En bateau (pas sur le Lydia...) : Alain Ferrand, l'ancienne Préfète et J.Marc Pujol, maire de Perpignan (C) JMP 2015
Je ne pensais pas parler du maire du Barcarès, en ce samedi qui devrait être voué à la distraction ! Mais l'hebdo "M" du journal Le Monde publie un dossier argumenté sur les affaires et condamnations du couple célèbre à la tête de la mairie de la station touristique du Barcarès..
Alain Ferrand, je ne l'ai cotôyé qu'une fois, quand j'ai été invité au premier salon du livre, installé en plein air, sur le parking en front de mer. C'était bien organisé, les responsables de la bibliothèque étaient là et le maire est venu saluer, de façon conviviale, les écrivains, ce qui n'est pas toujours le cas (par exemple à Cabestany et à Argelès, naguère). Apéritif honorable, sourires et photos avec le maire...
Hélas le vent chaud du désert se leva et le salon fit long feu... L'année suivante, l'événement fut rapatrié dans le bateau des sables, paquebot grec désaffecté échoué sur la plage, racheté en 1967 (Sylvie Vartan se souvient de sa venue pour l'inauguration !), devenu casino dans les années 1990, une des nombreuses activités lucratives du maire...
Je n'ai plus été invité au salon du livre du Barca... Allez savoir pourquoi… Je me suis consolé avec le Barça...
Les Balkany du Roussillon, c'est sous ce titre, que les journalistes du quotidien parisien (publiant aussi la revue M, datée du 10 décembre 2016) énumèrent toutes les irrégularités et condamnations du couple Ferrand. Ce dossier s'appuie largement sur l'enquête de l'hebdo Le Point (ci-dessous) , des rapports de la chambre régionale des comptes et des informations de l'association Anticor, dont la vocation est de dénoncer le manque d'éthique des élus et des hommes politiques.
Irrégularités dans les marchés publics, copinages aux frais de la municipalité, dépenses somptuaires lors de la Fête des Ainés (1100 demi-langoustes, 150 magnums de champagne, abus de biens sociaux liés à la gestion des casinos et boites de nuit (Le Marina…), commandes de sculptures à des artistes liés à des membres du conseil municipal, filiales d'hôtellerie et de machines à sous en liaison avec des dirigeants africains…Peines de prison, fermes et sursis…Quand monsieur est condamné, c'est madame qui règne sur Le Barcarès… Cela rappelle un ancien couple du Front national...
Et plus le duo est condamné, mieux il est élu à la mairie… Le parti "Les Républicains" est quelque peu embarrassé par ce couple atypique. Cependant ils sont si populaires ! Ils ont plus de voix que le FN, pourtant bien considéré dans la station touristique : 56 % pour Louis Aliot aux Régionales ! Alors..?
C'est là, la clé de la réussite ? Pas, sans doute, de l'éthique…
jpb
Roulette. Les Ferrand se transmettent depuis vingt ans les clés d'une mairie des Pyrénées-Orientales... au rythme de leurs condamnations à l'inéligibilité.
JEAN-MICHEL DÉCUGIS ET PHILIPPE SIMONUn joli port, des plages de sable blanc, des immeubles à l'architecture contemporaine bâtis entre mer et étang : Le Barcarès, à 22 kilomètres de Perpignan, 4 500 âmes l'hiver, 120 000 l'été, est une des stations balnéaires phares des Pyrénées-Orientales. Une sorte de Sun City catalane, paisible et très prisée des retraités. Ici, l'originalité est ailleurs. Elle tient à la famille qui possède les clés de la cité. Plus exactement, un couple, Alain et Joëlle Ferrand, qui se partage l'hôtel de ville depuis près de vingt ans et alimente rumeurs et fantasmes. Une vraie saga digne d'un soap opera à l'américaine où se mêlent ambitions, jeux, casinos et quelques passages par la case prison... Il ne manque, au fond, que le pétrole pour nous transporter chez les Ewing, du célèbre feuilleton "Dallas".
Le jocker. Depuis 1995, d'inéligibilité en inéligibilité, les époux Ferrand se transmettent le siège d'édile. Dans la famille, il y a d'abord Alain Ferrand, 53 ans, le maire actuel, étiquette UMP, sous la menace d'une affaire de "faux électeurs"(voir p. 76). Le 22 mars 1999, il avait été contraint de démissionner de son premier mandat et condamné à trois ans de prison avec sursis ainsi qu'à 300 000 francs d'amende pour "abus de biens sociaux". Une peine de trois ans d'inéligibilité s'y était ajoutée. Son épouse, Joëlle, lui avait alors succédé dans le fauteuil de premier magistrat.
Durant douze ans, Mme Ferrand a tenu les rênes de l'hôtel de ville, avec son mari " comme marionnettiste", disent les mauvaises langues. Problème : en 2011, l'épouse est à son tour condamnée à dix-huit mois de prison avec sursis et 10 000 euros d'amende pour des irrégularités dans les travaux de dragage du port. Son réaménagement avait eu lieu la nuit, en catimini. Le but était de favoriser le passage du bateau du frère d'un élu, en l'occurrence le premier adjoint."Un pêcheur. C'était pour son travail. Il n'y a plus que dix pêcheurs dans la commune, il ne faut pas qu'ils crèvent !" s'emporte Alain Ferrand de son fort accent du Midi. La justice y a vu une prise illégale d'intérêts. " Ma femme a écopé de cinq ans d'inéligibilité, un scandale ! bondit l'époux . On a voulu la casser, car elle avait un boulevard politique dans le département."
De facto, en août 2011, des municipales anticipées sont organisées. Et qui l'emporte ? Alain Ferrand, qui reprend ainsi le fauteuil laissé vacant par son épouse. On reste en famille jusqu'au bout puisque sur sa liste Ferrand figure Mathilde, l'une des filles du couple."Je l'ai mise en dernière position, elle faisait du droit, la politique l'intéressait", se défend monsieur le maire. Mathilde Ferrand déjà positionnée pour reprendre le flambeau en cas de coup dur ? Aujourd'hui, l'opposition, qui espère se débarrasser une fois pour toutes de cette "dynastie", ne veut pas y croire... L'UMP, elle, se montre magnanime : après avoir exclu les Ferrand, elle les a réintégrés.
La légende veut qu'Alain, fils d'agriculteur aveyronnais, soit arrivé au Barcarès avec une simple valise, au début des années 80. Pas tout à fait exact. A l'origine, professeur de gestion dans une école hôtelière toulousaine, il se lance dans la restauration. C'est le début du grand boom touristique. L'ex-enseignant acquiert Le Riviera, un restaurant face à la mer, qu'il transforme rapidement en complexe touristique doté d'une boîte de nuit : Le Marina. L'épopée commence. En 1987, il rachète le symbole de la station : le "Lydia", un navire ensablé, le seul de cette taille au monde, qu'il transforme en casino. Alors que les établissements de jeu périclitent, l'homme d'affaires, un brin visionnaire ou très bien renseigné, mise sur l'arrivée des machines à sous, tout juste autorisées par Charles Pasqua, le ministre de l'Intérieur de l'époque.
Bandits manchots. Avec Francis Perez, son tout jeune associé, à la réputation quelque peu controversée, il rachète à bas prix d'autres casinos sur la côte languedocienne. Les ennuis ne vont pas tarder... Dans un rapport parlementaire, les députés François d'Aubert et Bertrand Gallet relèvent que "les casinos, instruments de blanchiment, constituent un secteur traditionnel d'investissement des organisations criminelles de type mafieux". Et le document de citer "l'existence de mouvements de capitaux suspects au sein d'un holding qui contrôle des casinos du Languedoc-Roussillon". En fait, les rapporteurs visent le holding Grand Sud, celui dont, justement, Ferrand est PDG. A la suite de ce rapport accablant, les très lucratifs bandits manchots n'arriveront jamais au Barcarès. En 1992, le patron du "Lydia" et Perez passeront quelques jours en prison, à Dijon, interpellés par la branche jeux et courses des RG de Paris. Les policiers soupçonnent le PDG du holding Grand Sud de cavalerie financière entre sa société, dont les caisses sont vides, et le casino de Lons-le-Saunier, auquel il apporte son savoir-faire. La sanction tombe : Ferrand est interdit de gestion de casinos et doit se séparer de ses établissements, repris par le groupe Gippi de La Rochelle."Nous étions jeunes et inexpérimentés dans un secteur aux enjeux financiers énormes. On a cherché à nous briser", se défend le maire du Barcarès.
Et rebelote...Trois ans plus tard, en dépit de ses déboires, Ferrand, encore conseiller municipal, se présente à la mairie."Il était malin et beau parleur", se souvient Edouard Collet, un retraité de la police, devenu son premier adjoint. Ce supporteur acharné de l'Usap, le club de rugby de Perpignan, raconte aujourd'hui avec un certain amusement son recrutement par Ferrand : " Un jour, il a frappé à ma porte et m'a dit : " Je voudrais que vous figuriez sur ma liste, j'ai besoin de vous ." J'ai dit oui. Après coup, je pense que je lui ai servi de caution."
Alain Ferrand est élu maire en 1995, mais son élection est vite invalidée par le tribunal administratif. Motif ? " Une pantagruélique et gigantesque paëlla", organisée pendant la campagne électorale. Qu'à cela ne tienne, le maire est réélu haut la main en 1996. Cependant, les accusations de clientélisme ne cesseront de le poursuivre. " Ici, employés de mairie, retraités, clubs sportifs et associations en tout genre sont particulièrement choyés", observe Véronique Pastoureau, ancienne proche de Ferrand passée dans l'opposition. Et la conseillère municipale de dénoncer "l'agneau pascal entier, estampillé catalan", offert à Pâques à environ 170 personnes, ou le " repas gastronomique spécial" organisé pour certaines "associations influentes".
"Ça veut dire quoi, clientélisme ? s'insurge Alain Ferrand.Aimer les gens, s'occuper d'eux, être humain. Eh bien, oui, ici, on est fier de ne pas laisser les gens sur le carreau." La clé de la réussite des Ferrand ? En 2010, dans un rapport de la Cour des comptes, Claude Robert, un adjoint de Joëlle Ferrand, ex-gendarme, dénonçait un " fichage systématique de la population en âge de voter". Mais Me Henri de Beauregard, l'avocat parisien d'Alain Ferrand, obtiendra, fait rarissime, la condamnation d'un des interlocuteurs de la Cour des comptes pour "diffamation", le gendarme Robert ayant outrepassé ses prérogatives. Selon nos informations, la chambre régionale des comptes s'apprêterait à sortir en juin un nouveau rapport sur certaines dérives de gestion de la commune, l'une des plus endettées du Languedoc-Roussillon. " Ce sont des dettes saines d'investissement, la commune n'a aucun souci", anticipe Ferrand.
"Nébuleuse". Les électeurs du Barcarès semblent indifférents aux déboires pénaux des Ferrand. Le casier judiciaire s'épaissit pourtant. En 1998, Alain Ferrand, alors maire, repasse vingt-quatre jours en prison pour une affaire de "prise illégale d'intérêts" au détriment d'une société d'économie mixte dont il était le président. Mandaté par le conseil d'administration, il avait placé 10 millions de francs appartenant à la SEM sur un compte d'intérêts plus productif. Un placement qui avait permis d'optimiser le capital de la société, mais qui aurait dû également lui permettre de toucher au passage la somme de 100 000 francs, ce qui interroge sur le fonctionnement des services de contrôle de l'Etat dans le département. Seule l'intervention du parquet de Perpignan aurait empêché, à l'époque, la rétrocession de la totalité de la commission."J'ai agi dans l'intérêt de la commune, à laquelle j'ai fait gagner de l'argent", se justifie le maire. L'affaire avait néanmoins conduit à une nouvelle condamnation de Ferrand.
Mélange des genres, prises illégales d'intérêts, fraude fiscale... les griefs contre la famille sont nombreux. Le dernier en date, dénoncé par l'opposition locale, est le rachat par la ville au groupe Partouche du fameux navire ensablé, le "Lydia"... Objectif ? Transformer à nouveau l'établissement en casino. Rebelote ! " La ville fait une affaire, plaide Alain Ferrand.Elle l'a acheté 1 million d'euros alors que le groupe Partouche y avait fait pour 12 millions d'euros de travaux." En vérité, le maire, interdit de gestion de casinos en France, a poursuivi son activité à l'étranger. Depuis de nombreuses années, il est l'un des codirigeants, avec Francis Perez et Olivier Cauro, de la Pefaco, une dénomination correspondant aux initiales des trois associés. Dans cette société espagnole spécialisée dans les machines à sous et la création d'hôtels en Afrique, Alain Ferrand dirige la branche hôtellerie. Selon un récent rapport de synthèse de PJ lié à certains assassinats en Corse, dont Le Point s'est procuré une copie, les policiers corses qualifient cette société de "nébuleuse" et l'inscrivent dans la guerre sanglante qui ravage l'île de Beauté. " Du pur fantasme, rétorque Alain Ferrand.Lorsque nous avons vu qu'il était impossible pour nous, en France, d'être dans les jeux, nous avons déplacé nos activités ailleurs dans le monde, c'est tout. "
Maire du Barcarès mais surtout chef d'entreprise et gérant d'une véritable galaxie de sociétés, en France et à l'étranger, qui gravitent dans le monde de la nuit, l'immobilier, l'hôtellerie de luxe en Afrique et le jeu, Alain Ferrand n'a cure des rumeurs."Je sais qui je suis, j'ai la conscience tranquille, affirme-t-il . Mon père, qui venait de la terre, m'a donné le goût du travail.La politique, ou l'on en vit, ou l'on en rit. J'ai choisi d'en rire", conclut cet atypique élu local. Les plaisanteries les plus longues ne font pas rire tous les Barcarésiens...
A moins d'un an des municipales, Alain Ferrand doit se justifier dans une affaire de " faux électeurs " datant de 2006, où il risque de nouveau l'inéligibilité s'il est renvoyé en correctionnelle et condamné. Dans son réquisitoire définitif, le parquet de Perpignan l'accuse d'avoir procédé à quatre inscriptions frauduleuses sur les listes électorales de la commune à l'époque où son épouse était maire." Il n'y a pas de faux dans cette histoire, s'insurge-t-il.Le seul témoignage à charge est celui d'un ancien employé que j'ai viré. Nous n'avons pas dit notre dernier mot. " Toujours selon le parquet, Ferrand aurait établi de faux certificats de logement en faveur de quatre employés de sa SCI La Riale. Logés " à titre gracieux et précaire " au-dessus du Marina, la discothèque du maire, ces derniers auraient résidé en réalité en dehors de la ville. Les documents en question porteraient en outre de fausses signatures. L'élu conteste farouchement l'ensemble des accusations.
Février 1999 : abus de biens sociaux (3 ans d'inéligibilité). Juin 1999 : prise illégale d'intérêts (5 ans d'inéligibilité). 2001 : fraudes fiscales.
2011 : prise illégale d'intérêts (5 ans d'inégibilité).
***Conférence
dimanche 10 décembre 2016
à 17 heures
Banyuls-sur-Mer - salle Novelty
La barque catalane
d'hier et d'aujourd'hui
par Samuel Villevieille
La conférence traitera du patrimoine maritime à travers un objet emblématique : la barque catalane. Ce bateau, typique de la méditerranée, permettra d’aborder l’histoire de la côte avec la vie des gens de mer mais aussi de s’intéresser aux mutations socio-économiques qui ont entraîné une reconversion du bateau de pêche professionnel en bateau de plaisance, de l’outil de travail à un objet de loisirs. Cette transition ouvrira le débat sur les questions de conservation et de restauration d’un patrimoine fragile. Enfin, le propos s’orientera sur la place donnée au patrimoine maritime et les innovations dont il peut être porteur. Cette communication est accompagnée d’une projection de cartes postales anciennes et de photographies contemporaines.
Chargé de mission au patrimoine maritime depuis 2002 au Conseil Départemental des Pyrénées-Orientales, ethnologue de formation, Samuel Villevieille est responsable de l’Atelier des Barques à Paulilles. Il anime notamment le lieu toute l’année avec des expositions et des conférences autour du thème de la mer et de son patrimoine.