Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
29 décembre 2018 6 29 /12 /décembre /2018 12:08
C.Delmas avec l'écrivain Henri Lhéritier, disparu aussi récemment - CD photographié - Avec Catherine, son épouse - avec Antoine Cayrol (photos JPBonnel)
C.Delmas avec l'écrivain Henri Lhéritier, disparu aussi récemment - CD photographié - Avec Catherine, son épouse - avec Antoine Cayrol (photos JPBonnel)
C.Delmas avec l'écrivain Henri Lhéritier, disparu aussi récemment - CD photographié - Avec Catherine, son épouse - avec Antoine Cayrol (photos JPBonnel)
C.Delmas avec l'écrivain Henri Lhéritier, disparu aussi récemment - CD photographié - Avec Catherine, son épouse - avec Antoine Cayrol (photos JPBonnel)

C.Delmas avec l'écrivain Henri Lhéritier, disparu aussi récemment - CD photographié - Avec Catherine, son épouse - avec Antoine Cayrol (photos JPBonnel)

  • Claude Delmas est un écrivain catalan de langue française né le 20 mai 19321 à Rivesaltes (Pyrénées-Orientales) et mort le 20 septembre 20162. Il a aussi publié sous le pseudonyme de Dieudonné Jourda.
  • Docteur en droit, Claude Delmas a été directeur général d'Air France en Espagne.
  • Il a écrit une douzaine de romans qui ont été publiés chez Julliard, Flammarion, P.O.L, aux Éditions Trabucaire et Mare Nostrum.
  • Il était aussi à l'origine, avec Claude Vauchez, d'un collectif pour sauver les vestiges du camp de Rivesaltes, qui devaient initialement être rasés.
  • Il résidait à Vingrau, dans les Pyrénées-Orientales
  •  
  •  
  • OEUVRES :  Le bain maure, éditions Julliard, 1964.
  • Le pont du chemin de fer est un chant triste dans l'air, éditions Flammarion, 1965.
  • Les extrêmes climats, Flammarion, 1967.
  • Célébration de l'épingle à nourrice, éditions Robert Morel, 1969.
  • Le Schooner, Flammarion, 1970.
  • Le jeune homme immobile, Flammarion, 1972.
  • Grande neige, grand soleil, Flammarion, 1975.
  • Yamilée (théâtre), Flammarion,1978.
  • Des reines sont mortes belles et jeunes, Flammarion, 1978.
  • Chronique des guerres occitanes, éditions POL, 1983.
  • La lune est l'assassin, Flammarion, 1995.
  • Madrid et ses Castilles (essai), éditions Mare Nostrum, 1997.
  • Les Catalans sont des patots (avec des collages de Claude Massé), éditions Trabucaire, 1999.
  • L'emmurée de Tolède, éditions Balzac, 2001.
  • Histoire de Billy et la mienne, Perpignan, éditions Trabucaire, 2001 (originellement paru sous le pseudonyme de Dieudonné Jourda, Hachette/POL, 1980).
  • La vie va vite en août, Mare Nostrum, 2005.
  • L'Absolue Sécheresse du cœur, Perpignan, éditions Trabucaire, 2005 — Prix Méditerranée Roussillon 2006.
  • Toromania (avec des collages de Claude Massé), Perpignan, Trabucaire, 2008.
  • Pères pales inviolés (poésie), Voix éditions, 2012.
  • A jamais ton nom sur ma langue, Trabucaire, 2014.
  • Disparition du département des Pyrénées Orientales, éditions Libre d'Arts, Prix O. Coste des Vendanges Littéraires 2016.

- - -

Claude DELMAS, écrivain de la frontière


« Dans un village, celui qui dépasse la frontière crée le récit. »


     C’est un doux, un tendre, un timide. De l’énigme et de la retenue qui l’habitent naît ainsi une grande séduction. En effet, cet homme est un séducteur : il vous charme naturellement, en raison de sa modestie et de sa douceur mêmes.

Il sait se tenir à l’écart des spectacles du monde, mais un beau jour de tramontane et de salubrité publique, il n’hésitera pas à faire entendre une colère qu’on ne soupçonnait pas chez lui…A l’occasion, par exemple, d’un article de journal inconséquent ou du devenir du Camp de Rivesaltes, dont il fut un temps, le temps de croire à la raison et au cœur des hommes, l’âme et le moteur. Jaillit alors l’intifada des mots !

En effet, ce natif des Corbières roule dans sa bouche les pierres frontalières de la Catalogne et de l’Occitanie, avec un accent –comme on dit pour caricaturer- « parisien », lui, l’enfant du Sud, fils d’un instituteur de Vingrau !Il a l’inflexion des gens qui ont voyagé, lu et vécu au-delà des frontières de la proximité. Il a aussi la taille d’un homme du Nord, et la chevelure d’un Indien de ce grand Nord, où la neige ose même vous blanchir les ondulations du crâne. Ainsi, il pourrait, de prime abord, vous impressionner par sa hauteur de corps, par sa hauteur de vue. Par une force spirituelle, née de la croyance en des valeurs inaliénables : l’enfance passée en une géographie précise, irremplaçable, ou l’enracinement dans un ultralocal cerné de frontières sociales, politiques, psychologiques, historiques…et le plus souvent mesquines.

Ainsi de la rivalité cloche-merlesque entre Tautavel et Vingrau, en filigrane de plusieurs de ses romans, et qu’il faudra bien expliciter un jour, avec la plume habituelle de la poésie et de l’ironie, formule susceptible de définir le style de Claude Delmas. Mais sa « hauteur de vue », c’est-à-dire son aptitude au bonheur, le recours au recul apaisant et à la distance pourvoyeuse de vérité, il la doit à une existence riche et longtemps déroulée par-delà des montagnettes qui voudraient inscrire des limites entre deux peuples proches. De par son métier, en tant que haut responsable à « Air France », C.Delmas a parcouru le village du monde et a connu les autoroutes de la terre et des airs. Pourtant, on a l’impression qu’il n’est jamais parti, qu’il n’a jamais quitté la caune de son village ou le nid fœtal de sa préhistoire ! Qu’il est là, droit, dur, debout, débutant de la vie, dans le corps de la pierre, dans la maison commune des Corbières, les deux pieds dans ses racines qui, depuis le Rivesaltais, plongent jusqu’à la Catalogne d’en deçà des Pyrénées et jusqu’au cœur de cette Espagne, sue sur le bout des yeux, et omniprésente dans son œuvre. D’ailleurs, un dossier récent du « Monde des livres » rappelait le beau texte de Claude Delmas sur Madrid et ses Castilles.

Avec discrétion, il a l’Espagne au cœur, et Vingrau, ses deux plus chères Républiques. Et l’amitié ! En effet, il saura se taire longtemps, notre ami, et puis, soudain, nous donner par un acte tangible ou par des paroles encourageantes, un témoignage d’affection virile. De celle-ci, il en donne les preuves physiques, telle l’embrassade ou la main sur votre épaule : il s’y appuie longuement et les petits nouveaux, les passants pressés ou les étranges étrangers croient que c’est pour trouver quelque appui ou reposer son interminable taille d’éternel jeune homme…

Ses récits racontent tout cela, ces moments d’amitié, d’amour, dans un retour inlassable vers la mémoire, le premier geste de compagnonnage, le plaisir originel avec la femme, dont il découvre, tout étonné, l’anatomie intime…Ses romans sont l’exploration fébrile de l’Autre et du monde : ils sont parcourus d’aventures amoureuses et décrivent l’odyssée des voyageurs des autoroutes. Cependant, Claude Delmas n’est en aucun cas l’Ulysse du cheminement moderne ; il est à l’opposé d’un Julio Cortazar, qui, dans Les Autonautes de la cosmoroute parle des menus événements susceptibles d’arriver sur les multiples voies bitumées ou sur les aires de repos. La poésie de l’autoroute qui intéresse Claude Delmas, c’est cette ligne droite sécurisante, permettant d’aller rapidement d’un point à un autre. Dans cette zone neutre, hors du monde, il oublie les tracas du métier et le travail d’écrivain. Cette frontière, qui sépare la réalité et la fiction, lui promet que rien d’inquiétant ne surviendra. L’autoroute est grosse de « possibles impossibles », formule fulgurante destinée à définir le virtuel et la fiction ; la vie et la confrontation avec le réel ont lieu dès qu’on quitte le poste de péage. De même, le village natal, c’est l’autoroute, la paix, la régression vers la naissance ; passez le « pas » de Vingrau, et il vous faut vous coltiner avec ce qu’on appelle la vie, c’est-à-dire, le cheminement vers la mort. L’existence de C.Delmas peut se résumer ainsi : l’éternité autoroutière, où l’on songe au prochain livre et la retraite au hameau, où l’on écrit le dernier livre ; entre ces deux somnolences, il faudra bien s’activer un peu pour mettre de le l’encre dans le moteur et du super dans le plumier !

A l’occasion des rencontres de Leucate, entre écrivains catalans et occitans, en juillet 2001, qui s’interrogeaient sur l’utilité des frontières, Claude Delmas a fait cette remarque essentielle : « S’il n’y a pas de frontières, il n’y a pas d’antagonismes. La frontière provoque le récit. Dans un village, celui qui dépasse la frontière, la limite entre deux cantons, crée le récit. » On pense alors que la frontière, pour l’inspiration affective, psychologique de l’adulte marqué par l’époque de son enfance villageoise, la vraie frontière, ce n’est pas la limite politique entre la France et l’Espagne, la barrière géographique des Pyrénées, la frontière économique entre les classes sociales ou les pays riches et pauvres, c’est la présence du Verdouble, qui sépare Tautavel et Vingrau…

C’est la frontière mentale entre l’en deçà, qui est le bonheur de l’enfance, le cocon familial, et l’au-delà qui est tumulte, angoisse et combat pour la vie : « Dans un village, celui qui dépasse la frontière crée le récit. » Claude Delmas a dû enjamber la frontière, franchir l’entre-deux d’une rivière pour aller gagner sa vie, mais non pas perdre son temps : le monde alimente en lui le romanesque. Le temps passé loin des racines n’est pas vécu comme une situation d’exil ; C. Delmas n’en conserve ni amertume ni dépit ; il estime que la vraie frontière est en nous, témoin la valse-hésitation entre deux femmes dans son dernier recueil L’emmurée de Tolède, ou ces aspirations permanentes entre deux pays, celui, ancien, du père, ou celui, présent, de la famille et des amis. Cependant, cette limite, ce déchirement du bilinguisme, de la culture partagée en deux, est plus un enrichissement qu’une mutilation. Le va-et-vient entre les frontières est pour C. Delmas une nécessité : il se frotte au monde et se nourrit des bonheurs ou des difficultés que les peuples étrangers ont pu lui procurer : il se déclare « négateur de frontières » (1)

 

Il aurait pu demeurer au pays et se consacrer à la célébration du Canigou ou à l’évocation passéiste d’une enfance vécue dans un univers agricole idéalisé : « Enfant, dans l’autarcie mentale de mon village du bout du monde, environné de garrigues, je croyais que la Scandinavie commençait à la frontière belge… » (2)Il aurait pu écrire pour tenter de reconquérir les frontières d’une Catalogne réunifiée. Il a peut-être l’intuition que, si le territoire catalan est partagée par l’Albère et la chaîne des Pyrénées, c’est afin de pouvoir ainsi apprécier deux fois son indicible beauté…

Claude Delmas est revenu au pays, au village, mais quand il se rend à la féria de Nîmes ou, au-delà des « frontières mauves ou bleues de l’Espagne » (3), à Tolède, il est encore chez lui. Même si les frontières sont abolies par l’internet, la rapidité des déplacements, la construction européenne ou la mondialisation, il se déplace avec, en tête, les anciennes limites, symboles de repli sur soi, d’interdit, d’Histoire :

« Intranquillité des gens qui, comme moi, hésitent entre le Sud et le Nord, ignorant que les frontières n’existent plus, ce qui n’empêchent pas qu’on reste pour l’éternité le sudiste ou le nordiste de quelqu’un et que, frontière ou pas, on est toujours celui dont on se débarrasse. » Grand voyageur, longtemps par nécessité, l’écrivain regrette une vie calme et sédentaire, qu’il aurait pu passer dans le terroir qui l’a vu naître. Le temps de son existence semble avoir été gaspillé dans la vitesse, le dépaysant mouvement des allers et retours entre le village natal et le village global : « Je reproche à mes parents de m’avoir autrefois déboussolé avec leurs déplacements incessants entre les montagnes et la plaine maritime qui m’ont fait perdre mon goût de l’immobilité et mon sens de l’orientation. » Cette citation de L’emmurée… fait écho à une phrase exprimant elle aussi un sentiment de regret, à l’heure du bilan d’une vie, « cette longue locomotive », pourtant bien remplie : « Je n’aurais jamais dû quitter mon village, planté sur cette terre rouge, porteuse de ceps. » (4)

 

Désormais, Claude Delmas tente sans doute de retrouver « le temps perdu », en réinvestissant une maison familiale rénovée, au cœur du village des Corbières. Se retrouver, vieil enfant, dans la coquille-fœtus, et retrouver la paix ; et l’éternité, cette absence de mouvement. Dans les frontières géographiques de Vingrau, dans les frontières psychologiques de la famille et de la mémoire, réintégrer le temps de l’enfance : « Entre le désert et la glace, je voudrais trouver un centre, me fixer et qu’on me foute définitivement la paix pour qu’enfin je puisse goûter, même si tardivement, à l’amour partagé et aux plaisirs multiples de la vie. » Cependant, il nous semble que cet apaisement intérieur, ce repos dans une sorte de retraite protestante au « désert », est impossible pour quelqu’un qui a nourri son œuvre de la transgression des frontières et du mouvement des aventures humaines. Cette paix des braves, Claude Delmas pourrait la trouver dans l’arrêt de l’écriture et le renoncement romanesque. Il nous fera l’amitié de ne pas opter pour cette solution suicidaire ! Pour notre bonheur ! Et d’abord pour le sien, qui réside dans le cheminement des phrases : l’écriture est le geste de la vie et l’expression de l’énergie. La seule frontière que nous désirons lui voir franchir, pour de nombreux livres à venir, c’est celle qui marque la séparation entre la fébrilité prosaïque du quotidien et l’investigation poétique de l’imaginaire. L’œuvre littéraire de Claude Delmas vit dans cet entre-deux, dans cette dialectique intranquille qui fait jaillir le neuf à partir des vieilles frontières.


Jean-Pierre Bonnel


(1) L’emmurée de Tolède, page 14 – Balzac éditeur – Montréal-Paris, 2000 –
(2) Idem, p.8 –
(3) Histoire de Billy et la mienne – Hachette – POL – Paris – 1980 – réédition à Libres del Trabucaïre – 2001 –
(4) La lune est l’assassin – page 19 - Flammarion – Paris – 1995 -

 

- - -  CLAUDE DELMAS N'EST PLUS, par Jaume Quéralt

... septembre, il avait 84 ans. Claude Delmas était écrivain, même s... ne s'était jamais distendu, Claude Delmas -qu'avaient remarqué un... ou des plus jeunes, de Claude Massé (en particulier: Les Catalans... et voisin du "nouveau-roman" (ClaudeSimon)  garder fidélité à Bernard...
metbarran.canalblog.com

- - -

 

Pyrénées-Orientales : Claude Delmas s’en est allé, par Antoine Gasquez 21 septembre 2016 

 

  • La Semaine a perdu un ami. L’écrivain Claude Delmas s’en est allé hier. Le natif de Rivesaltes (1932), ancien directeur général d’Air France en Espagne, a publié une vingtaine de romans dont une grande partie chez de grands éditeurs comme Flammarion ou Juliard. Revenu à sa retraite à Vingrau, Claude Delmas, s’était engagé localement dans quelques combats dont, dans les années 90, la défense du camps de Rivesaltes qui devait alors être rasé. Claude Delmas avec Claude Vauchez était à initiative d’un collectif pour la mémoire vivante du camp de Rivesaltes qui recueillit très rapidement 1000 adhésions. Un combat que La Semaine du Roussillon a soutenu depuis l’origine avant qu’il soit saisit dans des buts politiques et qu’il se transforme dans le projet pharaonique et coûteux en place aujourd’hui. Avec Claude Delmas, c’est une intelligence, une belle âme, une finesse d’esprit et une générosité rares que perdent le département.

 

 - - 22 Septembre 2016 - Publié par Bernard Revel

  • Disparition de Claude Delmas
  •  
  • Claude Delmas et Henri Lhéritier : une grande amitié.
  • Claude Delmas est mort le mardi 20 septembre à Vingrau, six mois jour pour jour après le décès de son ami Henri Lhéritier. Nous lui avions décerné le prix Odette Coste pour son dernier livre "Disparition des Pyrénées-Orientales" qu'il devait présenter le 2 octobre sous le platane de Rivesaltes.
  • Créé en 2015 en hommage à celle qui fut pendant plusieurs décennies l’animatrice de la librairie Torcatis aux côtés de son mari Jean-Louis, le prix Odette Coste qui récompense un livre publié par un éditeur du pays catalan, ne distinguait pas seulement les qualités littéraires de ce récit autobiographique. Le jury a voulu aussi mettre l'accent sur les profonds liens d’amitié qui liaient l’auteur au couple de libraires depuis la publication de ses premiers livres dans les années 60. Liens que concrétise ce livre attachant édité par Roger Coste qui a succédé à ses parents à la tête de la librairie Torcatis.
  • Le décès de Claude Delmas transforme la présentation de son livre en une évocation de l'homme et de l’écrivain par ses amis Jean-Louis Coste et Jacques Quéralt qui répondront aux questions du jury, le 2 octobre prochain.
  • Ainsi, aux temps forts que promettent d’être les rencontres sous le platane avec David Foenkinos, Didier Goupil et Yan Gauchard, succèdera un hommage à Claude Delmas et Henri Lhéritier. Un grand moment d’émotion au cours duquel le jury tentera de recréer l’esprit hédoniste de ces deux hommes de cœur et de talent qui furent à l'origine de la création des Vendanges littéraires en 2003.
  •  
  • Claude Delmas en compagnie d'Odette et Jean-Louis Coste aux Vendanges littéraires 2013.
  • Mais qui es-tu donc, Delmasito ?
  • Par Bernard Revel
  • Je ne l’ai pas connu enfant ni jeune homme. Quand je l’observe, traînant péniblement sa longue carcasse qui fait grimacer les sillons labourant un visage dont le regard clair semble éternellement rêver sous une épaisse frange blanche, je lui trouve pourtant, malgré « l’horrible fardeau du temps » dont se plaignait Baudelaire, des airs juvéniles. Lui-même, du reste, au fil des pages de son dernier livre étrangement intitulé « Disparition du département des Pyrénées Orientales », s’en étonne : « J’ai traversé le XX° siècle à toute allure et sans avoir le sentiment de vieillir… A force de cultiver l’immaturité, on se retrouve du jour au lendemain dans la peau d’un vieillard ».
  • Elle fut pourtant fertile en événements, la « traversée » de Claude Delmas, né à Rivesaltes, fils d’instituteurs, enfant sous l’occupation allemande, témoin de la Retirada, soldat en Algérie, ambassadeur d’Air France à travers le monde, romancier à succès dans les années 70-80. Une vie dont ce livre est le patchwork, selon le mot de l’auteur qui met bout à bout pêle-mêle, sans chronologie, des souvenirs que seul le hasard semble faire remonter à la surface. Et peu importe si l’écriture se relâche parfois, si tout n’est pas d’un égal intérêt, l’essentiel, ce qui rend si captivante et touchante la lecture, est ailleurs. Cet être qui doute, qui a toujours « laissé courir », qui a connu très jeune la peur, la honte et qui, avec les filles, dans son travail, ses rencontres, ne s’est jamais senti vraiment à sa place, trichant, jouant, simulant pour que la vie ressemble un peu au cinéma qu’il aime tant, comme on le comprend et comme elles nous parlent ses faiblesses. « J’ai été un garçon maladroit et gaffeur et sans doute le suis-je resté ».
  • Un seul absent cependant : l’écrivain. Claude Delmas évoque à peine cet aspect si important de sa vie. On aurait aimé en savoir plus sur son aventure littéraire, la genèse de ses romans, sa condition d’homme public, le regard qu’il porte sur une œuvre forte d’une vingtaine de titres dont la plupart, jamais réédités, sont tombés dans l’oubli. Un silence qui cache peut-être une blessure profonde. Pourtant, le jeune homme immobile, le soldat qui rêve dans « Le pont du chemin de fer est un chant triste dans l’air », tous ses personnages de fiction apparaissent dans ces pages. Cela n’a rien d’étonnant : ils sont nés de son propre vécu qui a toujours été sa principale source d’inspiration.
  •  
  • Il l’a appris très tôt, Claude Delmas : la réalité, cela ne vaudrait rien sans le rêve. Cela ne serait que du sordide, du sale, de l’insignifiant, des ragots par exemple comme il en a souffert pendant la guerre parce qu’un officier allemand était logé chez eux. Le seul refuge dans ces cas-là, c’est l’imagination. Elle l’accompagne toujours. De l’enfant qui a « longtemps imaginé ce qu’il y a sous les robes » et du jeune homme qui va tous les jours au cinéma, il a gardé, en dépit des multiples péripéties de sa vie, son goût pour les aventures intérieures. « Je suis un sédentaire », « voyager, c’est mentir », confie ce globe-trotter qui a passé une bonne partie de sa vie dans des avions. Claude Delmas est un homme de paradoxe. Un insomniaque qui rêve. Un seul mot le définit selon son père : « Bizarre, mon fils, tu es bizarre, c’est tout, et je n’arrive pas tout à fait à te comprendre ». Lui même d’ailleurs n’est guère plus avancé : « A plus de quatre-vingts ans, quand vient l’aube après une nuit blanche, j’en suis toujours à me demander : mais qui es-tu donc, Delmasito ? » Et s’il a entrepris l’écriture de ce patchwork c’est « pour essayer d’y comprendre quelque chose ».

 

  • Déçu de la politique, du monde comme il va, « désenchanté », préférant cultiver des souvenirs qui le bouleversent plus aujourd’hui qu’au moment où il les a vécus, Claude ne jette pas sur son passé un regard désespéré. Depuis qu’à l’âge de trente ans, après bien des errances, il a demandé au pied d’un minaret yougoslave à la jolie brunette qui l’accompagnait d’être sa femme, il a trouvé son unité : « Sans elle cette vie serait un fourre-tout ». Elle l’a stabilisé et ensemble désormais, l’hiver à Paris, l’été à Vingrau, ils ont continué le voyage. Son amitié avec Henri Lhéritier l’a fait renouer avec le Rivesaltes de son enfance. Il va le voir chaque semaine dans sa Maison du Muscat. « Nous téléphonons à Michel Fourquet que nous appelons le peintre fou (peintre talentueux et pas fou du tout quoique rivesaltais) et nous nous retrouvons dans un bistrot qui fait face à la statue équestre du maréchal Joffre que nous couvrons de nos sarcasmes… Je suis vieux maintenant, je m’appuie sur l’épaule d’Henri et de Michel pour marcher à leur allure et je me dis que si le spectacle des filles continue de m’intéresser c’est que je ne suis peut-être pas devenu gâteux ». Mais Henri n’est plus là, emporté par une vague aussi violente que celle qui tôt ou tard, recouvrira tout, comme elle fait disparaître dans l’imaginaire de Claude le département des Pyrénées Orientales.
  •  
  • Claude Delmas. « Disparition du département des Pyrénées Orientales »
  • Editions Libre d’Arts, créées par Roger Coste, patron de la librairie Torcatis. Préface d’Henri Lhéritier, postface de Jean-Louis Coste.
  • Né en 1932 à Rivesaltes, Claude Delmas a été, de 1962 à 1994, directeur de cabinet à la direction générale d’Air France, responsable du Proche-Orient, directeur d’Air France Espagne, sous-directeur aux Affaires internationales à Paris. Son premier roman, « Le bain maure » a été publié chez Julliard en 1964.

 

 

- - - 24 SEPTEMBRE 2014

  • CLAUDE DELMAS, ULYSSE DES AIRS 
  • Claude Delmas
  • (photo JPB)
  •  
  • Je viens de lire ce roman au titre admirable.
  • Claude m'avait dit qu'il écrivait un livre qui finirait à la mort de son auteur…Or, celui-ci publie un "petit" grand livre avec un début et une fin, bien clôturé, qui est un retour sur le passé du narrateur : ce temps espagnol, basque et andalou, madrilène et surtout tolédan, Tolède étant le centre exact de l'Espagne, est évoqué par le "héros", anti-héros plutôt en prison, s'échappant de sa geôle grâce au souvenir et au récit.
  • Ce personnage est une sorte d'Ulysse du XX° siècle, rêvant au retour dans sa patrie, comme C. Delmas, désirant revoir son pays après bien des escales, bien des femmes, bien des livres…
  • Delmas est cet Ulysse des airs, ce directeur d'Air France, qui, après avoir bien bourlingué de par le monde revient à Vingrau, tout contre la frontière des Corbières…Lui qui, page 30, se dit "négateur des frontières", revient dans sa famille (p.121), dans sa Catalogne, pour laquelle il souhaite un futur de frontières, une utopie d'indépendance…
  • Comme si notre ami le romancier, si obsédé par le temps, la mort, la vieillesse et la beauté des femmes, voulait se trouver un nid sécurisant, un village natal de pierres protectrices, afin d'empêcher la mort d'approcher et de le prendre...
  • Il y aura encore bien des livres de C. Delmas pour nous protéger, lui et nous, de la mort, pour gagner du temps sur une éternité que nous ne voulons pas envisager. Et Claude de vivre pour toujours avec ses amours, l'Espagne et ses Castilles, et pour son amour, son épouse, lisible à chaque tournant de phrase, aimée à chaque mot apparu sur la langue : érotisme du mot à envisager surtout d'un point de vue linguistique...
  • Car Claude Delmas, s'il a passé sa vie à aimer sa femme, l'a passé aussi à aimer sa langue, la française !

 

 

 

  • A JAMAIS TON NOM SUR MA LANGUE
  •  
  • La littérature, c'est ce qui nous étonne et nous bouscule. Avec "A jamais ton nom sur ma langue", dès la première ligne, c'est fait et notre ahurissement ne cessera de croître jusqu'à la dernière page, au long d'un récit brûlant, plein d'ombres et de lumières, à l'écriture fluide et sensuelle, attisant la violence et les tourments des personnages. La littérature c'est aussi ce qui nous élevant au-dessus des opinions communes, nous transforme. Refermant le livre, essoufflés, comment pourrions-nous conserver, après notre lecture, un regard inchangé sur les passions amoureuses, la trahison, l'injustice, l'enfermement, l'amitié et aussi sur cette Espagne, que l'auteur connaît si bien, dont il sait dire à la fois les splendeurs et les ténébreuses pulsions.

- - -

 

  • Claude Delmas signe ce vendredi.il y a 1540 jours par Jaume | Inclassable

    ... en tel ou tel endroit. Claude Delmas, auquel les lecteurs redevables... d'écrire des livres. Singulier Claude Delmas! Le fils de Rivesaltes... le deuxième Claude, à la suite de son aîné: Claude Simon (le voisin... et par-dessus tout...Trabucaire? ClaudeDelmas a une chronologie éditoriale...
    metbarran.canalblog.com
Partager cet article
Repost0

commentaires

Présentation

  • : Le blogabonnel
  • : Création et information culturelle en Catalogne et... ailleurs.
  • Contact

Profil

  • leblogabonnel
  • professeur de lettres, écrivain, j'ai publié plusieurs livres dans la région Languedoc-Roussillon, sur la Catalogne, Matisse, Machado, Walter Benjamin (éditions Balzac, Cap Béar, Presses littéraires, Presses du Languedoc...
  • professeur de lettres, écrivain, j'ai publié plusieurs livres dans la région Languedoc-Roussillon, sur la Catalogne, Matisse, Machado, Walter Benjamin (éditions Balzac, Cap Béar, Presses littéraires, Presses du Languedoc...

Recherche

Liens