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3 février 2019 7 03 /02 /février /2019 10:11
Alex Barbier - BD - Village de Fillols, communautés d'artistes, par Aline
Alex Barbier - BD - Village de Fillols, communautés d'artistes, par Aline
Alex Barbier - BD - Village de Fillols, communautés d'artistes, par Aline

Alex Barbier - BD - Village de Fillols, communautés d'artistes, par Aline

Alex Barbier, peintre et figure avant-gardiste de la bande dessinée est mort le 29 janvier à l'âge de 68 ans, ont annoncé les éditions Fremok.

 

Les éditions Fremok ont annoncé la disparition d'Alex Barbier "figure tutélaire" de la maison. "Il était et restera notre Pape pour toujours", précise le communiqué. Né en 1950 à Saint-Claude dans le Jura, Alex Barbier a commence comme professeur de dessin. Renvoyé pour "attitude subversive", il commence à publier des bandes dessinées dans Charlie Mensuel en 1974.

 

Couleurs vives, sexe, dès ses premières publications dans Charlie mensuel puis Hara-Kiri, au début des années 80, Alex Barbier dérange. Avec "Lycaons" (1979) et "Le Dieu du 12" (Albin Michel 1982) il s'impose comme une figure d'avant-garde. Il chamboule les codes narratifs en supprimant les bulles et les espaces entre les cases, et il est le premier à introduire la couleur en direct. "Il y a dans le travail de Barbier un flou, une abstraction qui amènent une tension narrative puissante", estime Thierry Van Hasselt, éditeur de Barbier aux éditions Fremok depuis le début des années 2000.

 

"Artiste damné et hors normes"

Entre 1982 et 1994, il se consacre à la peinture, puis revient dans les années 90 à la bande dessinée avec "Les Paysages de la nuit" et "Comme un poulet sans tête" (Delcourt, 1994).C'est à cette même époque qu'Alex Barbier rencontre les jeunes éditeurs de Fréon, qui deviendra Fremok. Fréon publie quelques pages en couleur dans sa revue Frigobox, puis compile ses peintures érotiques dans un recueil intitulé "De la chose", puis ses nouveaux livres : "Lettres au maire de V.", en 1998, "Autoportrait du vampire d’en face", en 2000, et "Pornographie d’une ville", en 2006 (Frémok) ), et réédite ses classiques épuisés ("Lycaons", "Le Dieu du 12").

 

En 2014, Alex Barbier avait fait ses adieux à la bande dessinée avec "Dernière bande" (Fremok) et une grande exposition rétrospective lui avait été consacrée en janvier 2015 au Festival d'Angoulême "retraçant l'itinéraire tumultueux d'un artiste damné et hors normes, en marge car transgressant sans cesse tous les codes narratifs et picturaux de la bande dessinée aussi bien que l'ordre établi, politique ou sexuel".

 

Alex Barbier a continué à peindre jusqu'à la fin de sa vie.

En hommage à Alex Barbier, décédé vendredi 1er février 2019, je publie cet entretien avec son épouse, Aline, extrait de mon livre (avec Paul Gérard) sur les Communautés libertaires dans le 66, de l'après-mai 68 à l'an 2000 (Trabucaire éditeur, Perpignan), 15 euros.  (pour tout renseignement : jean-pierre.bonnel@orange.fr)

 

  Communautés artistiques  - Témoignage d’Aline Barbier -

 

Communauté d'artistes de Fillols 

 

Aline me reçoit dans le "bistro du pays", sur la place de Fillols, propice à un théâtre permanent; autour de l'arbre central, des dizaines de jouets sont rangés et disponibles pour le plaisir partagé des enfants. Déjà un premier symbole pour un village qui se veut une communauté vivante et créatrice. De jeunes artistes sont attablés face à un menu familial et convivial; partout des livres, des revues et, sur les murs, des dessins (de Vincent) et des tableaux d'Aline, dévoilant de franches et originales anatomies masculines...

 

Aline Barbier, épouse du dessinateur de bandes dessinés Alex Barbier (mais peintre et auteur de textes publiés en revues), définit le village : un passé de Résistants pendant la seconde guerre mondiale, un village classé à gauche, qui s'est battu contre la fermeture des mines, au pied du Canigou, dans les années 1953/55. 

 

L'après-guerre donne naissance à un état d'esprit euphorique, c'est l'espoir d'une société nouvelle, plus juste, moins violente... Le parti communiste est fort dans la région et les maires communistes sont élus aisément.

 

Dans les années soixante, une association privée, autonome se crée et construit une salle des fêtes pour  favoriser un lieu d'échanges et de culture; les gens qui ont adhéré vont donner de l’argent ou des jours de travail : il existait une dynamique, avec cet esprit de combat et de changement…

 

Dans les années soixante-dix, arrivent les "marginaux" : les mines avaient fermé et l'exode agricole avait suivi... Aline et ses proches, famille et amis, et surtout son père, devenu maire (décédé en 1977), estiment qu'il faut accueillir cet esprit nouveau : l'aventure est lancée ! Il fallait avant tout que la communauté villageoise perdure, même s'il est vrai, que, au début, les habitants ont éprouvé des "peurs" irrationnelle face aux nouveaux "envahisseurs"...

 

L'intégration s'est finalement bien passée, puisque le maire de Fillols avait donné son accord à l'accueil de ces fameux "marginaux".

 

Cependant, avec l'élection du nouveau maire, M. Boher (de 1977 à 1993), le village s'est divisé pendant douze ans. Malgré tout, la communauté de jeunes gens est restée très dynamique; cette communauté a évolué, s'est peu à peu structurée. Le bistrot de la place est devenu le lieu où étaient accueillies les personnes qui ne se sentaient pas bien dans le Conflent, ils avaient un esprit alternatif, libertaire, mais pas de projet politique précis...

 

Grâce au bistro, des rencontres et des projets sont nés : existait aussi l'idée de prendre le pouvoir pour s'opposer au pouvoir autoritaire, stalinien du maire en place; mais celui-ci a réussir à rassembler autour de lui les paysans du canton... 

 

La communauté 'est construite sur le privilège accordé à la relation humaine, dans le but de construire ensemble : il s'agissait de donner sa place à chacun, de le considérer avec tout ce qu'il représentait,  en le respectant, même dans ses aspects négatifs. "On n'impose pas des critères de perfection, explique Aline, on vit les conflits." 

 

S'est ainsi imposée une communauté de tolérance et de liberté, qui mettait en avant l'affectif. Alors, le groupe arrivait à digérer les mesquineries individuelles.

 

Le maire est décédé à la suite d'un accident au cours de son troisième mandat; son beau-frère l'a remplacé; le nouveau maire a offert un local et a favorisé la vie communautaire.. Le festival de bande dessinée a été lancé a cette époque, en 1997; trois ans auparavant avait été créé le festival "BD-marionnettes". La communauté villageoise s'appuie sur le groupe pour pallier les manques de moyens; c'est ainsi que, par exemple, toutes les mères gardent les enfants du village : ils sont reconnus comme des personnes à part entière.

 

En 2009, est instauré un autre événement : "Qué bazar", réunissant des auteurs, des ateliers graphiques, des créations dans tous les domaines... Comme le dit si bien Aline : "Se créer soi-même, c'est créer la communauté." En effet, elle explique que "créer c'est vivre ensemble, c'est se réunir et partager avec le public et les créateurs extérieurs." 

 

Depuis 2009, il se passe quelque chose durant tous les week-ends de l'été : orchestre de jazz, défilé insolite, avec la possibilité pour chacun de créer quelque chose sur lui-même, tout cela articulé sur un concert, sur un bal, sur une représentation théâtrale : soirée cabaret, où tout le village participe, et où les acteurs sont des amateurs. Et puis, l'été, c'est la fête : pendant cinq jours, le troisième week-end du mois d'août, du samedi au jeudi, avec un arrêt, le mercredi !

 

En fait, toutes ces manifestations ne sont que des prétextes pour que les gens partagent et prennent conscience qu'ils font partie d'un groupe. "Il faut se confronter à l'autre, explique Aline, s'oublier un peu, partager avec autrui; il n'y a pas d'autre ambition..."

 

Aline s'occupe de l'atelier théâtre; le but est de faire vivre les dix-sept enfants du village : dans un premier temps, ils acceptent le jeu, puis il s'agit de les révéler à eux-mêmes et aux autres.

 

En outre, le collectif a créé une revue "La chipotera (la commère), en 1973, qui poursuit ses publications jusqu'à aujourd'hui, après quelques interruptions. L'association "Foyer laïque" se réunit chaque mois et fonctionne comme un comité des fêtes, avec des gens impliqués, ayant l'esprit vraiment communautaire pour le bonheur de tous et surtout pour faire vivre le village dans une ambiance amicale.

En outre, une boutique, gérée par l'association, expose les oeuvres des adhérents qui doivent respecter ces deux critères pour montrer leurs tableaux, bijoux, sculptures et objets divers : création filloloise !!!

 

L'esprit festif, créatif, libertaire et convivial est toujours bien vivant dans la communauté villageoise de Fillols !  

 

                                                J.P.BONNEL, Fillols, 21/2/2013

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  • professeur de lettres, écrivain, j'ai publié plusieurs livres dans la région Languedoc-Roussillon, sur la Catalogne, Matisse, Machado, Walter Benjamin (éditions Balzac, Cap Béar, Presses littéraires, Presses du Languedoc...
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