* Rilke : Lettre à une amie vénitienne : Je me dis, en lisant, et donc en lisant mal, que je devrais offrir ce petit livre à Reiner Titze qui habite à Dudweiler : il aime les mots et le poète parle des mots. Et aussi, souvent, de ce R terrible qui se glisse entre le O et le T pour arrêter le charme poétique.
J'ai donné un jour à Reiner mon artisanale plaquette sur "De quelque chose qui pourrait être la mort". Des mots pour moi. Pour lui, mon ami allemand, un sujet de tous les instants puisqu'il observe la lente, mais sûre dégradation de son corps, de tout son être investi par une lente et terrible maladie...
Pour revenir au livre de Rilke, nous n'avons jamais parlé de Venise. Y est-il déjà allé ? Je ne pense pas. Autre raison : moi non plus (depuis, j'y suis allé) et cette obsession de la ville est devenu comme un mythe...
Le jour où je me déciderai à m'y rendre -mais j'ai longtemps temporisé pour garder le plaisir du mythe en vie- Venise aura disparu... Il doit sans doute l'aimer, parce qu'il aime la beauté, l'amour, la musique et qu'un Carpaccio est accroché au mur de son salon. Assurément, il aimerait ce livre, mais je ne lui ai jamais donné. Je regrette. J'ai perdu Reiner de vue. Et lui, où est-il à présent ? A Venise, au paradis ou toujours dans l'enfer du mal..?
* Sagan, Sand et Musset : A Gap, un soir d'Apostrophes, où elle n'a pas pu venir bafouiller (il faudra l'inviter avec Modiano), et boire un whisky : un soir avec Sagan, c'est 'Bonjour tristesse"; pourtant, comment pour étancher une nostalgie inconsciente, un manque inattendu, se plonger dans les lettres d'amour de Sand et Musset; et d'abord, dans la préface, ces pages inutiles, plage à rallonges..!
Elle écrira mieux -pour présenter les autres, amis qu'elle s'en tienne à parler d'elle !-, à présent qu'elle s'est remise de coup d'altitude de Bogota : qu'est-ce qu'elle est allée faire dans cette Colombie ? Frayer avec le beau ténébreux de Gustave Le Clézio ? Bonne convalescence et condoléances pour ce petit, ici, écrivain et pour mon mesquin train-train cardiaque en partance pour la Moselle... Le huit novembre entre chien et loup. Et midi et minuit...
* Le cas K Lecture du Procès de Kafka : "...Cet horrible mot attribué à Henri Jeanson...qui rassemble à mes yeux tout le répugnant de la plaisanterie gauloise : il a fait Kafka dans sa culotte..." J.-J.Brochier (Le magazine littéraire n°135, avril 1978)
Il s'agit d'un texte dilettante né d'une étude de ce roman avec une classe de BTS formation mécanique, deuxième année : réflexions spontanées en réaction à l'austérité de l'intrigue et de l'écriture kafkaïenne, jeux de mots bêtes et mesquins, jeux sur les sonorités et sur l'initiale énigmatique.
Refus du patronyme, non-appartenance souhaitée au monde juif, anonymat pour préserver la vie privée, personnage "sans qualités" qui ne mérite pas d'être identifié, etc... t d'autres foules d'interprétations...
Quoi qu'il en soit, face à ce drôle de procès, digne d'une "Plaisanterie" à la K.undera, nous prenons le droit de plaisanter, même si la bureaucratie n'est pas, a priori, un sujet des plus jouissifs. Et quoi qu'en dise le patron grincheux du "magazine des lettres austères". Et même si le destin de ce Joseph K., ballotté d'avoK.véreux en K.thédrale glisse vers le noir destin de KK.
Fatalisme ? Non, le héros de Karton-pâte, plutôt, invente, au fil de son procès fictif, sa liberté et le roman. Il instruit son propre procès et le processus de l'écriture. Il inventera sa propre mort, mais ce ne sera pas un suicide : Messieurs les bourreaux devront, tout de même, prendre leur responsabilité; ce serait trop facile, MM les fascistes, il faut un peu se salir les mains, garder une trace indélébile de K. et de tout ce caca...
Il sait qu'il est dans de beaux draps, mais son simple regard de "Persan" en régime austro-hongrois, prussien, soviétique ou autre, ironise sur la comédie de cette Inquisition, sur le labyrinthe des bureaux (les fonctionnaires sont décrits comme des rats de bibliothèque), sur la justice qui est théâtre, sexe (cf. les livres érotiques) ou peinture, avec l'avocat sans talent ("réaliste socialiste" ?) : Titorelli (mélange humoristique de Tintoret de de Botticelli ?), sur la religion : la parabole de l'abbé est désespérante, pas question d'attendre un recours ultime de la part de Dieu : K. ne doit pas attendre Godot, mais un godemichée-poignard pour recevoir la mort-jouissance, la mort-libération. Mais si sexe et séduction sont partout, ils sont encore simulation. Alors, se faire Zorro, Khrist ? Héros malgré soi d'un film (Z ?) contre le totalitarisme ? Anti-héros d'un film (classé X) contre l'obscénité de la politique ? Sauveur contre les bourreaux et tous les bureaux ? Non. K., c'est-à-dire l'Homme, est un zéro...
Partout, ça débloK...