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SOURIRE en CAISSE
« Caissière - sourire »
C'est à l’épicerie du village voisin. Une chaîne, quoi. La nommerai pas. Mais j’y vais, des fois. Faire l’épicerie. Comme chacun, j’imagine.
Y’a là des caissières comme les autres, des femmes bien ordinaires.
Mais comme la chaîne est installée dans un village, ce sont des femmes ordinaires des villages alentours qui y travaillent.
Et parmi elles, ma « caissière sourire ».
Ça se passe à l’épicerie du village voisin, donc.
Il y a cette caissière discrète qui m’accueille depuis toujours avec le plus beau des sourires, qu’elle réinvente chaque fois pour qu’il ait cet air encore plus authentique.
Même si je suis ce type un peu sauvage qui n’a jamais l’air de vouloir trop parler.
À force, elle m’a gagné moi aussi: me suis mis à choisir sa caisse, chaque fois, même si ça voulait dire que j’attendrais plus longtemps dans la file.
Parce qu’un accueil vrai, ça vaut bien cent fois le temps qu’on perd devant les présentoirs de revues populaires.
Je lui ai même présenté ma Tamara,un jour. «Ah, c’est elle la caissière que t’aimes tant!»
Bin oui, exactement. C’est elle !!
Ça fait qu’un mercredi soir que je ramasse mon p’tit chariot pour faire les emplettes, avec ma plus jeune Tamaraille autour... elle est sur le plancher, tout près de l’entrée, à faire une des tâches qu’on ne remarque généralement pas.
Comme j’en ai pris l’habitude, je la salue, lui aligne quelques phrases sans aucun doute faciles – je fais ce que je peux, vous savez… Je parle de la saison, parle du temps qu’il fait, parle de ce dont on parle avec le monde qu’on connaît pas quand on n’a pas trop d’imagination pour ces affaires-là. Ce soir-là, je lui parle de Noël. Je lui demande des trucs du genre, si elle prévoit passer de belles fêtes. C’est là que ça coince.
Ma « caissière sourire », elle sourit pas. Je sens qu’elle va pas.
Je peux juste m’approcher. Qu’elle sache que je l’écouterai.
Même si je suis personne. Juste un client sourire, vous voyez ...
Et alors, peu à peu, je sais. Son père décédé quinze jours plus tôt. Sa mère décédée, il y des années auparavant, mais dont elle n’avait pu faire le deuil. Parce qu’elle était mal dans cette entreprise, coincée dans un couple qui faisait de sa vie un bordel....ou un truc mal viable , en tout cas !
Donc, pas de small talk, ce mercredi-là... pas de ça dont elle a besoin.
Alors on prend le temps, pour de vrai. De parler du temps qu’il faut pour bien faire son deuil. Pour défaire ses liens, aussi, quand ils vous attachent trop serrés.
Ma caissière préférée, a les yeux qui veulent pleurer, mais la bouche espère sourire, encore.
Et alors je sais que je suis exactement là où je dois être.
Je sais pas si je fais ce qu’il faut, mais j’essaie.
On s’est quittés dans le rayon des fruits avec des bons vœux pour les Fêtes, quand même. J’avais oublié mes sacs, comme d'hab'.
Dans mon panier, en partant, il y avait toutes sortes de coussins. Des pommes, du yogourt bulgare et d’autres affaires de même.
Une fois passée la caisse, Tam et moi on est retournés voir la caissière sourire qui s’affairait à l’entrée du corridor des employés.
Dans les grasses mains d'homme, un bouquet de fleurs d’épicerie.
J’ai embrassé ma caissière sourire. L’ai remerciée. Lui ai redit à quel point j’apprécie son travail. Lui ai dit que je penserai à elle dans les prochaines semaines.
Je crois qu'elle a pas compris tout de suite que les fleurs étaient pour elle.
G,più (GJ)
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Chemin des Dames
Je vois un pré sous le soleil
Et beaucoup de linge dessus
Un oiseau prend en son vol
Et j'ai le coeur broyé.
Là bas, regard éteint, Violaine rêve
Là-bas mon être veut courir et l'appeler
Là bas est restée ma vie.
Je vois une bergerie qui fume
Un enclos à l'heure de la traite
Et ma mémoire est ravinée
Pour un petit morceau de pain et d'huile.
Là-bas Anton Francesc bêche le jardin
Là-bas dansent les barques du port
Là-bas est restée ma vie.
Je vois l'école au grand tableau
J'entends crier nos voix d'enfants
Et les chansons de mon grand-père
Me donnent chair de poule.
Là-bas Fasgian traine un peu de bois
Là-bas j'entends le mas pleurer
Là-bas est restée ma vie.
Je vois l'église en hiver
Quelques tisons
La plaine gelée
Qui attend l'avril
J'entends le violon de Pascot
Le vent au ventre des pins
Là-bas est restée ma vie.
Le grand cerisier fleurit et sur les pentes
les bergers sifflent
Tant de moments de paix heureuse cloués dans ma peau,,,mes poumons et mon coeur.
Toujours là-bas retournent mes rêves et mes pas
Là-bas est restée ma vie.
Guy Jacquet.