Création et information culturelle en Catalogne et... ailleurs.
En ce vendredi 24 octobre de douceur, la route monte vers le Canigou dépourvu de toute neige…Vers Vernet qui s'étire en ses ruelles, jusqu'à la rue Malraux, et le château, au bout…
Eugène Kouchkine et moi-même sommes reçus avec une urbanité qu'on ne pensait trouver qu'en ville (avec Rivages des Arts) : la montagne est belle et très courtoise, en effet, et Jean-François Gatte, le délégué à la culture nous accueillit avec art il en fut de même avec Sylvie Rodère, à l'office de Tourisme, où elle enregistra la conférence et nous régala d'un apéritif catalan...
Eugène parla avec précision et passion des voyages de Malraux en Urss. Le voyage à Vernet, avec Josette Clotis, fut abordé, mais j'espère revenir ici pour développer : écriture de L'Espoir, l'hôtel Alexandra…on verra, plus tard.
Plongeons dans le froid sibérien, alors que l'été de la Saint-martin (du Canigou) se poursuit dehors ! Malraux au pays des Soviets, cela se passa cinq fois : en 1929 avec Clara, en 31, continuant en Perse et en Chine…En 34, A.Malraux se rend au premier congrès des écrivains soviétiques dans l'Oural…Dans Lazare, il se souviendra de cette période…En 36, c'est avec son frère Roland, correspondant pour France-Soir, qu'il se rend à Moscou…
Enfin, en 68, il y va pour un voyage officiel car il est désormais ministre de la culture.
A la fin de sa vie Malraux disait : "Je ne crois plus un mot de ce que je croyais." Pourtant, il n'a cessé de se référer à la Russie, elle est son ancrage dans l'Histoire…
La russitude, il la doit à des amis, tels que Pasternak, Erhenbourg, Isaac Babel, Gorki, Kolzov (auteur d'un journal de guerre en Espagne), ou Boukharine…
Malraux fut compagnon de route des Communistes; comme romancier, il est plus nuancé; pour lui, il s'agit d'un régime qui repose sur le postulat : "La fin justifie les moyens".
Pour lui, la Russie n'est pas européenne; dans la Postface aux Conquérants qu’il publia en 1948, il lui apparut difficile de tenir sans malaise la Russie pour un pays d’Europe, mais tenir les Russes, comme l’ont fait de tout temps leurs adversaires, pour les Asiatiques, lui sembla dérisoire: « La Russie n’est ni en Europe, ni en Asie (elle est en Russie) [1] ». Il reconnaît qu’il y a en Russie ce qui se veut Sparte, qui s’intègre facilement à l’Occident, et ce qui se veut Byzance opposée par son dogmatisme oriental au dialogue des cultures. « La vraie raison pour laquelle la Russie n’est pas européenne, n’a rien à voir avec la géographie, - déclarait-t-il: c’est la volonté russe ».
Ainsi, "l'intellectuel a retrouvé sa solitude", et Malraux fut, après la guerre, traité de renégat, vilipendé par la gauche officielle en France et mis à l'index en URSS…
Avec le dégel et la détente des années 60, Malraux, ministre de De Gaule, reprit le contact avec le pays des Soviets… En 57, il revoit Erhenbourg à Paris; en 67, il organise à Paris une grande exposition consacrée à Matisse (grâce aux collections de L'Ermitage et du musée Pouchkine de Moscou); elle aura lieu en 70, mais Malraux n'est plus ministre…
Dans ses carnets de voyage en URSS (1937), il écrit : "A Moscou, ils ont tous les têtes des anges de Reims."
Ou "Le passé est toujours là, en Russie."