Depuis des années, c'est la mode des reconstitutions historiques : Foix est une des premières villes du sud à avoir créé des spectacles "historiques", sur Gaston Phébus...aux pieds du magnifique château... (à ce propos, lire le récent ouvrage magnifique de Patrice Tesseire-Dufour sur FOIX - édit. Loubatières)
Dommage que ces "animations estivales" donnent le plus souvent la parole aux vainqueurs (les rois de France) : je suis, en suivant la pensée de Walter Benjamin, pour donner la parole aux anonymes, et surtout aux vaincus... Il semble que cet été, Foix a présenté un spectacle émouvant sur l'âme des Cathares...
Mais le catharisme est un mot utilisé à tort et à travers, pour le tourisme et le commerce, surtout dans l'Aude (pompes funèbres cathares, épicerie, gastronomie cathares...), sans fondement historique...
Les châteaux "cathares" (qui n'en sont pas) sont aussi mis à contribution: il faut lire les ouvrages d'Anne Brenon (directrice du centre national d'études cathares René Nelli à Carcassonne) pour retrouver la vérité historique !
En cette fin août, des villages du Roussillon se mettent aux reconstitutions médiévales : bruit et fureur, le temps est à la guerre. Et Perpignan se lance dans l'aventure guerrière avec ses vendredis de la poudrière et surtout en ressuscitant la figure de Philippe Le Hardi...
Comme le dit si bien Eric Forcada :Mais qui ou quelle institution donne son accord pour jouer ainsi à la guerre? Mystère, mystère... l'année dernière, pour les journées du patrimoine, le même organisateur invitait les Perpignanais a se mettre dans la peau de Philippe le Hardi, pour tuer symboliquement du catalan et jouer à réduire à nouveau la ville d'Elne...
Arrêtons-le massacre ou plutôt ce triste jeu de massacre!!!!
* Perpignan le Vendredi
Venez mettre le feu aux poudres
par Office de Tourisme de Perpignan Rubrique Enfants
Une matinée ludique et instructive en famille à la Poudrière: bataillesmédiévales, construction de châteaux, création de blasons, histoire des fortifications.
Rendez-vous à la Poudrière, rue François Rabelais, les vendredis de 9h30 à 13h.
Batailles médiévales, construction de châteaux, création de blasons, histoire des fortifications. Quatre ateliers à la disposition des petits et grands:
- À vos bannières!: jouez les batailles du Moyen Âge avec des figurines Lego®.
- Construis ton château: participez au concours du plus beau château.
- Noblesse oblige!: réalisez votre propre blason selon les règles héraldiques du Moyen Âge.
- À l’assaut des murailles!: un livret-découverte pour connaître l’histoire militaire de Perpignan.
Tarif: 5 euros par personne, gratuit pour les moins de 12 ans.
Renseignement:
Office de Tourisme de Perpignan tél. + 33 (0)4 68 66 30 30
Billeterie:
Espace Palmarium tél. + 33 (0)4 68 86 08 51
* Je retranscris le très bel article de Jean-Michel SALVADOR sur le sujet (Merci au journal L'Indépendant) :
Perpignan Dans la peau de Philippe le Hardi : le jeu qui crée une polémique historique
Le 14 septembre par Jean-Michel Salvador (L'Indépendant)
A Elne, une stèle résume, en catalan, les exactions commises en 1285 par les troupes françaises de Philippe le Hardi "dans la joie et l'allégresse" : le massacre des habitants, le viol de ses "femmes jusque sur l'autel" et la destruction pierre après pierre de la cité qui finira en cendres. PHOTO/Photos Marie-Thérèse Bernabé-Garrido
Pas content, Jordi Vera. Le conseiller municipal perpignanais (CDC) s'étonne, comme d'autres catalanistes et férus d'histoire, que la municipalité de Perpignan puisse organiser ce week-end à l'occasion des Journées du patrimoine, un jeu intitulé Reconstitution de la campagne militaire de Philippe Le Hardi.
Sanglante croisade
Un jeu gratuit et sans inscription qui invite les participants, "de 7 à 97 ans", à participer une heure durant (entre 13 h et 18 h) à une aventure inédite. Voici ce que l'on peut lire sur le site internet de la mairie : "Comme Philippe Le Hardi, réunissez (ndlr. réussissez ?) une 'croisade' et prenez la route de la Catalogne. Si les dés vous sont favorables, vous vous empa (re) rez peut-être de Perpignan, puis d'Elne et de Gérone... A vous de jouer !". Le rendez-vous est fixé au Castillet, place de la Victoire...
Le problème, rappelle l'élu d'opposition, c'est que le Hardi en question est le n°3 de la lignée des Capétiens et que le souverain n'a pas laissé que des bons souvenirs en Catalogne au cours de la croisade d'Aragon : "Il a mis la Catalogne à feu et à sang. A Elne par exemple, une stèle rappelle les victimes qu'il a passées à l'épée". Collioure est passé tout près du bûcher et les cités de Salses, Perpignan, Laroque et Les Cluses ont été assiégées comme le rappelle le Service des affaires catalanes de la ville de Perpignan dans un communiqué énumérant les exactions du Roi de France.
"Comme jouer aux SS"
Et voilà comment la louable initiative du Service éducatif du patrimoine de la ville, estampillée du label Ville d'art et d'histoire, et animée par un guide conférencier, se retrouve au coeur de la polémique. Voilà comment l'animation à vocation pédagogique dérape en invitant les participants à raviver la mémoire du triste Sire à qui la Catalogne a payé un si lourd tribut. "C'est comme si la ville de Varsovie organisait un jeu de rôles où il faudrait incarner des Waffen-SS !", s'emporte Jordi Vera, assailli de coups de téléphone de catalanistes indignés de voir renaître le croisé sanguinaire de ses cendres et de celles qu'il a laissées lors de son funeste passage en Roussillon. Et voilà comment l'histoire dérape. Seule satisfaction pour l'élu perpignanais, que le sanglant parcours du Capétien se soit achevé à Perpignan : "Les Catalans ont eu sa peau".
La morale est donc sauve et l'histoire, aussi tragique soit-elle, jamais inutile à raconter. Plus périlleuse s'avère la façon de la rejouer, surtout en se mettant dans la peau de l'oppresseur.
- Du massacre d'Elne à la mort du roi "cuit à Perpignan"
En 1285, Philippe III le Hardi, fils de Louis IX, lève une armée pour conquérir la couronne du royaume pyrénéen. En mars, la colonne met le cap sur Carcassonne et entre à Narbonne le 1er mai où il est rejoint par le roi Jacques II de Majorque, fâché avec son frère Pierre III d'Aragon. Les forces rassemblées sont impressionnantes : entre 100 000 et 300 000 soldats, 100 navires. Mais l'armée royale qui marche sur le Roussillon ne peut franchir les Pyrénées où se trouvent embusquées des troupes aragonaises et almogavares.
Collioure échappe au massacre
Les Français ne restent pas inactifs pour autant en Roussillon. Ils s'emparent de Perpignan et bien que Jacques II de Majorque, allié de Philippe III le Hardi, soit le gouverneur de la ville d'Elne, celle-ci est restée fidèle à Pierre III d'Aragon. L'armée du Capétien trompe son attente en lançant un premier assaut contre la cité. Les habitants obtiennent une trêve, mais ils en profitent pour correspondre avec les Aragonais de la montagne à l'aide de grands feux allumés sur la tour de l'église. Furieux, Philippe le Hardi ordonne un nouvel assaut et le cardinal Cholet, légat du pape, exhorte les croisés à n'épargner personne, "vu que les ennemis étaient des excommuniés et des ennemis de la Sainte Eglise". Le 25 mai 1285, on tue donc tout le monde, y compris les femmes et les enfants : la ville est mise à sac, puis rasée. Collioure ne devra son salut qu'à l'habileté de son gouverneur.
Repoussée au col de Panissars, cher au général romain Pompée (Le Perthus), l'armée parvient à franchir les Pyrénées au col de la Massana et prend Figueres. C'est le début du désastre pour le souverain qui verra sa flotte et ses galères décimées et brûlées près du port de Rosas et ses gens attaqués par l'ennemi et la maladie (typhus). Gérone tombe le 7 septembre, mais sera reprise le 13 octobre par les Aragonais, quelques jours seulement avant la mort du souverain tombé le 5 octobre à Perpignan au cours de la retraite de ses troupes en déroute. Sa dépouille, "cuite, affirme la légende" (et Jaume Roure), a été transportée à Saint-Denis où il est inhumé. Il avait 40 ans.