Poésie :
Errances de Gabriel GROYER, avec Ludmila POLIAKOVA À L'ALTO, médiathèque temporaire de Perpignan, à 10h10, place du Pont-d'en-Vestit (Centre d'art contemporain) - Entrée libre -
Cette idée de petit-déjeuner littéraire est géniale ! Passant hasardeux, promeneur du samedi, couple qui se rend au marché, jeune quêteur de musique et de chanson, vous posez vos cabas et vos valises et vous vous arrêtez à cette bibliothèque éphémère.
Ici, "Libre bagage", vous crie le poète ! Venez écouter mes "mots de traverse" : vous voici conviés à des sentiers détournés, à des chemins machadiens, car avec le poète de Séville, on sait qu'il n'y a pas de chemin, qu'il faut se l'inventer, ce chemin-destin, se le construire avec les galets des mots, avec les petits cailloux du Petit-Poucet.
Gabriel est ce "Petit Poucet attiré par les mots", "Petit Poucet égaré / pauvre d'un seul petit caillou", mais il découvre "sur un bord de chemin", l'amour, le désir, l'autre...la vie, la vraie, en somme. (1)
G. Groyer vient de la douceur angevine et s'est, pour l'instant, fixé à Thuir. Après de grandes villégiatures, il voyage désormais grâce au langage poétique, non versifié à la Du Bellay, non prosaïque, mais tissé de trouvailles originales, de métaphores inédites : "l'ivoire des sourires", ou ces "lèvres sofa", dans Déserts, p.55.
Cette poésie du Je, vécue, pensée, ressentie, dit les heurts et bonheurs de la vie, dans une tension dramatique continue; cependant l'auteur a recours à l'humour, au jeu verbal, aux jongleries de la versification, dans Afriques II, par exemple (2), ou ces expressions ludiques et référence, dans Monolithes : "Dans ce cor à cor...Ame ma soeur âme/Ne vois-tu rien venir..." (page 33), et dans la "Chanson à Bilitis" :
"ô si tu veux
que-et tu peux
ton corps exulte
élève un culte
à ses désirs
et sur l'autel
car tu es belle
de ton plaisir
offre toi nu-
que raide et nue
en holocauste
je suis ton hoste." (p. 78).
En effet la passion et l'érotisme parcourent les deux ensembles poétiques, en recourant souvent à l'Antiquité ou à la mythologie : Ulysse, l'aventurier, le roi des odysssées, ou la Néréide, "sylve marine...ta voix touchait ma peau..."
Il s'agit de parcourir le monde et la culture éternelle, tout en arpentant le carte amoureuse, la carte du Tendre, car le poète, rêvant de vagabondages, ne peut vivre dans la solitude extrême. La compagne permet de vivre plus intensément et il faut trouver les mots pour dialoguer avec elle, et, au-delà, avec le lecteur. Le thème essentiel, interrogation entre amour complice et JE désespéré, entre vie et mort, trouve sa trame dans le questionnement sur le rôle des mots :
"Ecrire noir sur noir...
Des mots sans case
jusqu'au silence
Parfois j'ai peur d'ouvrir un monde
Alors l'écris
Alors je crie
Je crie des mots
Avec des mots de l'intérieur" (2) p. 104.
Gabriel nous dira, nous criera ses mots, samedi, et nous vivrons au rythme de ces voyages et passages musicaux et poétiques...
Nul doute que le violon (L'ALTO) de Ludmila fera vibrer encore plus cette poésie libre et des plus contemporaines..!
J.P.Bonnel
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(1) pages 12 à 16 - recueil Errances, les mots de traverse - Editions Talaia - 15 euros.
(2) page 112 du recueil Libre bagage, Editioins K'A "Paraules" - 2018 - 15 euros.