- - -Pour la ZAD
Une autre vision de l'organisation sociale : pour un projet coopératif, pour une expérimentation communautaire, pour une utopie réaliste, loin des vues financières et spéculatives à court terme d'un petit groupe d'activistes...
L'argument de l'Etat est "respect du droit". C'est ainsi que le résultat du référendum pour la construction de l'aéroport de Notre-Dame des Landes a été bafoué...
JPB
(auteur du livre Les communautés libertaires, agricoles et artistiques en pays catalan (1968/2018) - éditions Trabucaire)
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Le gouvernement peut arguer que le droit comme la logique politique sont de son côté. Merci les zadistes, vous êtes gentils, vous avez gagné votre combat contre l’aéroport, maintenant, ça suffit. Fin de l’histoire.
Sauf que les zadistes ne l’entendent pas de cette oreille et qu’une autre question politique se pose derrière cette évacuation trop musclée : celle de l’acceptation de la marge dans une démocratie comme la nôtre. La force d’un Etat de droit… droit dans ses bottes, la vigueur d’une démocratie sûre d’elle-même, ne sont-elles pas justement d’accepter l’existence d’expérimentations, même illégales ? Qui peut prétendre que rien dans l’utopie à l’œuvre aujourd’hui sur la ZAD ne sera demain, dans dix ans, trente ans, cinquante ans, accepté comme des évidences par le plus grand nombre ? Loin d’ériger les zadistes en héros incompris, et notamment la frange la plus radicale qui peut parfois flirter avec la violence, il est juste inquiétant de constater la fragilité d’une démocratie qui, comme le dit une manifestante modérée dans notre reportage page 16, «a peur de deux ou trois carottes, mêmes illégales».
Paul Quinio @PaulQuinio © Libération
- - - Quelques textes récents pour comprendre la situation..............
-------- Courriel original --------
Notre-Dame-des-Landes - Communiqué de presse du 5 avril 2018
Envoi d’une proposition de convention collective à la préfecture
L’assemblée des usages (1) fait parvenir une proposition de convention collective à la préfecture et l’enjoint à renoncer aux expulsions annoncées.
Dans le cadre des rencontres entamées par la délégation commune du mouvement avec la préfecture, nous avons annoncé notre volonté d’une
prise en charge collective des terres. Le gouvernement a affirmé de son côté qu’il expulserait, à partir du 31 mars, les personnes établies au
cours des dix dernières années sur la zad et qui ne rentreraient pas dans un cadre d’occupation légale liée à un « projet agricole ou para-agricole ». Il a convenu que cette occupation légale pourrait se traduire par des « conventions d’occupations précaires » pendant la
phase transitoire nécessaire à la mise en place d’un projet pérenne pour l’avenir de la zad. Mais à ce jour, aucune des personnes concernées n’a souhaité répondre aux appels à l’envoi de demandes de conventions
d’occupation précaire individuelle. Ce choix partagé ne part pas en soi
du refus d’une formalisation légale de l’occupation, mais de la volonté
de donner un cadre collectif à cette formalisation.
Pour avancer à ce sujet, nous annonçons donc l’envoi aujourd’hui à la préfecture d’une proposition concrète de convention provisoire
collective. Cette convention collective en 3 volets couvre les terres agricoles, les espaces boisés, ainsi que les habitats et bâtis à ce jour pris en charge et entretenus par le mouvement. Cette convention provisoire pourrait être signée dès demain par l’association « pour un avenir commun dans le bocage ». Cette association loi 1901 créée le 27
février regroupe différentes composantes du mouvement et usager.e.s du territoire – habitant.e.s, paysan.ne.s ou voisin.e.s.
Nous proposons aujourd’hui un cadre collectif car nous ne pouvons envisager un tri sélectif de la richesse et de la diversité des projets actuels sur la seule base de ceux qui seraient, individuellement, les plus immédiatement intégrables aux cadres habituels de la chambre
d’agriculture. Une convention collective permettra au contraire de
pérenniser les différentes activités agricoles, artisanales, sociales ou
culturelles à l’œuvre aujourd’hui dans le bocage ainsi que les habitats.
Elle privilégie l’organisation collective, solidaire et la connexion
entre les différents projets fédérés sous une forme coopérative.
Une démarche collective a été entamée en ce sens auprès de la MSA. Une convention collective est la mieux à même d’être en accord avec un
modèle agro-écologique systémique qui correspond aux pratiques actuelles
et part d’une rotation concertée des usages plutôt que d’un morcellement
des parcelles et des activités. C’est ce cadre collectif qui peut assurer le maintien d’une vision du territoire soucieuse des communs, du
soin au vivant, d’une vision paysanne et de la place nécessaire aux expérimentations sociales. Elle est cohérente à ce titre à la fois avec
la volonté affiché par le gouvernement d’un projet d’agriculture innovant et avec la vision portée à long terme par le mouvement.
Alors qu’une opération policière visant à des destructions d’habitat est annoncée comme imminente, cette convention est aussi une proposition
très concrète pour sortir de l’ornière. Nous pensons qu’il est encore temps pour le gouvernement de renoncer à cette logique répressive et absolument contradictoire avec la volonté affichée d’une « évolution
sereine et apaisée de la situation ». Les conséquences d’une nouvelle
intervention, en terme de destruction d’habitats, d’espaces d’activités
et de cultures, de risques humains et de tensions pour tout le voisinage, seraient dramatiques et représenteraient un profond gâchis.
Il est encore possible aujourd’hui pour le gouvernement d’ouvrir un vrai
dialogue plutôt que de se lancer dans une nouvelle évacuation policière.
La délégation commune du mouvement est dans l’attente d’une nouvelle
rencontre au plus vite à la préfecture à ce sujet.
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(1) L’assemblée des usages s’est mise en place à l’été 2017 sur la zad
de Notre-Dame-des-Landes. Elle regroupe les usager.e.s régulier.e.s de la zad - habitant.e.s, voisin.es, paysan.e.s des alentours, personnes
impliquées dans des projets sur place et les différentes composantes du
mouvement. Elles se sont données pour but de penser et construire la
prise en charge collective de ce territoire en cohérence avec les 6
points pour l’avenir de la zad
(https://zad.nadir.org/IMG/pdf/6pointszad-a3-2.pdf). Après l’abandon du projet d’aéroport, l’assemblée des usages est représentée par l’association « pour un avenir commun dans le bocage » et a désigné une
délégation commune pour établir un dialogue avec le gouvernement et les
institutions locales à ce sujet.
--- Communiqué du 6 avril 2018
/// Référés sur les procédures expulsions - la préfecture dévoile ses cartes.
La préfecture admet avoir mis en oeuvre des procédures anonymes alors
même que les habitant.e.s concerné.e.s se sont identifié.e.s
Des habitant.e.s de divers lieux de la zad avaient fait la semaine
dernière des recours vis à vis de la préfecture pour enjoindre celle-ci à rendre compte de son cadre légal et permettre que les personnes menacées d’expulsion aient accès aux procédures les concernant.
Quelques dizaines de minutes seulement après avoir reçu le mémoire de la préfecture et sans audience, le Tribunal Administratif a préféré se
déclarer aujourd’hui incompétent. Cette décision du Tribunal administratif, purement formelle, ne valide en rien juridiquement l’expulsion annoncée.
En revanche notre demande de référé aura au moins forcé la préfecture à
dévoiler un peu ses cartes. A la lecture de son mémoire en défense, nous devons conclure qu'il y a bien des ordonnances sur requête, c’est à dire des procédures anonymes d’expulsions, sur à peu près tous les habitats de la zad. Ces procédures court-circuitent les procédures classiques qui doivent permettre à n’importe quel habitant.e d’un logement menacé d’expulsion de se défendre au tribunal et d’avoir droit à des délais.
Dans notre cas, la justification de ces procédures anonymes repose d’après la préfecture sur la soit-disant « impossibilité » d’identifier les personnes habitant sur la zad. Les habitant.e.s de la zad n’auraient selon elle jamais fait aucune démarche en ce sens jusqu’en mars 2017.
Ceci est absolument faux : des occupant.e.s logé.e.s dans des habitats situés sur de nombreuses parcelles de la zad se sont identifié.e.s par
courrier, certain.e.s aussi tôt que 2013. Des lettres avec accusés de
réception adressées à la préfecture, AGO-VINCI et au tribunal d’instance
ainsi que de nombreux articles de presse peuvent le prouver. La
préfecture fait état d’un « manque d’empressement à saisir le juge » de
la part des occupant.e.s. Nous pouvons là encore facilement prouver le
contraire : les occupant.e.s de la zad avaient cherché à obtenir des
informations sur les procédures, et fait des demandes à ce sujet aux
tribunaux de Nantes et Saint-Nazaire dès l’automne 2016. La préfecture
avance enfin que « jusqu’à février 2018 , il était rigoureusement
impossible à des personnes autres que les zadistes eux-mêmes de pénétrer
sur l’emprise de la zad. » Des dizaines de milliers de personnes de tout
ordre peuvent là aussi témoigner du caractère mensonger de cette
assertion. La vérité est qu’AGO-VINCI n’a sans doute jamais essayé
d’envoyer d'huissiers pour identifier les habitant.e.s des diverses
parcelles qui pourraient être expulsées demain. Quand ces personnes
l’ont faites
d’elles-même, AGO-VINCI et la préfecture ont préféré l’ignorer.
De toute évidence la stratégie de la préfecture et d’AGO-VINCI est
toujours de ne laisser aucune possibilité de recours contradictoire aux
habitant.e.s, ceci afin que ces recours ne puissent arriver qu’une fois
les maisons détruites et les personnes expulsées. Leur volonté de
s’asseoir sereinement sur les bases élémentaires du droit au logement et
du droit à la défense est donc aujourd’hui plus claire que jamais.
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Date: 09.04.2018 15:56
De: zadcontactpresse@riseup.net
À: zad@riseup.net
/// Communiqué de bilan d'une journée d'expulsion sur la zad et appel
général à se rendre sur place pour stopper l'opération
L'après-midi se finit dans un bocage asphyxié par les gaz lacrymogènes
après déjà de longues heures de résistance face à la destruction
d'habitats et fermes de la zad. Au moins 9 lieux de vie collectifs ont
péri, avec leurs divers habitats particuliers brisés, leurs ateliers en
miettes, leurs jardins piétinés : planchettes, planchouette, lama fâché,
noue non plu, youpiyoupi, jessie james, phare ouest, chèvrerie, 100
noms...
L'invasion policière a trouvé face à elle diverses formes de résistance
: barricades, barrages de tracteurs, mêlées, personnes se hissant sur
les toits, chantant, se tenant dans les bras. Dans les champs, face aux
gendarmes mobiles et à leur machines de morts, on trouvait des anciens,
des jeunes, des voisins, des paysans, des occupants, des camarades de
partout. 6 des soutiens mobilisés sur place ont été blessés et 7
personnes arrêtées. Malgré la disporportion des forces en présence,
l'absolue supériorité militaire des gendarmes, un peu de ruse et
d'imagination a suffi à mettre deux fois le feu à leurs machines. Le
dieu de la boue en a embourbé une autre.
A chaque maison expulsée, brisée par les mâchoires des tractopelles,
c'est un pan de la vie ici que l'Etat cherchait à éradiquer, et un pan
ferme de colère qui se soulevait en nous. Une colère qui s'est diffusée
toute la journée à tous ceux qui scrutaient de plus loin ces événements
sans avoir pu encore se rendre sur place. Ils seront désormais de plus
en plus nombreux dans les prochains jours si l'opération continue. Ils
reviendront en masse pour ne pas laisser sans habitat ceux que l'Etat a
cru aujourd'hui expulser du bocage...
La destruction du hangar, des serres et de la bergerie des 100 noms,
l'évacuation de ses ânes et de ses moutons a achevé de dévoiler
l'hypocrisie absolue de la préfecture, y compris sur sa prétention
affichée à conserver les projets agricoles. La préfète en profite pour
appuyer sur un chantage abject à propos des autres lieux abritant des
projets agricoles : abandonnez la vision collective maintenant ou vous
connaitrez le même sort et les mêmes destructions. La maison des vraies
rouges, les jardins maîraicher et médicinal du Rouge et Noir, et bien
d’autres pourraient bien être en ligne de mire demain. En ce qui
concerne cette ferme, un référé pour voie de fait va être déposé par Me
Hurriet à l'encontre de la Préfecture. Les habitants des 100 noms
s'étaient en effet identifiés auprès d'AGO-VINCI et de la préfecture dès
2013, puis de nouveau en 2016 et en 2018. AGO-VINCI l'ont sciemment
ignoré et ont bafoué le droit de la manière la plus grossière en
refusant de les laisser accéder malgré tout à une procédure nominative
d'expulsion. Aujourd'hui encore, l'huissier qui accompagnait l'expulsion
de ce lieu a refusé de les laisser accéder au jugement d'expulsion et de
leur donner son nom.
Toute la journée de nombreux soutiens se sont déjà manifestés :
communiqués et appels de diverses organisations (Sud Rail, Greenpeace,
etc), occupation de la mairie à Forcalquier, rassemblements partout en
France.
Demain, l'Etat annonce la poursuite des expulsions et de sa volonté
d'éradication de l'expérience de la zad. Il faudra les empêcher,
s'enraciner, rester. Nous appelons tous ceux qui peuvent à se rendre sur
place dès l'aube pour leur faire obstacle. Nous appelons à des
mobilisations et réactions déterminées partout ailleurs en france.
La zad restera !