Merci à Kader Fouka pour l'envoi de cet article...Au prochain ! JPB
" Maurice Thibaut, un poète local, d'entre les Orgues et la Vénus"
Né dans le village à la fois magique et enchanteur d'Ille sur têt, entre cerisaies et roseraies, en 1928 plus exactement, Thibaut, écrit et décrit une poésie, d'expression aussi bien Française que Catalane. Et c'est élégamment qu'il nous reçut, pour nous faire part avec moult-largesses, à partir d'une mémoire toujours aussi vive et certaine, d'anecdotes, aussi bien précises que précieuses, sur la mère tout d'abord de Jean Sébastien Pons, poète qu'à talent d'Ille-sur-têt.
C'est que depuis quelques lustres déjà, le village, intermédiaire entre le Roussillonnais et le conflent, à vue naître, voire paraître, les plus illustres poètes de la région, à l'instar en effet d'un Pere Verdaguer, ou bien, d'une Simone Gay, la soeur elle-même de Pons à nouveau, mais également, d'un Jean Amade, entres autres.
Et comme on l'aura compris, c'est que le village d'Ille, possède "un je ne sais quoi" pour parler seulement ici, comme un Blaise Pascal ou bien d'un Jankelévitch, d'ineffable ou d'indicible comme on voudra, mais qui vous porte, si ce n'est vous trans-porte, dans ses coins et recoins, de ses plus belles créations poétiques. D'ailleurs, outre ces quelques-uns des "pères de la prose" Catalane, le célèbre Prosper Mérimée, ne s'y est pas trompé lui non plus. Lors de son séjour, effectivement, Mérimée se trouva à son tour, aspiré et inspiré, pour composer de sa talentueuse plume, "La Vénus d'Ille". Oeuvre, qui brille encore de nos jours, ici ou là dans le monde.
Mais Thibaut, plutôt simple, il se veut. Bien sûr, de Pons il se réclame et dont on retrouvera toute sa nostalgie dans ses poèmes. Mais Il n'écrit pas cependant en Alexandrin, à l'instar d'un Hugo ou bien plus-tôt, d'un Ronsard. Toute-fois, c'est toujours de façons très subtiles qu'il écrit, rythmée, mais rimée aussi, ainsi qu'en Catalan. C'est que Thibaut, en parfait bilingue, passe à vrai dire, d'une langue à une autre, avec autant de dextérité, qu'un troubadour avec ses instruments.
En illustration, un jour, alors qu'un amoureux venait juste de perdre sa bien-aimée, épris de peine, Maurice Thibaut prit sa page, pour raconter cet amour, autant son inhérence que son errance: "Je n'ai certes ni la plume d'un Virgile ou bien d'un Etienne de la Boétie; mais je voudrais nonobstant cela, vous faire part de cette belle poésie. Ils étaient en effet, elle et lui, prêt de Font-Romeu; suivant l'un et l'autre les pas du ruisselet d'el font amoureux. Et à vrai dire, le parfum de Rhiannon, était humectant et aussi exaltant que les charmantes vallées fleuries du Capcir.
Sa douceur, et son savoir aussi, avaient presque failli perdre au jeune homme la têt, si ce n'est, le cap-sire. D'ailleurs, dans son souvenir elle luit encore, et il n'a jamais su en faire fi-Olette; Sa voix,et son regard étaient aussi suave qu'une prairie anodine sur un chemin, de coquelicots et de violettes. Et tout ceci, et bien d'autres choses encore, l'ont naturellement émerveillé; comme un voyageur vis-à-vis de Collioure et de sa mer éveillée."
Et cet amour si imprimé, autant dans l'âme que dans le coeur du jeune homme, à l'exemple de la signature d'un artiste sur son oeuvre, Thibaut, continue de l'exprimer au travers de cet autre enthousiasme: " De cette proximité, j'aimerais vous confier seulement quelques mots-passants; aussi clair je l'espère, qu'un phrasé de Maupassant. Mais comment rendre compte en réalité par un si court poème; ce que son coeur et sa peau aiment ? Lui-même le disait: je ne sais ce qui me possède; ce qui fît que ma raison et que ma peau cèdent. Mais aujourd'hui, ô échanson, l'amoureux se trouve seul sans elle; comme un ocell * peiné sur une branche aléatoire et hivernale, et sans aile."
Mais la plume de Thibaut, souvent elle discute, souvent, elle scrute. Et c'est avec moult-humanismes, qu'il nous fait part notamment, qu''' il y a certes des greffes de peaux. Des greffes de coeurs aussi. Mais il n'y a pas, en revanche, de greffes autant pour l'amour et la charité. En effet, l'amour et la charité se donnent, mais ne se transplantent jamais".
Cependant, notre poète local, ne parle pas que d'amour. Il parle et écrit, avec beaucoup d'humour aussi, de façon quasiment égale. D'ailleurs, dans une lettre manuscrite, que j'ai moi-même consultée, une de ses amis, peint et dépeint son être de sa plume, comme en dessinant attentivement une exquise aquarelle, par '"un contrebandier du rire", voire même, comme étant "habile à dérider le plus sombre habitant". Et quant à cette amie, ce n'est rien d'autre, que la poétesse aux multiples talents, elle aussi du pays, Marie-Thérèse Vaquer, qui écrira notamment, une pièce de théâtre bien comique, s'intitulant " le marquis de Montespan et les Illois".
Pour l'historiette brièvement, la marquise de Montespan, subrepticement, fut la favorite de Louis XIV, au détriment d'un mari naturellement amoureux et furieux. Et l'une des femmes les plus érudites du XVII ème siècle, Madame de Sévigné, au cours d'un "samedi à Versailles" et après avoir échangé quelques civilités d'avec le roi, subjuguée, décrira la marquise habitée par une "surprenante..et triomphante beauté", dans l'une de ses lettres à Madame de Grignan.
Et plus proche de nous cette fois, c'est Jean Teulé, qui ressuscitera aussi, l'extra-ordinaire liaison entre Héloïse et le moine scolatique Pierre Abélard, écrira pour sa part en 2008 " le Montespan", et avec lequel, il obtiendra le grand prix du roman historique.
Aussi, avec sa muse inspiratrice, Thibaut, bigrement s'amuse, comme lorsqu'il écrit notamment et très subtilement en même temps, que " L'artichaut, perd la queue en Salanque et la tête à Paris. Mais le coeur quant à lui, restera Catalan et de sang-lanquais. C'est vraiment, le bouquet." Ou bien encore, lorsqu'il parle du rugby, d'Ille XIII plus précisément, " au pays de la pêche, t'as reçu des marrons dans ta poire, sans jamais tomber dans les pommes", en usant admirablement derechef, des produits du terroir.
Et ces produits d'ailleurs, jamais ne le quittent, ou presque. Il en est ainsi par exemple, au moment où il compose ou bien produit cette fois " A chacun son merlot" où : Pour le plombier, écrit-il, l'on aura besoin de son eau. De l'écologiste, quant à lui, de la nature. Du triste, d'une larme. Et du jaloux, d'un soupçon. Du poète notamment, d'un nuage. Et du pharmacien à présent, d'une goutte. Quant au chauve, d'un poil. Pour le fleuriste, d'un bouquet. Et de l'horloger, un quart. Du turfiste, l'on aura besoin d'un tuyau. Et de l'opticien, de deux verres. Et bien sûr du musicien, d'une flûte. Et du boulanger, un blanc et au final du boucher, d'un rouge." A la vôtre.
Mais cette subtilité, hasardeuse, elle n'est pas. Au contraire même, on la retrouvera aisément pour notre bonheur, lorsqu'il écrira de façon très docte, et dans un enchaînement ininterrompu qu': " Albin Michel, tout Flammarion qu'il fut parfois, dit au blond Delmas: " Qu'Il y a Bordas au Seuil du Marabout, qui attend le Renaudot. Julliard pour sa part, tout Grasset qu'il est, parle argot autant de la France que d'une Europe fleurie. Figaro, quant à lui, pressé dans la Cité interpelle Gallimard: faut pas être en retard, car il y a Pivot qui passe ce soir. Effectivement, c'est l'Evènement du Vendredi. C'est tout un Monde d'ailleurs, Express, avec toute une Equipe, de Pélerins, dans les studios Parisiens.
Quant à l'Humanité, Elle, elle fait le Point. Quant au Canard, pour sa part, il est Observateur de la Minute, et du Match et de Gala. Du coup, Lafont et La Croix, se Dépêchent, de goûter cette Sélection de légumes, ou de Bouillon. Mais au fur et mesure, cependant, le Concours et le Mercure, montent. Même Harlequin, n'y peut rien. Et voilà sans doute pourquoi, Il faudra Médecis et Femina, pour Calmer Lévy. Tandis que Fayard, sans peur et sans reproche, Edite et Piaffe, même si Nathan se tien en face. Pivot, quant à lui, Apostrophe le dernier Best-seller. Et c'est pourquoi, nous les Robinsons, nous attendions volontiers le Vendredi, ce Bouillon de Culture, bien au chaud, avec une bonne potion magique à la façon Pivot. Enfin, quant à moi, je vis à présent avec un Midi-Libre et très Indépendant, je suis".
Et plus particulièrement pour les Catalanisants ici, voici quelques lignes où il n'a pas manqué à Maurice Thibaut, de chanter, si ce n'est de psalmodier, son village d'antan d'Ille-sûr-têt, voire même, comme hantant presque toujours, mais de façon agréable seulement, sa souvenance nostalgique. Non plus, il n'a manqué à Thibaut de rendre hommage à son "poète", à Pons, l'affaire est entendue, dont il a eu d'ailleurs, la délicatesse de voir et d'entrevoir en cheminant :
" Amb la canne, barret, gilet qu'an d'al mass, d'en Marc bachabe content coum un passereil, d'haver passat la tarde amb al pastre i l'aneil. Sote al bras portable al cistell de figues que habia cullit a borre de Gimeneil. I par la pensade ja prosabe. Al poeme lleuger coum las bigetanes que pourtabe. Testimonie de la poesia que regale encare, coum un camelot de font per fer valguer, la lingue de la nostre terre Catalane. Ahire conxia el pre mes aviu en coneix la valor. I si nou el seu endebinat, aquest home es en Jean Sebastia Pons".
* oiseau, en catalan.
Mes sincères remerciements à notre écrivain Jean-Pierre Bonnel, ainsi qu'à Monsieur Benamar.
Kader Fouka, S.
* Photo L'Indépendant, correspondant à Ille : Maurice Thibaut ici lors de la fête de la Saint-Jacques dont il est l’organisateur.
Education, Ille-sur-Têt
Publié le 27/05/2021 à 21:33 , mis à jour à 21:35