Merci à Jean IGLESIS pour ces merveilleux poèmes...
Poèmes pour la Saint-Valentin
Jean Iglesis
Credo (je t’aime…)
Comme l’enfant rêvant sous le ciel étoilé
Qui laisse sur la mer s’enfuir tous les voiliers
Je t’aime
Comme le chêne voit les ombres une à une
Mourir sous le soleil qui rend la terre brune
Je t’aime
Comme le mendiant aux portes de l’église
Qui tend la main vers le destin malgré la bise
Je t’aime
Comme l’oiseau volant vers des climats féconds
Quitte soudain sa voie pour d’autres horizons
Je t’aime
Comme le marinier découvre au cœur de l’huître
Une perle d’espoir à l’éclat blanc ou bistre
Je t’aime
Comme le paysan au sortir du printemps
Délaisse les moissons pour n’écouter qu’un chant
Je t’aime
Comme la pluie des pleurs qui brise le silence
Pour offrir au maudit une nouvelle chance
Je t’aime
Comme l’esclave aux bras meurtris qui prend la fuite
Laisse derrière lui une geôle détruite
Je t’aime
Comme le loup-garou au soir de pleine lune
Hurle passionnément sa douleur sur la dune
Je t’aime
Et simplement pour ne le dire qu’en deux mots
Sachant ce que j’éprouve au creux de tous mes maux
Je t’aime
Dans le regard des femmes
Le retour du roi qu'on acclame,
Sa mise en échec par la dame,
Reflets d'un verre ou d'une lame,
Brillent dans le regard des femmes.
Je n'ai nul besoin de sésame
Pour entrer au cœur d'une trame.
Je vois le glaive, avant le blâme,
Poindre dans le regard des femmes.
Amant de quelque psychodrame
Ou simple client de Paname,
Chaque soir donne le programme
D'un film, dans le regard des femmes.
De wagon-lit en vague à l'âme,
Je voyage tout feu tout flamme
Et les draps sont des oriflammes,
Battant dans le regard des femmes.
Les espoirs vont en télégrammes,
Plaintes déposées sans réclame,
Baisers écrits en calligrammes,
Perdus dans le regard des femmes.
Dans l'or de tes cheveux
Dans l'or de tes cheveux, j'ai vu grandir le monde,
Chaque jour éclairé par l'astre de ton cœur,
Mon amour s'étendant comme une plaine blonde
Aux épis frémissant sous ton rire moqueur.
Dans l'or de tes cheveux, j'ai découvert des plages,
Chaque matin baignées de soupirs et de pleurs,
Mon amour embarquant sur des rêves volages,
Promesses de marins ivres de chants menteurs.
Dans l'or de tes cheveux, j'ai retrouvé l'enfance,
Chaque soir oubliée à la lune naissant,
Mon amour scintillant au creux du ciel immense,
Reflétant un bonheur tracé, luminescent.
Dans l'or de tes cheveux, j'ai vu luire la flamme
Chaque nuit ravivée au lit de nos ébats,
Mon amour parcourant tous tes sentiers de femme,
Paysages mêlés dans l'ardeur des combats.
Dans l'or de tes cheveux, j'ai réécrit l'histoire,
Chaque page effeuillée au souffle de mes vœux,
Mon amour relisant les lignes d'un grimoire
Aux mots nés puis éteints dans l'or de tes cheveux...
Des choses de la vie
Me passerais-je même des milliers de fois
"Les choses de la vie" en vidéocassette,
Je n'oublierais jamais le timbre de ta voix,
Un jour heureux de mars, vibrant de 5 à 7.
Des mots, mots démodés dans cet aréopage
D'aveux et de refus, éclatants et secrets,
Et puis toi, proue aimée, brisant de ton visage
Le calme de la mer, infini de regrets.
De la suite des ans, peuplés d'instants volages,
Je voudrais conserver la passion et le miel
Qui fixent à jamais les banales images,
Aux anges refusant de remonter au ciel.
Quel amour mensonger - dût-il brûler la chair ! -
Serait assez puissant pour effacer nos rêves ?
Le cœur, dissimulé sous le masque de fer,
Bat pour toi sans faillir, ma Princesse de Clèves.
Elle... (Loulou – La garçonne)
Elle entrouvre les yeux, efface de son cou
Les baisers oubliés d'un dernier rendez-vous.
Elle quitte son lit, mis sens dessus-dessous,
Et rejoint un miroir qui lui redira tout.
Elle éclaire ses yeux, sourit, puis fait la moue,
Gomme d'un rien de fard dix années sur ses joues,
Arrache un blanc cheveu qui luttait vent-debout
Et narguait sa beauté, mortelle malgré tout.
Elle voile ses yeux d'un regret à cent sous,
Feint d'aimer à jamais, toujours d'un amour fou.
Elle cherche en son cœur les serments un peu flous
De ceux qui l'ont chérie et lui ont repris tout.
Elle ferme les yeux, s'endort d'un sommeil doux,
Ses rêves dominant des jours mis bout-à-bout.
Elle rit aux bonheurs, façonnés à son goût,
De ceux qu'elle a perdus, lesquels ont perdu tout...
Elle
Elle
A la chevelure insoumise,
Aux yeux donnant sur la tendresse,
Aux lèvres gercées par l'hiver...
Elle
Dont les paroles sont autant de rayons de soleil
Que les silences sont des jours de pluie...
Elle
Qui sourit à ma venue
Et sanglote à mon départ...
Elle
Qui est à chaque jour présente à mes côtés
Pour me faire oublier les tourments de la vie...
Femme
Longtemps, j'ai erré sur les rives de l'ennui.
Longtemps, j'ai crié ton nom aux vents du hasard.
Je t'ai appelée dans les matins froids.
Je t'ai appelée dans les soirs fiévreux,
Femme.
J'ai rencontré des sirènes qui chantaient comme toi.
J'ai connu des amours qui aimaient comme toi.
J'ai contemplé des feux qui se consumaient comme toi.
J'ai cru en des mensonges qui auraient pu être les tiens,
Femme.
Dans ma quête sans fin, j'avais foi en ta découverte.
J'aurais tout renié pour pouvoir étreindre ta main.
Je me serais tu à jamais pour pouvoir t'entendre.
Je serais devenu aveugle pour t'avoir comme canne ou comme chien,
Femme.
Je t'ai donné le visage d'une de ces madones qui peuplent les églises et qui éclairent le cœur des manants de leur seule présence.
Je t'ai donné la voix de la mère qui chante pour apaiser l'enfant qui a peur de s'endormir.
Je t'ai donné le pas de l'étrangère qui passe dans l'indifférence et que l'on reconnaît soudain, au détour d'un éclat de rire. retrouvée, redécouverte, ressuscitée.
Je t'ai donné le parfum qu'ont au printemps les prés, bénis et rebaptisés par la rosée du matin,
Femme.
Au cri du mot amour,
J'ai accroché ton sourire dans mon ciel sans astre
Pour le meilleur des soirs de noces
Et pour le pire des jours sans pain,
Femme.
Je t'aime pour tes yeux...
Je t'aime pour tes yeux, pareils à des miroirs
Dans lesquels j'entrevois mon image docile.
Ton amour me pétrit comme on pétrit l'argile
Et me rend plus heureux, meilleur au fil des soirs.
Je t'aime pour tes yeux, tels deux lumières vives
Qui guident mon navire en cette obscurité
Où je confonds sans fin mensonge et vérité...
Quand tes bras suppliants ressemblent à des rives.
Je t'aime pour tes yeux, creusant au fond de moi
Pour extraire au grand jour l'homme que tu passionnes,
Mélancolique amant qui souffrit des automnes,
Ces automnes fiévreux où je cherchais ta voix.
Je t'aime pour tes yeux, impalpables délices
Que je n'échangerais pas pour d'autres trésors
Et que je sens, posés sur moi, lorsque je dors,
Rêvant à des pays emplis d'ambre et d'épices.
Je t'aime pour tes yeux, saphirs fins et sacrés,
Luisant de tous leurs feux au midi de ma route,
Tandis qu'un vent nouveau vient abolir le doute
D'abandonner ce port où tes yeux sont ancrés.
L’amour est tel ...
L’amour est tel un fruit dispos
Que tu veux croquer sans ambages.
Veuille ne pas en prendre ombrage
Si nous en conservons la peau.
L’amour est tel un feu de joie
Qui s’éteint au soir sous la cendre
Et, tandis que le corps festoie,
De mon mal je te dois défendre.
L’amour est tel un long repas
Qu’alimentent les mois qui passent.
J’en oublie, quand mes bras t’enlacent,
L’arrière-goût d’un seul faux pas.
C’est un jour noir sur l’agenda…
Ne montre pas mon coeur du doigt.
Si je suis porteur du sida,
Il n’ira jamais jusqu’à toi.
La captive
Longtemps, je vous ai vue, altière, inaccessible,
Bravant les mécréants de la plus haute tour,
Égrenant les baisers, donnés jour après jour
Aux lèvres d'un printemps qui me prenait pour cible.
J'étais le fier gardien dont la ronde insensible
Foulait sans s'émouvoir le trèfle de la cour.
A mon devoir soumis, je guettais alentour
Les murmures naissant d'une armée invisible.
Les merles, captivés par vos chants inaudibles,
Rivalisaient de leurs couleurs, de leurs discours,
Portant au bois secret l'éclat de vos atours,
Rais de lumière offerts aux chênes impassibles.
Combien d'heures, peuplées d'un silence terrible,
Vous ai-je devinée, heureuse en contre-jour ?...
Levant malgré la loi le front vers cette tour
Où vous rêviez, victime d'un sort intangible.
La petite fille aux yeux verts
La petite fille aux yeux verts, aux bruns cheveux,
Sourit de cent soleils et brûle de cent feux,
Ne se souvient jamais d'hier, rit de demain
Et construit le bonheur en me tenant la main.
La petite fille aux yeux verts, aux traits d'un ange,
Me regarde parfois d'une façon étrange,
Dit que la vie, l'amour n'ont aucun sens sans moi
Et apaise mes pleurs de sa plus tendre voix.
La petite fille aux yeux verts, aux mots faciles,
Éclaire chaque jour un peu plus mon chemin
Et me rend chaque jour l'aspect d'un être humain
En me faisant croire à des sentiments fragiles.
La petite fille aux yeux verts, aux joues de reine,
Ne paraît éprouver ni la joie ni la peine ;
Et je me dis alors que, si elle me ment,
C'est pour ne pas blesser par trop d'attachement.
Elle me restitue tous mes rêves d'enfance,
Moi qui n'avais jamais pu rencontrer la chance,
Moi que le hasard a jeté dans l'univers
Du grand coeur de la petite fille aux yeux verts.
La rêveuse
Lors tu rêvais, et s’esquissaient sur ton visage
Les pins d’Alep veillant les étangs apaisés,
Le tremblement des joncs, par le vent épuisés,
Que ponctuait l’envol soudain d’une oie sauvage.
Un rictus incongru perdit ce paysage...
Les branchages brisant sous les pas empressés
Des chasseurs, haletant sous les fusils dressés,
Ont fait fuir jusqu’au souvenir de ton passage.
Ce monde médiéval craignait l’ombreux présage
De ton retour, sorcière aux poings et pieds blessés,
Et s’il gardait toujours les volets abaissés,
Il montait le bûcher, ce jour, à grand tapage.
Tu quittais cependant cet hostile bocage,
Prenant d’un geai les traits... Et tes cris offensés
Déchiraient le linceul de charmes insensés,
Tandis qu’un long soupir parcourait ton corsage.
L'amour à cent sous
L'amour
A cent sous
- Pour sûr -
Ne rassure
Que le dessous
De la ceinture.
L'amour
A cent sous
Ne dure
Qu'un sou -
rire et nous
Abjure
Au fur
Et à mesure.
L'amour
A cent sous,
Qu'on soit pour
Ou pur,
Ne laisse pas sourds
Les mous et les mûrs.
L'amour
A cent sous,
J'en bois tout mon saoul
Et au petit jour
Je n'ai pas toujours
Trouvé chaussure
A ma pointure.
Mais
L'amour
A cent sous
Met
Sens dessus -
dessous
Tous les su -
jets du verbe aimer.
L'amour que tu n'as pas connu
L'amour que tu n'as pas connu
Brillait hier sur mon visage
Et me portait le paysage
De ton corps dans mes bras tenu.
Un jour, vers toi, je suis venu,
Les mains pleines de ce seul gage,
L'amour que tu n'as pas connu
Et qui tenait mon âme en cage.
Alors que mon cœur était nu,
Tu as brisé mon doux mirage.
Et je vis depuis le naufrage,
Agrippé à ce fil ténu,
L'amour que tu n'as pas connu.
L'atoll
J'ai croqué sur le planisphère
Le visage heureux de ma mie
Sans craindre le regard sévère
Des Messieurs de l'Académie.
J'ai dessiné en filigrane
Aux géographes étonnés
Un atoll sous le jour diaphane
Sans abscisse ni ordonnée.
Puis, d'une plume indéchiffrable,
J'en ai tracé la voie lactée
Pour que l'explorateur affable
Ait soin de bien s'en écarter.
L'attente
L’an passé, je venais chaque soir vous attendre
A la sortie des cours en jeune homme anxieux
Et je guettais l’instant où, naissant de vos yeux,
Un long regard sur tout mon corps allait descendre.
Il me semblait déjà percevoir votre voix,
Découvrant ce que je vous remettais, fébrile,
Une lettre où mon âme, instrument malhabile,
Avait gravé des mots que je pensais parfois.
Puis, ne vous voyant pas venir à ma rencontre,
Je répétais des vers appris rien que pour vous,
Quand le palpitement de mon coeur à genoux
Se confondait avec le tic-tac de la montre.
Soudain, un bruit de pas montait dans le lointain ;
L’espérance inondait alors mon front de fièvre
Et je restais figé, songeant à votre lèvre
De laquelle choirait un aveu incertain.
Lentement, votre approche abolissait l’attente
Et la foi criait à mon être à demi sourd
Que tout allait être pareil au premier jour,
Lorsque vous n’étiez rien d’autre qu’une passante.
Enfin, vous arriviez, pressant tout contre vous
Le roman d’un adolescent au rire tendre
Qu’une princesse s’amusait à faire attendre,
Tandis que le bonheur emplissait mes yeux fous.
Le clown blanc
Un sourire est peint sur sa face.
Une larme perle en ses yeux.
On croit que son cœur est de glace
Mais le clown blanc est amoureux.
Une larme perle en ses yeux.
On rit devant ses maladresses
Mais le clown blanc est amoureux
D'une étudiante aux blondes tresses.
On rit devant ses maladresses
Mais le clown n'entend que la voix
De l'étudiante aux blondes tresses
Pour laquelle son grand cœur bat.
Le clown blanc n'entend que la voix,
Dans sa vie où s'éteint l'espoir,
De celle pour qui son cœur bat
Et qui n'est pas venue ce soir.
Dans sa vie où s'éteint l'espoir,
Un sourire est peint sur sa face.
Elle n'est pas venue ce soir
Et son cœur doit être de glace.
Un sourire est peint sur sa face.
Une larme perle en ses yeux.
On croit que son cœur est de glace
Mais le clown blanc est amoureux.
Le nouvel amour
Mon cœur vient de ressusciter.
Lui qu'on avait réduit en cendres,
Il est prêt à ré-exister
Pour ne plus pouvoir me défendre.
Mon cœur qui errait dans les rues
A quitté le profond sommeil
D'une existence sans soleil
En rencontrant une inconnue.
Mon cœur, tel que par le passé,
Est à nouveau prêt à souffrir
Pour un sanglot qu'on a versé
Ou pour ne guetter qu'un soupir.
Il attend à nouveau l'orage
Qui va éteindre ma passion
Ou qui va chasser la vision
Qu'il a d'un amour sans nuage.
Il croit encore en ces promesses
Qui l'ont jadis martyrisé
Et tisse mille et une tresses
Avec des mots qui l'ont brisé.
Il croit voir la vie belle et tendre
Et se fait fort de tout comprendre
Depuis que le printemps est né
Dans son univers malmené.
Malgré tout, je me sens heureux
De vouloir embrasser la vie,
Même si demain me ravit
Celle dont je suis amoureux.
Le rêve
Mon sommeil est bercé d'un rêve
Me portant chaque soir l'image
Du bonheur peint sur un visage
Qui brille et me sourit sans trêve.
Je découvre en ce songe tendre
Les yeux tristes et langoureux
Et les joues au teint de la cendre
D'une fille au coeur amoureux.
Elle pourfend tous les ennuis
Qui tentent d'envahir mes nuits
Et guettent les instants propices
A m'infliger de longs supplices.
Chaque jour, je prie la venue,
Au coin de ma folle espérance,
Dans l'ombre de mon innocence,
De cette charmante inconnue.
Elle me semble un témoignage
Surgi d'une époque effacée
Dans les cachots de mon passé,
Souvenir d'un antique orage.
Elle est pour moi bien plus qu'un phare ;
Ses yeux ne s'éteindront jamais.
Et sa peau, embaumée de fard,
Luit sur le monde où je l'aimais.
Ma femme
Ma femme
Aux traits polis comme la pierre,
Aux yeux verts légués par sa mère.
Ma femme
Si douce et sauvage à la fois,
Qui m'aime sans savoir pourquoi.
Ma femme
Qui sait si tendrement sourire
Et voit quand je ne peux rien dire.
Ma femme
Qui a depuis longtemps compris
Que ce qu'elle m'offre est sans prix.
Ma femme
Que je découvre chaque jour
Comme voilée par un mystère
Même quand je sais que l'amour
La rend démunie et sincère.
Ma muse
Elle n'est pas issue de la lignée des dieux.
Elle n'est pas non plus un ange aux tendres ailes.
Ses paroles, lèvres et joues sont bien réelles
Et je vais rechercher tous mes vers en ses yeux.
Elle n'a jamais lu Guillaume Apollinaire
Et je me sens heureux et honteux à la fois
De la surprendre réciter à demi voix
Mes poèmes qu'à ceux des grands elle préfère.
Elle ignore la poésie, toutes ses lois ;
Cependant, chaque fois que je revois ma muse,
Vers mon âme éclairée je sens soudain que fuse
L'inspiration qui me fait si défaut parfois.
Et, lorsque ingénument elle me dit "bonjour",
Je voudrais demander pardon à Paul Verlaine
De me sentir imbu de l'impression certaine
De vivre le plus beau des poèmes d'amour.
Ma voisine
J’étais allé chercher le bonheur bien trop loin.
Il n’était pas reclus dans une tour antique.
Il ne dormait pas dans un palais fantastique.
Il ne se lamentait pas non plus dans un coin.
Il s’était seulement perdu
De l’autre côté de la rue
Et sa petite voix câline
Était celle de ma voisine.
Je m’étais toujours battu pour en conquérir,
Des bonheurs aux aspects divins et enchanteurs.
J’en avais trop souvent rencontré de menteurs
Et tous mes idéaux avaient cru en périr.
Mais le mien a une autre mine ;
Celui que j’ai tant attendu
Et que l’on m’a tant défendu
Vit dans les yeux de ma voisine.
Je ne l’avais jamais rencontrée, jamais vue.
Mais quand elle m’a dit "Vous êtes mon voisin?",
Souriant derrière son armée de fusains,
Il m’a semblé que je l’avais toujours connue.
Les départs que la vie dessine
Sont en songe bien douloureux
Car je suis à jamais heureux
Dans l’univers de ma voisine.
Mon ange
Tu étais tout mon paradis
Et maintenant l'enfer survient
Avec ses démons et ses chiens
Qui gardent ce monde maudit.
Pas de souci que cela change
Car le rêve est fini, mon ange.
Tu m'as conjugué au passé
Et l'univers vite bâti
Sur du sable s'est englouti.
Pardonne à deux coeurs enlacés
D'avoir fait des projets piteux
Sur un chêne aujourd'hui honteux
Qui garde les traces pénibles
D'un amour qui l'a pris pour cible.
Pardonne à l'espoir qui s'éteint
Et qui ne luira plus jamais
Dans l'aventure où tu m'aimais.
Et si je reste encore étreint
Par la vision de ton sourire,
Si j'ai voulu encore écrire,
Si ma mémoire te dérange,
C'est parce qu'au fond de ma nuit
Je combats l'angoisse et l'ennui
Car je ne t'oublie pas, mon ange.
Ouvre grand...
Ouvre grand tes yeux
L'amour est un mirage soudain
Ouvre grand tes oreilles
L'amour est un serment murmuré
Ouvre grand tes lèvres
L'amour est un baiser ardent
Ouvre grand ton cœur
L'amour est pressé d'y entrer
Pandore
A l'instar des statues, superbes de silence,
Stoïque sous le drap constellé de la nuit,
Tu sais braver le temps qui sans fin me poursuit
Et conjurer les sorts qu'un noir sorcier me lance.
Tu sais le cri du loup : sa plainte inconsolable
Déchirant le matin de son écho maudit.
Tu sais pourquoi le Paradis m'est interdit
Et combien le destin peut être misérable.
Tu sais le vagabond, dans son lit d'infortune,
Implorant de l'hiver un bienheureux redoux.
Tu sais qu'il faut tricher lorsqu'on n'a plus d'atout.
Tu sais vers quel point d'eau le vent pousse la dune.
Tu sais le pas léger de la pluie sur la feuille,
La fuite du soleil dans le bois sinueux,
La halte des soldats sur le chemin poudreux
Et l'enfant revenu que le village accueille.
Mais jamais ne dis mot... car semblable à Pandore,
Tu gardes ces secrets en tes lèvres liées,
Consciente des maux que sa boîte a livrés
Et garante du frêle espoir qui brûle encore.
Petite fille
Le monde t'a blessée et tu verses des larmes
Sur ce que tu as fait dans un moment d'erreur
Mais oublie les ennuis, le passé, le malheur
Et tu verras la vie déployer tous ses charmes.
Le destin s'est joué de ta triste innocence
Mais sache que l'amour que tu as désiré
Viendra lorsque l'ennui se sera retiré,
Laissant derrière lui une traînée de chance.
Je sais que ça fait mal d'avoir la peine au coeur.
Je sais ce que ça fait d'être soudain déçu
Mais oublie donc un peu ce que tu as reçu
Et sèche tes yeux clairs qu'enlaidissent les pleurs.
Tiens, prends donc ce mouchoir que je garde sur moi.
Il m'a été donné par une belle dame
Et, quand son souvenir fait sangloter mon âme,
Je sens comme sa joue en séchant mon émoi.
Et elle aussi, un jour, se trouvait ici même
A geindre vainement sur ce qui a été
Et à vouloir mourir par un beau jour d'été
Et je l'ai consolée en lui disant "je t'aime."
Souviens-toi
Souviens-toi
Petite fille
Tu étais si gentille
Tu étais si fragile
Au cœur de ce printemps
Que tu m'avais offert.
Souviens-toi
Mon ange
Tout ce que tu étais
Comment tu me hantais
Et combien je pleurais
Quand mon cœur t'adorait.
Souviens-toi
Mon amour
Quand tu pensais «jamais»
Quand tu disais «toujours»
Et combien je souffrais
Et comment je mentais.
Et souviens-toi
Ma belle
Combien tu fus cruelle
Pour notre amour entier
Qui s'est blotti en moi
Et ne peut t'oublier.
Sur la façade de mon coeur
Sur la façade de mon coeur,
Est peint à l'encre indélébile
Ton visage au regard moqueur
Qu'éclaire un sourire immobile.
A chaque paroi de mon coeur,
Mes mains ont pendu une montre
Arrêtée au moment vainqueur
Où j'ai pu faire ta rencontre.
De la fenêtre de mon coeur,
Je peux voir briller tes yeux d'ange,
Caresser tes accroche-coeurs,
Respirer ta fraîcheur d'orange.
Et, à la porte de mon coeur,
Il n'y a ni fleurs ni poème,
Pas plus d'espoir que de rancoeur,
Simplement ces trois mots : "je t'aime."
Tes yeux
Tes yeux sont deux îles désertes
Qu'une aube de mars m'a offertes
Lors d'un naufrage merveilleux,
Deux portes closes de ton mieux
Par un jour de grand vent ouvertes.
Tous les paysages inertes
Semblent aujourd'hui vivre, certes,
Dessous ces astres dans les cieux,
Tes yeux.
Et, au coeur de mes découvertes,
J'admire ces mondes alertes
Qu'irise un sourire insidieux,
Ces miroirs aux reflets curieux,
Douces perles aux lueurs vertes,
Tes yeux.
Ton sourire
Ton sourire offre au jour qui point son équilibre.
C’est le sextant qui guide à l’horizon tous les navires.
Contre vents et marées mon cœur chavire
Devant tes yeux vainqueurs et ton sourire.
Ton sourire est un champ de blé dessous la brise
Ondulant au poids des épis qu’octobre grise,
Un chant profond rompant un silence électrique
Qui lézarde les murs d’oubli aux teintes brique.
Ton sourire éveille les désirs et les délires.
Il éclaire d’un trait tous les masques de cire,
Chassant les vieux démons et les vampires
Terrorisés au ciel de ton sourire.
Ton sourire ouvre les cachots aux hommes libres.
Aux lèvres des manants telle une arme qui vibre,
Il tourne en dérision reines et tristes sires,
Ridicules pantins qui dans l’orgueil se mirent.
Ton sourire est l’île qu’on se plait à découvrir
Entre bonheurs passés et peines à venir.
Le parfum de la mer qui gronde ou se retire
Naît et s’évanouit au gré de ton sourire.
Ton sourire est une musique volatile
Qui court, résonne, fuit dans les rues de la ville.
Qui l’entend ne saurait pourtant la réécrire
Tant elle est impossible à saisir.
Sous la cendre des ans, sous le vent qui soupire,
Sous l’écorce des bois que l’hiver veut meurtrir,
Au-dessus des sentiers que le temps sait détruire,
Comme un astre éternel, sur moi luit ton sourire.
Yeux
Yeux tendres de l'amour et tristes de la peine,
Yeux pleins de toutes les menaces de la haine,
Yeux sereins de la vie et vitreux de la mort,
Yeux comblés de bonheur ou chargés de remords,
Éclairés par la joie, éteints de déceptions,
Noyés par les sanglots, attisés de passions,
Traîtres de mon présent, miroirs de mon passé,
Reflets des sentiments et tableaux des pensées,
Yeux de cette inconnue qui est loin aujourd'hui,
Qui n'a plus désiré que nous souffrions ensemble
Et qui n'a pas voulu que l'amour nous rassemble
Guident dans le brouillard l'aveugle que je suis.
Poète et correspondant de presse, Jean Iglesis est un passionné des mots, des images et de la poésie. Le cinéma, la littérature, la langue catalane qu'il a toujours étudiée et développée sont d'autres passions contingentes qui s'inscrivent dans sa démarche. La leçon de vie qui soutient sa poésie est que quels que soient les événements qui nous frappent, il nous convient de toujours garder la capacité qui nous a été tout naturellement léguée de nous étonner, de nous émouvoir et de nous émerveiller...