Ce matin, les filets rouges et mauves des quais, les radars des chaluts, modernes lamparos, les bouées bleues et les bouchons blancs : tant à voir à Port-Vendres !
Et le môle gris, les bittes noires, le gasoil fuyant par fines plaques ondulantes, au fil de l'eau profonde... Tout étincelait, chaque objet s'inventait des couleurs, sa poésie, son Derain, et moi, mon encre et moi devenions caméléons sous le soleil ! Animaux pas tristes du tout après le coït de l'arc-en-ciel et de la mer...
Je revois les images nostalgiques des voyages. l'Algérie avec le Kairouan, le départ pour les Baléares... Il y a presque comme un siècle ! Tout se mêle dans l'immobilité fugace du temps, dans l'intimité des vagues endormies au fond de l'anse. La mémoire se noie dans le caressement des roulis, des tangages et la somnolence de la saison méditerranéenne... Dans la contemplation : sexualité passive, trop agenouillée...
Là-bas, l'ancre d'un gros cargo rendue folle par sa pesante sédentarité. Folle, l'encre des poulpes, initiées à l'ivresse du pulque amérindien...
A la criée de dix-heures, on ne crie pas, on ne crie plus. On s'assoit sur les gradins, on regarde le tableau lumineux. Les poissons s'entassent dans les cagettes pour une ultime virée collective. Seule vit la nuit secrète des viviers...
Dans la nuit vermeille, on y voit comme en plein jour et tout, la mer, le sel, les tamarins des bas-fonds, et même les étoiles hauturières, tout va faire chavirer les chalutiers.
Dans un énorme chahut, à rebrousse-poil, caressant les sables, dans une patience d'insecte mauvais...