16 août, 18:58, par Jean-Bernard Mathon
5 MESURES D'URGENCE (et de bons sens) POUR SAINT-JACQUES :
1. Moratoire total sur les démolitions.
2. Travaux d'entretien sur tous les immeubles vacants pour éviter qu'ils ne continuent à se dégrader. Concerne la mairie, les bailleurs sociaux, les propriétaires privés (avec subventions pour ces travaux d'urgence).
3. Îlot place du Puig : programme de réhabilitation des 4 immeubles qui subsistent et reconstruction des immeubles démolis (dans le respect de l'architecture du quartier).
4. Constructions neuves et respectueuses du bâti traditionnel sur tous tous les îlots démolis depuis 3 ans, avec création de lieux de vie. Concours d'architectes ; faire appel aux artisans locaux ; chantiers d'insertion pour les jeunes du quartier, etc ...
5. Réhabilitation des immeubles dégradés, insalubres, vacants, ... Relogement (si nécessaire, et, éventuellement temporaire des habitants dans les nouveaux logements construits).
NB : Cela nécessitera de revoir le NPNRU, après élaboration d'un nouveau projet en concertation avec les habitants du quartier comme promis par le préfet. Une vraie co-construction pour utiliser un mot à la mode.
Polémiques de l'été en pays catalan : La Croix des habitants d'origine gitane - Hulot, ses mensonges, la chute de Macron - Ministres de la culture et de l'intérieur : démission !!!
*Article publié par le journal LA CROIX, il y a deux jours (27 août 2018) : c'était pas la peine d'envoyer un reporter et un photographe pour écrire cette "analyse" avec clichés ("le patriarche"...)
L’épineuse réhabilitation du quartier gitan de Perpignan
Raphaëlle Chabran , le 27/08/2018 à 6h00
La mairie de Perpignan a entamé un projet de réhabilitation du quartier historique de Saint-Jacques.
Plusieurs immeubles jugés insalubres ont été démolis.
La communauté gitane, principale occupante du quartier, est épaulée par des défenseurs du patrimoine pour que soit gelé le projet.
Les Gitans, qui habitent Saint-Jacques depuis 1941, voient la réhabilitation du quartier comme une menace. / Jc Milhet/Hans Lucas
Perpignan (Pyrénées-Orientales)
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La place du Puig est l’agora de Saint-Jacques. Dès que le soleil se retire des façades, les hommes s’y rassemblent, assis sur des chaises ou accoudés aux voitures. Les discussions s’étirent souvent jusque tard dans la nuit. Mais depuis peu, la place est devenue le lieu des mécontentements et des inquiétudes. Saint-Jacques – comme quatre autres quartiers du centre-ville – a été choisi pour figurer dans le nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU). De 2018 à 2024, la mairie de Perpignan prévoit de détruire 24 îlots, soit 483 logements, dont « 40 % seraient vacants », selon le responsable du projet, Olivier Amiel.
Les Gitans, eux, envisagent ces travaux comme une menace. Ils craignent que la rénovation ne fasse grimper les loyers et les pousse, à terme, à partir du quartier qu’ils habitent depuis 1941.
Nick Gimenez, patriarche de la communauté, pointe du bout de sa canne les ruines de l’îlot du Puig, à droite de la place. On y devine les murs de plusieurs maisons, le carrelage d’une ancienne salle de bains, le tout perché au milieu de gravats. « On a décidé de ne plus se laisser faire. Le 27 juillet, avec d’autres habitants du quartier, nous avons stoppé la tractopelle. La mairie s’attaquait à un lieu symbolique du quartier et de la communauté. » Trois jours plus tard, une centaine de personnes du quartier se rassemblaient devant la préfecture des Pyrénées-Orientales pour exiger l’arrêt des travaux.
Selon Olivier Amiel, l’îlot était dans « un état d’insalubrité irrémédiable ». Depuis 2006, les bâtiments étaient inoccupés et laissés à l’abandon ; les services d’urbanisme de la mairie ont décidé de sa destruction, estimant « le risque d’effondrement trop important ».
Un argument qui ne tient pas selon les deux associations de défense du patrimoine catalan qui épaulent les résidents. Bernard Cabanne fait partie de l’une d’elles. Cet architecte connaît Saint-Jacques depuis trente ans. Pour lui, le projet urbain est inadapté et met en péril l’héritage culturel perpignanais : « Tous les immeubles peuvent être rénovés, à condition d’y mettre de la volonté. Les rez-de-chaussée et la base des murs datent pour la plupart du XIIIe siècle ; le reste, du milieu du XIXe. » Ces édifices ont été érigés à partir de cayrou, une pierre catalane, de galets et de terre crue. « Ce sont de très bonnes constructions », assure l’architecte.
Là où le bât blesse, c’est que les maisons n’ont jamais été entretenues correctement. Depuis les années 1950, les plans de rénovation ou de sauvegarde sont inexistants. Les propriétaires ou les locataires, souvent la proie de marchands de sommeil, n’ont pas non plus contribué au maintien des habitations en bon état, par manque de moyens.
À Saint-Jacques, le taux de chômage atteint 83 % et la moitié de la population gagne moins de 3 500 € par an. Pour Nicolas Caudeville, qui a vécu pendant vingt ans dans ce quartier, la ville a instauré « une stratégie du pourrissement, qui résout la misère à coups de pelleteuses ». Ce blogueur considère que « la municipalité paye ses abandons successifs, d’un point de vue urbain et social ».
Car, à compter des années 1950, les Gitans ont vu disparaître leurs métiers de prédilection : maquignon, rempailleur, maréchal-ferrant. Désœuvrés, ils ont vu leur rôle social et économique faiblir. Vingt ans après, la communauté a connu le trafic d’héroïne et de cocaïne. Certains sociologues perpignanais estiment que 70 % des hommes ont été décimés par le VIH, les overdoses ou les hépatites entre 1980 et 1990.
« La communauté s’est remise avec difficultés de cette hécatombe : la transmission culturelle et la hiérarchie se sont interrompues, les héritiers des patriarches ayant disparu », explique le pasteur Gino Cargol, qui fait office de médiateur social. Les émeutes de 2005 entre Gitans et Maghrébins ont aussi contribué à isoler la communauté.
Aujourd’hui, les Gitans de Saint-Jacques sont amers. Ils craignent que le nombre de reconstructions ne compense pas le nombre de logements et que leur communauté explose. Olivier Amiel l’assure, « l’offre sera reconstituée, avec un nombre suffisant de logements sociaux ». Nick Gimenez et les siens veulent des preuves et l’assurance que les logements reconstruits seront pour eux. Bref, qu’aucun membre de la communauté ne soit expulsé. À les croire, les murs de Saint-Jacques auraient « l’âme gitane ».
Raphaëlle Chabran