A la métairie/musée Maillol de banyuls, je rencontrais souvent cet homme discret, méditatif, silencieux. Cependant, dès que vous osiez l'aborder, son humanisme, sa culture, de latiniste, d'hellénisme, vous impressionnait.
Il avait tant participé à l'aventure de la réfection de la métairie-atelier de la vallée de la Roume…
Un des derniers témoins de cette époque où le sculpteur travaillait dans la solitude d'une nature catalane, si proche de cette Grèce antique, qu'il voudra voir de plus près, et dont l'exposition de Barcelone, au musée Marès, rend compte…
JPB
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* La Dame de compagnie de M. Florian de la Comble :
Le Colonel Florian Prieur de la Comble, Officier de la Légion d'Honneur, vient de décéder à Banyuls dans son Mas de la Roume le 6 novembre 2015 entouré d'Ingrid MARTOS sa collaboratrice de l'association Handicap Peyrefite, et de moi-même, sa dame de compagnie depuis 2013.
- Il a rejoint son "Adorée", Claude son épouse, décédée le 21 juillet 2012.
- ( communiqué du 27 nov. 2015)
* Marie Claude PRIEUR DE LA COMBLE : Décès
Publié dans Midi Libre le 24 juillet 2012 (Distribué dans Montpellier)
BANYULS-SUR-MER
Le colonel (ER) Florian PRIEUR DE LA COMBLE fait part du décès de son épouse, Madame Marie Claude PRIEUR DE LA COMBLE, née PORRA, survenu à l'âge de 83 ans.
Les obsèques religieuses auront lieu le mercredi 25 juillet 2012, à 9 h 30, en l'église Saint-Jean-Baptiste à Banyuls-sur-Mer, suivies de l'inhumation au cimetière du Stade.
La famille remercie toutes les personnes qui s'associeront à sa peine.
MARIE-CLAUDE repose à la chambre funéraire de Banyuls-sur-Mer.
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Bulletin de liaison de l'Association culturelle Aristide Maillol / gér. Florian de la Comble
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Archives de la médiathèque de Perpignan :
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Bulletin de liaison de l'Association culturelle Aristide Maillol / gér. Florian de la Comble
Édition
Banyuls-sur-Mer (66) : Ass. Culturelle Aristide Maillol, 1975-
Description
30 cm
Note d'exemplaire
Etat des collections : n° 1 (Décembre 1975), n° 2 (Juin 1976), n° 3 (Avril 1977), n° 1 [sic !] (Avril 1978)
Etat des collections (Dpt Catalan) : 1975 (1)->1984 (1 n̊)
- - -Un texte de F. de la Comble:
Pim
par
Florian de la Comble
Une rencontre inattendue7
L’ami Paul8 me dit un jour : « Florian, venez me retrouver impasse Ronsin, dans l’atelier du sculpteur Pimienta, qui termine mon buste. »
L’impasse Ronsin ? Collée à sa voisine, « l’impasse de l’enfant Jésus », en plein cœur de Paris.
Et me voilà découvrant « Pim ». C’était le 11 novembre 1938, le commencement d’une nouvelle et longue... longue aventure !
Dix-huit mois durant – jusqu’à mon « départ en guerre » – une trentaine de rencontres avec mon nouvel ami... Et, presque toujours, de fins déjeuners ou dîners chez lui, bien souvent avec Paul, Gabrielle et Colette9.
Sa jeunesse, sa vie
1888 : Pim vient au monde.
Sa mère est alsacienne, mais sa famille paternelle est du « Grand Sud » : grand-père né à Cadix, grand-mère née à Gibraltar et la grande partie de la famille s’établit à Oran.
Un enfant pas comme les autres ! Extraordinairement précoce et aussitôt « ingouvernable ». Quand il eut six mois, le médecin de sa famille disait : « Le regard de cet enfant me gêne... »
À six ans, il dansait en marchant, tout le fascinait. Enfant de la ville, la campagne l’éblouissait, il
se perdait dans l’or des blés, en admirait leurs épis.
La vivacité des couleurs l’émerveillait, les plateaux d’un val étaient pour lui de miraculeux tapis.
Abrité par les meules, il suivait de ses yeux vifs le vol des oiseaux. À huit ans, il modelait en reliefs plats sur des planchettes au moyen de cires colorées, sous un ciel d’azur, une enfant blonde,
7 Florian de la COMBLE, À travers les cinq continents, p. 19-31. Les notes sont de Bertrand Rouziès-Léonardi.
8 Paul Baudouin, gouverneur de la Banque d’Indochine à la veille de la Seconde guerre mondiale, Sous-Secrétaire d’État à la Présidence et Secrétaire du Comité de Guerre du gouvernement Reynaud en 1940, puis Ministre des Affaires Étrangères du
gouvernement Pétain.
Démissionnaire en 1941, il fut néanmoins condamné en 1947 par la Haute Cour de Justice à cinq ans de travaux forcés, à l’indignité
nationale à vie et à la confiscation totale de ses biens. La condamnation fut commuée en quatre ans de prison. 9 Paul Baudouin, sa femme Gabrielle et sa fille Colette.
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vêtue de rose et de noir, les bras emplis de bleuets, de marguerites et de pavots.
Il s’efforçait d’imiter dans l’argile les volutes des iris, sculptait dans le bois des cerises avec leur
feuillage, façonnait en plâtre de petits lapins.
À dix ans, il modelait une biche à l’orée d’une forêt, à onze ans une chèvre dont il aimait les
yeux gris.
Il modelait également dans la cire les médaillons des servantes et de ceux, peu nombreux, qui
consentaient à poser.
À douze ans, il fixait en terre glaise, à sa grandeur naturelle, le buste d’un vieil ami de ses
parents.
Dès lors, il ne cessa plus de modeler, de sculpter...
À dix-sept ans, il expose – oui : déjà ! – au salon des Artistes Français de 1905, une Vieille femme
en prière : grand succès et le célèbre critique d’art Louis Vauxcelles évoque le « gamin prodige » ! Alors, pour l’encourager, ses parents lui offrent son premier et bien bel atelier.
À dix-huit ans : six œuvres exposées au Salon d’Automne de 1906. Et Matisse, Braque, Marie Laurencin viennent l’y voir !
Et puis, c’est la « guerre de 14-18 » : il s’y lance avec ardeur ! D’abord fantassin, il devient aviateur et... ami de Nungesser, de 4 ans son benjamin et as de la chasse « de guerre ».
Un accident et le voilà avec une main gauche aux trois-quarts mutilée.
Il entreprend aussitôt de se rééduquer, pour se prouver, à lui-même et à sa famille, qu’il est toujours capable de sculpter !
Et, chaque matin, il participe aux répétitions d’un cirque où, avec ses amis les frères Fratellini, il apprend à faire... le saut périlleux !
Ces leçons d’acrobatie sont autant de leçons d’énergie. Il démontre ainsi qu’il n’est aucunement diminué physiquement : la sculpture doit continuer !
1920 : membre du jury de la Société Nationale des Beaux-Arts, il obtient une bourse de voyage pour l’Espagne.
Grand découvreur, notre Pim ! Baléares et Andalousie – il y reviendra souvent – Londres, Anvers, Gand, la Hollande, l’Italie (avec Maillol), le Maroc (un long séjour), l’Allemagne, la Suisse et bien sûr la France.
Pour y découvrir : tous les musées et toutes les cathédrales...
Au Salon d’Automne 1930, son nu Rébecca est salué comme un « évènement dans la jeune évolution sculpturale ». Et lors de l’achat en 1932 par l’État de cette statue, le journal Comœdia écrivait : « Voilà donc, enfin, représentée et mise à rang l’œuvre d’un jeune artiste qui – l’un des rares à notre époque – veut que la sculpture soit créative d’atmosphère, qu’elle reflète la vie et poursuive ce double but avant tout autre. »
1939 : Pim fait la connaissance de Germaine Azlor y Aragon, marquise de Narros et cousine d’Alphonse XIII. Elle lui commande son buste en marbre du Portugal : la guerre finie, le modèle ne quittera plus son sculpteur.
Ils scellent alors un pacte étrange : chacune des œuvres du Maître sera achetée pour la collection de la marquise, qui sera léguée à sa mort à l’Institut de France.
Ce grand artiste sera dès lors coupé de toute relation avec la presse, les galeries, les expositions. Un silence volontaire s’établira sur son nom !...
Son œuvre
Oui : Pim avait déjà exposé, à 17 ans, sa première sculpture, la Vieille femme en prière.
Et il sculpta... toute sa vie !
Cent treize sculptures, des monuments aux miniatures : l’autoportrait, le portrait masculin, le
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portrait féminin, le portrait d’enfants, le corps humain et même animal : que de merveilles !
Et tout sort de ses mains : plâtres, cuirs, glaises, bois, ébènes, terres cuites, pierres, marbres et
marbres roses de Milan... et bronzes, bien sûr.
Et il immortalisa aussi ses proches : « Réb » et sa belle marquise, Paul et Gabrielle et leur
adorable petite Colette.
Mes sculptures préférées ? Trois petites gamines : Fillette aux nœuds, Colette bien sûr et Jenny, une
douce terre cuite qui enchante notre Mas10.
Que d’expositions de ses œuvres ! Trente-neuf à Paris – surtout au Salon d’Automne – et jusqu’à Los Angeles où il trouva vingt-six de ses œuvres. Et, en 1965, à Paris, on peut en admirer... soixante-douze !
Et, de par la volonté de la Princesse Grace, des œuvres de Pim ornent les jardins princiers de Monaco11, aux côtés de celles de Rodin et de Maillol.
Maillol et Pim – les deux amis – sont réunis dans un même hommage dans la célèbre Histoire générale de l’art de Georges Huisman.
Philosophe, poète chrétien illuminé, d’une curiosité universelle, Pim cultivait l’amitié des savants et des artistes. « Aimer, c’est connaître », disait-il. Il connut les plus grands de ses contemporains : Apollinaire, Paul Valéry, Teilhard de Chardin, Albert Einstein, le grand physicien Charles Henry, Pablo Casals, les peintres Monet, Matisse, Marquet, Braque, Marie Laurencin, Signac, Bonnard, Rouault, Wlaminck. Et combien d’autres aussi inattendus que les clowns Fratellini, le couturier Balenciaga ou le Pacha de Marrakech, Si Hadj Thami El Glaoui, dont l’un des goumiers fut le modèle superbe de sa statue Orphée.
Et ses écrits...
Et notre Pim, que n’aura-t-il écrit ! Une plume galopante, mais toujours si sage...
« La sculpture révèle, par l’arrêt du mouvement humain, le Dieu qui circule en nous » écrivait-il en 1936 dans son premier livre Réflexions sur l’art.
Ce fut ensuite : L’art, Un dernier mot sur l’art, Évidences et Aphorismes suivis de Poèmes en prose. Et encore : La sculpture.
Et la Tradition vivante ? Une revue imaginée par Pim : douze numéros ouverts à d’autres plumes – dont la mienne – mais dans lesquels il écrivait toujours lui aussi.
Que de sagesse, dans ses Aphorismes !
« De réel profond savoir se nourrir Dormir dans la nuit sans jamais rêver Rêver tout le jour sans jamais dormir Labourer sans fin pour pouvoir semer ! »
« Quand la force décroît, un esprit nous élève Plus haut que l’illusion du sentiment réel
On médite autrement quand l’heure devient brève On perçoit l’unisson de la terre et du ciel. »
Et ces petites phrases :
« Le silence est une nourriture ! »
« Plus le temps s’en va, mieux mon âme espère. »
« Demeure jusqu’à ton souffle ultime le serviteur de ton espérance. »
- 10 Mas de la Roume, à Banyuls-sur-Mer, patrie d’Aristide Maillol.
- 11 La Roseraie notamment.
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Et Pim avait ses « grands écrivains » : Shakespeare, « l’immense Balzac », Rimbaud le « poète absolu », Marcel Proust, Marcel Pagnol le « génie aussi grand que les plus grands ».
Et les bords de Loire
Ah ! ces bords de Loire : une autre longue vie pour notre Pim !
C’est un dimanche d’août 1947 que, franchissant la Loire sur le pont de Gennes, notre Pim eut le coup de foudre pour l’Anjou. « C’est là, se dit-il, que je veux terminer ma vie dans cette lumière incomparable. »
Et la Marquise de Narros, sa Única comme il aimait l’appeler, sa protectrice et généreuse mécène, l’installa à La Colombière, petite maison blanche devant la Loire.
Et c’est là qu’il rencontra Gérard Brecq, qui l’accompagna pendant 33 ans dans son silencieux et solitaire labeur.
« Quand je rencontrai Gustave Pimienta, nous dit Gérard, j’avais 18 ans. Je laisserai simplement mon cœur parler de ma jeunesse illuminative. Une correspondance affectueuse enchantait ma jeunesse. On s’adressait des poèmes, j’étais comme un fils et il ne venait pas une fois à Saumur sans me saluer.
Plus tard installé à La Colombière, nos rencontres du lundi étaient de bien précieux instants... Il s’ingéniait, avec sa muse complice, à me faire découvrir un auteur, un poète choisi. Récitant par cœur quelques tirades, il roulait ensuite ses doux yeux lucides, posait son moignon sur mon bras. Le silence parlait fort. »
Gérard a quitté trop tôt ce monde... « Il nous aimait, m’écrivait-il. Tu étais le preux, j’étais le troubadour. » Notre Pim me lisait souvent tes lettres si fortement éprises d’idéal. Nous étions ses petits frères...
« Entendez-moi, Gérard, me disait-il aussi : Florian est un preux, c’est du diamant ! »
Notre Pim éternel...
Il a quitté ce monde, il y a plus de vingt ans. Mais son regard, sa parole sont éternels en nous.
Et quoi de plus facile pour le retrouver ?
Feuilletons ses inépuisables lettres !
Il les commençait par « ma grande âme sans pareille », « Notre Florian sacré », et – ma Claude
trouvée – par « Nouveau Roland et son Aude »... « Mes amis sans pareils »... « Mes confidents délicieux »... « Mes amis entre tous, les amis de ma vieille âme ! »
Et, avec son petit parfum médiéval : « Je pense à vous sans fin, mes damoiseaux bien-aimés ! »
Et Dom Paul, comme il l’aimait aussi ! En visite au Bec-Hellouin, il confia à l’ami Bruno de Senneville : « Lorsque le Père m’a pris les mains dans les siennes, je me suis senti comme irradié ! »
Oui : il croyait en Dieu, notre Pim. [...]
En mars 1982, il meurt entouré du même silence qui avait entouré sa vie et son œuvre. Sa muse avait déjà quitté ce monde...
Le Père Bruno de Senneville lui rendit un merveilleux hommage :
« Votre conversation, mon Maître, était tout émaillée, constellée de citations et il y avait une phrase de Victor Hugo que vous aimiez rappeler avec autant d’humilité que de certitude : « Les hommes de génie n’ont que le lendemain, mais ils l’ont pour toujours. »
Chez les Baudouin, chez Pim, que de rencontres !
Chez Paul, un des plus grands financiers de son temps, je voyais défiler le « tout Paris ». Et, à
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Noisy, d’autres rencontres aussi : le fils de Victor Segalen, l’écrivain qui découvrit en Chine les monuments funéraires des Han, Bruno Gay-Lussac, neveu de François Mauriac...
Et une rencontre... indirecte. Un peu tendu – comme à son habitude – Paul me tendit un papier, alors que je terminais mon apéritif. Il me dit : « Tenez, Florian, je rentre de Rome où j’ai vu Mussolini. Voilà le compte-rendu que je vais remettre au Président Daladier. »
Je le feuilletai...
Ce devait être bien peu de temps avant l’accord passé entre Hitler, Mussolini, Chamberlain et... Daladier.
Mais, chez Pim surtout, que de rencontres ! Des militaires comme le général Richert, commandant de la Région de Fès au Maroc, découvert là-bas par mon ami sculpteur. Des artistes en tous genres : le peintre Francolin et la fille du peintre Dethomas ; les Espagnols Just Cabot et Sala, un maître verrier.
Et aussi l’hébraïsant Vuliot, l’écrivain François Bonjean qui me dédicaça aussitôt ses Confidences d’une fille de la nuit, René Jean (critique d’art au Temps), Jacques Tréfouël (Directeur de l’Institut Pasteur) et Michel Florisoone, Conservateur du Louvre qui revint souvent chez nous à Paris, bien des années après, avant de mettre la dernière main à son livre sur Pim. Et j’allais oublier Suzanne, la veuve d’Amédée de la Patellière, ce peintre et poète agreste...
Je revois encore, comme si c’était hier, cette soirée passée avec Pim au Cirque d’Hiver.
Nous étions en bord de piste quand déboulèrent... les Fratellini, grands copains de Pim. Alors, ils lui firent mille clins d’œil... avant une longue rencontre finale dans les coulisses !
Mais je fis aussi, chez Pim, une rencontre que je n’oublierai jamais. C’était le 1er juillet 1939. Un homme très droit, immensément barbu : c’était Aristide Maillol !
Quand je lui tendis ma main encore toute jeunette, je serrai, à travers la sienne, celles de Rodin et de Bourdelle, de Renoir, Gauguin, Bonnard, Vuillard, Matisse, Picasso, Gide, Rilke, Cocteau, Einstein – pour n’en citer que quelques-uns...
Et nous dînâmes ensemble, Quai Saint-Michel ; le soleil éclairait encore Notre-Dame, juste devant nos yeux.
« Un pasteur virgilien, vénérable, alerte et sec, au noble visage émacié, encadré d’une barbe vivante. Deux yeux d’une acuité surprenante, bleus et profonds comme sa Méditerranée. En ce doux rêveur viril et philosophe, se perçoit quelque chose d’Apollon avec une nuance d’Ulysse... »
C’est Pim qui avait écrit cela.
Comment aurais-je pu imaginer que, quarante ans plus tard, nous allions acheter, Claude et moi, le vieux Mas de la Roume où habitaient les grands-parents d’Aristide et où il venait gambader tout enfant... à deux pas de sa « métairie » où il repose maintenant, loin de tous les bruits du monde !
J’ai toujours pensé que le hasard, seul, faisait les rencontres. Mais je pense maintenant qu’elles naissent de la main de Dieu.