturel, de réfléchir plutôt que refléter le monde-FN, d’élaborer un programme clair dans ses valeurs et ses actions, d’actualiser plutôt que de sacraliser une « République » devenue totem. C’est-à-dire de se remettre à penser.

 

- - 

 

(2) Débat au plan local (commentaires dans le blogabonnel : traité d'antisémite par M. Daniel Halimi, d'islamophobe par "Myriam", de "baveur" par "Brunelle" au sujet du pont sur le Réart (promesse de Mme J.Irles) : à suivre...

 

- - -

 

*** Le FN et l'immigration :

 

Le 26 octobre dernier dans lémission Salut Les Terriens, François Gemenne a déstabilisé Florian Philippot, vice-président du FN dans un débat sur limmigration. Ce chercheur en sciences politiques, spécialisé sur les questions de gouvernance mondiale des migrations et de lenvironnement (à Sciences Po et à lUniversité de Liège et Versailles), a accepté de revenir dans un long entretien sur les mythes entourant le discours du Front national sur limmigration.

Lors de votre passage danSalut les terriens! le 26 octobre dernier, Florian Philippot, a semblé perdre pied face à vos arguments concernant l’immigration. Considérez-vous que le programme du FN sur ce sujet ne soit pas assez analysé dans les média?

François Gemenne -  Beaucoup des arguments du FN, en matière dimmigration en tout cas, reposent sur des mensonges et des fantasmes. Il y a évidemment un défaut danalyse des médias, mais cest aussi notre responsabilité, à nous chercheurs, dinformer ces débats de société. Et donc nous portons une part de responsabilité dans ce défaut danalyse, et nous devons intervenir plus souvent dans les médias pour apporter un éclairage scientifique à ces questions et montrer où sont les mensonges et les fantasmes. Mais plus fondamentalement, je pense que ce défaut danalyse renvoie aussi à la faillite absolue du politique concernant le FN : ce dernier, au fil des ans, est parvenu à imposer son discours, son agenda, ses thèmes, comme éléments centraux du jeu politique. En réalité, dune certaine manière, le FN est déjà à lElysée.

 

 

Sur limmigration, la démission de la classe politique date des années 1980 : tant la gauche que la droite ont alors intégré le postulat central de lidéologie du FN, à savoir que limmigration était un problème, auquel il fallait trouver des solutions. Dès linstant où lon accepte cela, le FN a gagné. Je récuse avec force lidée que limmigration soit un problème, et les chiffres sont là pour le montrer.

 Je ne suis pas naïf ou aveugle non plus : je sais quil y a des problèmes liés à limmigration, notamment dans certains quartiers; je sais quil y a des problèmes dintégration, de discriminations, de délinquance Mais je réfute absolument lidée que ce soit limmigration elle-même qui soit un problème. La gauche comme la droite, pourtant, ont peu à peu accepté cette idée, et depuis, le discours sur limmigration nest plus quun discours purement idéologique, qui est complètement détaché des faits et des réalités empiriques. Cest notre responsabilité à tous de remettre la réalité, les faits, au coeur du débat. Cest la responsabilité des chercheurs et des journalistes, bien sûr, mais aussi des politiques et des citoyens.

La réduction en 5 ans de l’immigration légale de 200 000 entrées par an à 10 000 entrées par an telle que le préconise le Front national est-elle réalisable ?

Même avec beaucoup dimagination et de bonne volonté, jai du mal à imaginer une politique qui puisse être à ce point absurde et dévastatrice. En exagérant à peine, ça voudrait dire quon ne garderait que les footballeurs de la Ligue 1, les danseuses du Crazy Horse et les fonctionnaires de lUNESCO ! Regardons les chiffres pour voir ce que cette proposition signifierait réellement : en 2012, selon lINSEE, la France a délivré un peu moins de 200 000 permis de séjour a représente 0,003% de la population !). 91 000 de ces titres de séjour ont été délivrés au titre du regroupement familial, cest à dire pour permettre aux époux et aux enfants dimmigrés de les rejoindre en France : cest simplement une question de droits de lhomme, et si la France abandonnait cette politique, non seulement elle séparerait des milliers de familles, mais elle se mettrait au ban de la communauté internationale. Ensuite, 59 000 titres de séjour ont été délivrés à des étudiants : se passer des étudiants étrangers serait une catastrophe pour les universités et les grandes écoles. Au contraire, je crois que nous devons nous réjouir que tant détudiants étrangers veuillent encore faire leurs études en France. Puis il y a 19 000 titres de séjour pour des raisons humanitaires, il sagit des réfugiés et de personnes déplacées par des guerres, des violences ou persécutées dans leur pays : si la France voulait réduire ce chiffre, elle devrait dénoncer la Convention de Genève de 1951 sur le statut de réfugié, une des plus anciennes conventions humanitaires, dont la France a été lune des principales puissances instigatrices. Je vous laisse imaginer les conséquences à linternational.

 Enfin il y a eu 16 000 titres de séjour pour des raisons économiques, cest-à-dire des immigrés quon a fait venir en France pour travailler dans des secteurs où on ne trouvait pas assez de main-doeuvre. Jimagine que cest sur ce chiffre que le FN veut surtout jouer, mais cela veut dire que des secteurs entiers de léconomie seraient en grande difficulté : la construction, la restauration, la santé Enfin il y a une catégorie résiduelle, avec 13 000 titres de séjour : ce sont surtout des visiteurs pour de longues périodes, ou des mineurs présents sur le territoire qui atteignent leur majorité. Passer de 200 000 titres de séjour à 10 000 serait non seulement tout à fait irréaliste, mais aussi catastrophique pour léconomie et la société françaises. Quand le FN fait cette proposition, il prend ses électeurs pour des imbéciles, il n’y a pas dautre mot.

L’immigration est-elle responsable de la montée du chômage tel que laffirme le FN depuis les années 70 avec son slogan « Un million de chômeurs, cest un million d’immigrés en tro» ?

Cest comme si vous disiez : sil y a trop de jeunes chômeurs, cest parce quil y a trop de jeunes !. Cest aussi absurde que cela. Toutes les études, dabord, montrent que limpact de limmigration sur le taux demploi (et donc de chômage) des populations autochtones est quasi nul. Par contre le taux de chômage de la population immigrée est plus important, cest un fait : cest dû notamment aux discriminations dont les immigrés font lobjet sur le marché de lemploi, mais aussi à des politiques migratoires contre-productives, comme cette loi de 1991 qui interdit aux demandeurs dasile de travailler pendant que leur dossier est en attente ce qui prend parfois des années.

Largument de limmigration responsable de la montée du chômage nest donc pas vérifié dans les faits, mais est de surcroît vicié à la racine, dun point de vue économique : il repose sur lidée quil y ait un stock  fixe demplois disponibles, et donc que tout accroissement de la population crée du chômage. Dabord, limmigration ne compte que pour moins dun cinquième dans laccroissement de la population française. Mais surtout, nous vivons dans une économie tertiaire, cest-à-dire une économie de services aux personnes, donc laccroissement de la population crée aussi des emplois. Les immigrés, quand ils noccupent pas des emplois dont les Français ne veulent pas, et dont les salaires ou les conditions de travail sont souvent indécents, ont aussi souvent créé leurs propres emplois, et des emplois pour les Français. Ils ont créé des sociétés, développé le commerce et les relations avec leurs pays dorigine, investi en France et dans leurs pays, souvent avec dénormes capacités dinnovation. Les immigrés sont aussi des créateurs demploi et des investisseurs limmigration en elle-même, dailleurs, est souvent un investissement très lourd et très risqué pour les migrant(e)s.

Le FN continue de s’appuyer sur le rapport de Jean-Paul Gourévitch et de Pierre Milloz pour affirmer que l’immigration repsente un coût économique pour la société française. Quel regard portez-vous sur ces rapport?

Il faut distinguer les deux, qui ne disent dailleurs pas exactement la même chose. Pierre Milloz a longtemps été militant du Front National, et son rapport de 1990 sur le coût de limmigration a été réalisé directement pour le Front National. Il en a ensuite publié plusieurs variantes, aux Editions Nationales puis aux Editions Godefroy de Bouillon, un éditeur dextrême-droite spécialisé dans les livres sur la religion musulmane. Chacun en tirera les conclusions quil voudra quant aux conclusions du rapport. Pour ma part, je trouve cela relativement cohérent que le FN sappuie sur un rapport quil a lui-même commandé et publié.

Le rapport de Jean-Paul Gourévitch est un peu différent, puisquil a été réalisé pour les Contribuables Associés, un collectif de militants qui se battent contre loppression fiscale. Il était peu vraisemblable, dans ces conditions, que le rapport estime que limmigration a un impact fiscal positif. Jean-Paul Gourévitch, soit dit au passage, a depuis révisé ses chiffres, et estime désormais le coût de limmigration à 5,5 milliards deuros.

Ce quil faut bien comprendre, cest que ces deux rapport ne sont pas des rapports de recherche. Ce sont des rapports dexpertise, de consultance, réalisés pour un commanditaire particulier, dans un but précis. Je ne veux pas jeter lopprobre sur les activités de consultance en général, mais il faut bien comprendre que ce nest pas de la recherche effectuée dans lintérêt général, ce sont des recherches effectuées pour un commanditaire spécifique dans notre cas, le FN et les Contribuables Associés, respectivement.

Dans vos travaux, vous affirmez que contrairement aux Etats-unis, l’immigration repsente un coût en France. Comment lexpliquez-vou?

Ce ne sont pas vraiment mes travaux, mais plutôt ceux de lOCDE et dautres économistes. Selon les coûts pris en compte, on arrive généralement à un coût compris entre 4 et 10 milliards. Certains travaux ceux de Xavier Chojnicki notamment mentionnent même un impact fiscal positif. Mais la plupart des travaux saccordent pour dire que ça représente un coût, assez léger mais un coût quand même. Mais la France est une exception en la matière. Aux Etats-Unis, mais aussi dans limmense majorité des pays industrialisés, limmigration rapporte bien plus quelle ne coûte. Pourquoi ne parvient-on pas, en France, à maximiser les bénéfices de limmigration ? Avant tout parce que le taux de chômage des immigrés est plus élevé quailleurs, notamment en raison des discriminations dont il font lobjet sur le marché du travail quand on ne les empêche pas carrément de travailler, comme cest le cas des demandeurs dasile ! Et on sait le rôle essentiel que joue le travail dans lintégration, outre ses bénéfices fiscaux évidents.

La France accueille t-elle davantage d’immigrés que ses voisins européen?

Tout dépend des voisins dont on parle. Elle en accueille davantage que le Luxembourg ou la Belgique, certes dans ce cas-là, le flux migratoire va plutôt dans le sens de lévasion fiscale. Mais si on compare la France à des pays européens de taille comparable, on constate quelle accueille beaucoup moins dimmigrés. En 2011 par exemple, selon la base de données officielle de lUnion européenne (Eurostat), la France a accueilli 267 000 immigrés. Le Royaume-Uni, en comparaison, en a accueilli 566 000, lAllemagne 490 000 et lItalie 385 000. Et la France est dailleurs le pays qui affiche le solde migratoire (cest-à-dire la différence entre les entrées et les sorties) le plus faible : 54 000 personnes. En 2011, il y a également 213 000 personnes qui ont quitté la France. Au Royaume-Uni, elles étaient 350 000, 249 000 en Allemagne et 82 000 en Italie. Sans limmigration, la France perdrait chaque année plusieurs dizaines de milliers dhabitants.

Propos recueillis par David Doucet 

 

 

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  • professeur de lettres, écrivain, j'ai publié plusieurs livres dans la région Languedoc-Roussillon, sur la Catalogne, Matisse, Machado, Walter Benjamin (éditions Balzac, Cap Béar, Presses littéraires, Presses du Languedoc...
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