L'adjoint à la culture, à Perpignan, n'est pas du genre à brader les arts. surtout pas les "Beaux", même si cette notion n'est plus, depuis longtemps, à l'ordre du jour…
Pourtant M. Pinell devra se résoudre à signer la fin des B.A. : la municipalité, endettée, doit faire des économies; l'Etat et la Région (la Drac) se désengageant, on s'attend à un regroupement des écoles; le nombre d'inscrits en première année semble très insuffisant; les fautes de quelques responsables des BA (on se rappelle des "créations" suscitées par M. Guiter, plus proches du harcèlement sexuel que de l'art… on ne peut non plus admettre qu'un responsable culturel nomme son épouse commissaire de ses propres expositions pour toucher un peu plus d'argent…)...sont des arguments solides.
Il est pourtant révoltant de supprimer une école et un apprentissage de l'art ! Les responsables municipaux s'exposent à des manifestations d'envergure...
Tout ce paysage bien grisâtre pousse les nouveaux responsables culturels à "tailler dans la culture". Pour faire avaler cette opération, qu'il est difficile de cautionner !- le délégué à la culture devra réinjecter une partie de l'argent économisé dans des actions en direction des artistes et des musées :
-prêter des locaux pour des ateliers.
-faire participer les artistes et les jeunes (scolaires) à la vie artistique de la ville (visites, concours, expositions dans la rue, actions picturales devant le public, nuits blanches artistiques, itinéraires nocturnes avec visites et happenings…
-faire dialoguer les artistes contemporains avec les classiques (au musée Rigaud - expo sur le portrait - manier satire et dérision en permettant l'expo de tableaux sur les gens de pouvoir dans la région - sortir des murs du musée en investissant des lieux patrimoniaux…)
-instaurer des résidences d'artistes (locaux municipaux et au centre d'art contemporain, qui pourrait s'appeler ainsi "L'internat", en référence à l'internat de l'ancien lycée Arago; le lieu actuel était l'annexe aussi des BA-
A l'Internat, on montrerait les internés des camps d'ici et les figures intellectuelles célèbres qui sont passées par les Pyrénées (H. Arendt, W.Benjamin, H.Mann, Carl Einstein…) - montrer aussi d'autres "internés" : expo sur A. Artaud, enfermé à Rodez, pays de Soulages, Camille Claudel cloîtrée en Provence par son poète de frère, et les "fous" de l'art brut, en accord avec le musée de Lausanne…
¨Perpignan, ville des "passages" (W.Benjamin), des croisements (présence de nombreux émigrés), des exils (Retirada, Français d'Algérie, Harkis) et des enfermements (camp des Haras, couvent Ste-Claire…), peut trouver un créneau artistique en donnant aux artistes les moyens (matériels et moraux) de travailler en ce sens…
-Aider les étudiants qui auraient voulu s'inscrire à Perpignan : pour leurs déplacements (abonnement en train), pour une formation complémentaire sur place (avec profs et artistes bénévoles), atelier dans l'espace actuel des BA qui, une fois rénové, peut devenir une résidence d'artiste et un centre d'art contemporain d'envergure...
- - - Rappel du débat de 2006 :
Posté le 26-03-2006 - source l'indépendant
Beaux-Arts: le face-à-face entre le maire et les étudiants vire au "clash"
Après l'annonce brutale de la fermeture de lécole des Beaux-Arts de Perpignan, étudiants et enseignants devaient hier rencontrer Jean-Paul Alduy. Un rendez-vous dabord manqué qui sest ensuite transformé en séance de lourds dérapages verbaux du maire.
La suite au conseil municipal de lundi.
Tout était prêt pour 14heures. Lheure à laquelle Jean-Paul Alduy avait donné rendez-vous aux étudiants et enseignants de lESAP. Lheure du dialogue tant attendu face à tant dincertitudes. Tout était fin prêt pour recevoir le maire en lécole municipale de la rue Foch. Dialectiquement orchestré dans la matinée en AG. Masques blancs pour la mise en scène artistique et prise de parole accompagnée de gestes précis. Puis l'heure a tourné, pour ne pas dire mal tourné.
Pas de Jean-Paul Alduy à l'horizon. Cest Dominique Malis, le directeur des services généraux de la mairie, qui surgit alors en médiateur pour expliquer que le maire ne viendra pas, qu'il a changé de position" mais attend les étudiants en mairie "au sein de la maison du peuple". Regards d'incompréhension dans l'assistance. Rendez-vous manqué. Sentiment de trahison et dabandon.
"Ce sera ici, en l'école municipale ou nulle part ailleurs. Vous jouez sur la hiérarchie plutôt que sur la liberté d'expression, cest grave!" lance une étudiante. C'est l'impasse.
"Ma volonté est faite".
Les esprits s'échauffent. Le médiateur parachuté quitte la salle. Une demi-heure plus tard, JPA fend la foule et prend la parole, une note de synthèse de quatre pages dans les mains. "Perpignan est une ville qui a placé la culture au ccoeur de son projet urbain:
" Début du monologue. Une voix sélève. "Vous nous endormez!" La salle est à cran. Terriblement déçue par un discours qualifié de programme électoral par les étudiants. "Allez-vous oui ou non fermer l'école?" La réponse fuse: "Oui. Ma volonté est faite. Je présenterai le projet en conseil municipal lundi soir. LEtat la déjà accepté mardi dernier." La foule qui avait pris soin de sasseoir pour calmer le jeu, bondit brusquement.
"Mais quallons-nous devenir? Vous nous empêchez de terminer notre cursus!" Dans la précipitation et leffervescence, le maire tente de décliner le nouveau projet et évoque la future "formation post diplômante". Soit une formation de niveau bac +6 qui permettrait à certains artistes de venir en résidence dans la nouvelle structure. Un projet qui évacue par conséquent les étudiants du système. "On ne veut pas quitter cette école que nous avons choisie pour ces enseignements spécifiques et uniques en France! On aime Perpignan!"
"Des phrases graves"
Et c'est à ce moment-là que tout bascule. "Vous aimez Perpignan mais vous n'êtes même pas d'ici!" C'en est trop. Pour Aurélie Palau, étudiante en 3e année et pilier de la contestation: "Ce sont des phrases très graves de la part du maire dune ville cosmopolite, c'est totalement discriminatoire. Si aujourdhui lart a des frontières, où va-t-on? Quand bien même on ouvrirait une formation diplômante aux artistes, croyez-vous quils viendront seulement de Perpignan?" Impossible de poursuivre. Lassistance est excédée par lattitude et les propos de Jean-Paul Alduy qui décide de quitter immédiatement lécole sous les huées. " Il veut, il choisit, il impose, cest scandaleux, il nécoute pas ses citoyens!"
Un quart d'heure plus tard, c'est à l'hôtel de ville que le maire recevra la presse. Pour décliner et justifier une nouvelle fois son nouveau projet. JPA, qui est lui-même passé par les Beaux-Arts, ne démord pas. Absolument convaincu par sa vision de l'avenir culturel perpignanais. Conforté par sa directrice de laction culturelle, Marie Costa et l'adjointe Maité Freneix.
En soirée, les Beaux-Arts se transformaient en QG du désarroi. Que faire dès lors? " Continuer à se battre!" Pétitions, manifestes rédigés par des artistes, lettre au gouvernement
Tout est passé en revue sous le regard absent dun Vincent Emmanuel Guitter, directeur de lESAP, qui durant trois jours sest abstenu de tout commentaire et de toute empathie manifeste à légard de ses étudiants.
Droit ou devoir de réserve?
Hier, Jean-Paul Alduy est sévèrement sorti de la sienne...
----- document : le 10 avril 2006 - CULTURE
Le maire UMP de Perpignan bazarde les Beaux-Arts
Enseignement . Jean-Paul Alduy juge que les productions des Beaux-Arts ne sont pas assez « visibles ». Les étudiants rétorquent que l’enseignement artistique ne peut être soumis à la rentabilité.
Ils l’ont appris par la presse. Le 16 mars, les quatre-vingt-quatorze étudiants de l’École supérieure d’arts de Perpignan (ESAP) découvrent un entrefilet dans le quotidien régional l’Indépendant : la mairie a décidé la fermeture de leur école, les Beaux-Arts, fondée en 1817. Dès la fin de juin, l’établissement cesserait d’exister. Une résidence d’artistes, apprend-on, viendrait occuper le lieu. Dans un premier temps, les arguments du maire, Jean-Paul Alduy (UMP), sont surtout comptables : l’ESAP, estime-t-il, n’apporte pas assez de visibilité à la ville alors qu’elle coûte 21 000 euros par an et par élève. Soit près de deux millions d’euros.
des Propos frisant a xénophobie
Stupeur parmi les étudiants : pourront-ils achever leur cursus ? Que vont-ils devenir ? Une politique culturelle n’existe-t-elle que pour servir l’image du maire ? Avec leurs professeurs et le personnel administratif, ils refusent de réduire l’enseignement artistique à une logique financière : « Un élève d’une école d’art ne doit pas être rentable mais créatif », affirme Sergueï Wolkonsky, chargé de conférences à l’ESAP.
À peine connue la menace de fermeture de l’école, étudiants et personnel ont déclenché la mobilisation. À leur manière. L’imagination artistique s’est mise au service de l’action revendicative. Affublés d’un masque blanc, devenu leur emblème, ils s’invitent dans les cocktails ou les inaugurations officielles, entreprennent des happenings dans les rues. Ils ont réalisé un film vidéo qui n’est pas seulement un compte rendu de leur lutte mais révèle aussi un art novateur du montage et du son. Leur école menacée est devenue la matière première de leurs travaux pratiques. Moment fort de la mobilisation : lorsque le maire se rend dans les locaux de l’ESAP, il se fait copieusement huer. Sortant de ses gonds, Jean-Paul Alduy tient alors des propos frisant la xénophobie, reprochant aux étudiants de ne pas être originaires de Perpignan. Des propos dont il s’excusera par la suite.
Le 29 mars, la mairie infléchissait sa position. La fermeture des Beaux-Arts pourrait être évitée si l’école adoptait le statut d’Établissement public de coopération culturelle (EPCC) : la municipalité ne serait plus qu’un financeur parmi d’autres, aux côtés de l’État, du conseil général et du conseil régional. La mairie se délesterait sur d’autres partenaires. Les étudiants et les salariés ne sont pas hostiles à cette solution - « C’est ça ou la fermeture ». Sauf qu’une telle issue est pour le moment impossible : une école d’enseignement de l’art ne peut légalement devenir EPCC. Le Sénat, sur proposition d’Yvan Renar (PCF), a bien adopté une loi allant dans ce sens mais le texte n’a pas encore été discuté à l’Assemblée nationale. La mairie a donc proposé un statut qui, à ce jour, n’est pas applicable. La charrue devant les boeufs.
quel avenir pour l’école ?
Au début du conflit, le maire s’illustra par des prises de position assez musclées qui attisèrent les tensions. Aujourd’hui, du côté de l’hôtel de ville on tient des propos plus mesurés. Danièle Pagès, adjointe à la culture : « Nous ne voulons pas diminuer le budget consacré aux arts plastiques, nous voulons l’utiliser autrement. Si l’école devient un EPCC, nous aurons alors les moyens d’entreprendre des actions auprès d’un public qui n’a pas actuellement accès aux arts plastiques. » L’adjointe explique que les paroles du maire ont été mal interprétées : « Le problème n’est pas un manque de visibilité par rapport aux médias mais par rapport à la population. » La mairie n’a pas renoncé à créer une résidence d’artistes : « Elle s’installerait dans un bâtiment de l’école où n’ont pas lieu les cours. »
Ce conflit sur le devenir de l’école des Beaux-Arts pose la question de la politique culturelle à Perpignan. L’établissement de la rue Foch, tout en effectuant des actions pédagogiques auprès des écoles primaires et des collèges, revendique un goût pour l’innovation. « L’ESAP ne vit pas sur ses acquis, elle est très attentive aux évolutions de l’art contemporain, juge Sergueï Wolkonsky. Des créateurs étrangers viennent nous faire profiter de leur expérience. » Étienne L’Hyver, étudiant en cinquième et dernière année, se félicite « d’avoir pu mener ici un projet très personnel ». Ce « passionné de viande et de chirurgie » nous présente sa dernière oeuvre : une jambe humaine, reconstituée en silicone, posée sur une machine à découper le jambon. Pas sûr que cette conception de l’art soit du goût de la municipalité UMP. Sa politique pour les arts plastiques suscite des interrogations : quelles oeuvres veut-elle diffuser ? Une résidence pour quels artistes ? Le 27 mars en conseil municipal, Colette Tignères (PCF) a interpellé le maire : « Votre vision de la culture est ultra-libérale. Avez-vous besoin d’une culture utilitariste pour vendre votre ville ? Allons-nous vers la rentabilisation de la formation ? »
Pour que l’école des Beaux-Arts se transforme en EPCC, il faut attendre que la loi soit adoptée. En outre, il est improbable que l’État et les autres collectivités acceptent un scénario concocté par le seul maire de Perpignan. Venu le 3 avril rencontrer les étudiants, Christian Bourquin (PS), président du conseil général des Pyrénées-Orientales, s’est refusé à n’être qu’un simple robinet à subventions : « Un EPCC, pour quel projet, avec quel budget ? » Il a fustigé les méthodes de Jean-Paul Alduy : « Il provoque la crise en posant une urgence qui n’existe pas… La solution, c’est aux autres de la trouver. »
dans Le flou artistique
En France, 47 écoles supérieures d’arts sur 57 dépendent des municipalités, alors que les enseignements et les diplômes sont validés par le ministère. Il n’est pas incohérent de suggérer que ces écoles se placent dans le giron de l’État, par le biais d’un statut EPCC. Sauf que Jean-Paul Alduy tente là un « coup politique », menaçant de fermer l’école pour forcer la main de l’État et des autres collectivités. Selon Christian Bourquin, un EPCC ne pourra être mis en place avant deux ans. À Perpignan, l’enseignement artistique est dans le flou.
Bruno Vincen
- - - demain : Serge Fauchier, directeur des BA. L'artiste.