Création et information culturelle en Catalogne et... ailleurs.
La naissance d'un journal constitue un événement très important, à l'heure où les médias de papier souffrent de la concurrence du numérique et d'internet, au moment où, dans le 66, la presse est en danger (achat de L'Indépendant par la famille Baylet, après avoir subi les fantaisies du Monde et de Sud-Ouest - Un "Petit journal" consacré aux faits divers - Un "Travailleur catalan" très peu diffusé- une "Semaine du Roussillon" insipide, décevante, ayant renoncé à son esprit critique, des organes de propagande inutiles, tels les mensuels de la mairie et du CG66…).
C'est pourquoi il faut saluer l'initiative courageuse de Fabrice Thomas, personnalité connue à Perpignan pour avoir lancé de nombreux journaux, de Terres Catalanes à Place à ragots, en passant par les sites de "Perpignan tout va bien" (critiquant surtout J.P.Alduy) et "C.politique (qui fait la satire du PS et du CG66).
F. Thomas est un journaliste rigoureux, patient, privilégiant l'enquête sérieuse, visant à l'objectivité et à un lecteur exigeant, qui ne redoute pas l'analyse longue et précise. La préface à "Crème catalane" revient sur ces valeurs et nous ne pouvons qu'acquiescer.
Cependant, beaucoup d'amertume demeure chez F.Thomas : il revient avec un portrait de JP.Alduy, après avoir écrit, naguère, un beau livre sarcastique sur ce politicien mégalo et mécano… En outre, il ne se remet pas de son passage par "L'accent catalan" socialiste; il est à présent, travaillant pour la mairie, (*) un peu handicapé pour critiquer J.Marc Pujol : d'ailleurs, la seule personnalité politique éreintée dans ce n°1 est Clotilde Ripoull, qui, pourtant, a pris du recul par rapport au monde politicien local… Cet hommage de la revue, en ouverture, signifie donc que cette jeune femme dérangeante est importante et indépendante, et elle est critiquée une seconde fois par l'invité de cette revue passionnante : Nicolas Caudeville, amer de n'avoir obtenu que la 17° place sur la liste Modem de l'animatrice de l'association "Equilibre"..!
C'est dommage d'entamer ce média agréable, en couleur, à la belle couverture pelliculée, par quelques phrases sur la dette de Perpignan : la situation économique de la ville méritait un dossier plus approfondi… On s'attendait d'ailleurs à plus de prospective : la situation des quartiers, la menace du FN (Louis Aliot est d'ailleurs épargné, Nicaudeville le présentant comme son "ami"…mais F.Thomas n'épargnant pas lui l'ami Nico, avec un portrait "dur", p.46 !)
Ce n°1 est tourné vers le passé (Alduy, l'enfance catalane de M. Valls, l'histoire de la place Arago), même si un reportage photo rappelle la manif pour Charlie (mais aucune analyse du phénomène et son impact ici)… Cependant, je dois remercier au passage FT de citer un de mes livres, page 84, sur les "Peintres en Catalogne, du local à l'universel")...
La revue, comme son titre l'indique, se tourne vers la gastronomie et la cuisine politicienne locale: une enquête costaude sur les restaus asiatiques est dirigée par Isabelle Goupil, et on est heureux de lire cette journaliste de talent, rejetée par Midi Libre, puis par L'Indép… Mais les autres sujets ressemblent à des pubs déguisées ; le Mas St-Pierre (qui défigure la perspective du mas Vermeil), les Rivesaltes ambrés ou le restau "Les ateliers", bien bruyant !!!
Sinon des commerces de luxe font leur pub et même la mairie de Perpignan (4° de couverture) ce qui met en doute la volonté d'objectivité du directeur de la publication…
Pour que les lecteurs répondent à son appel louable de participation, il faudra se montrer moins hargneux à l'égard de C. Ripoull (ou alors expliquer le contentieux, dresser un vrai portrait), se libérer des attaches municipales, expliquer la montée du FN dans les quartiers-ghettos, analyser les forces de "gauche" dans le département…
On attend aussi qu'une place soit faite aux arts et à la littérature : donner la parole à des peintres ou à des écrivains, afin de conférer plus de poésie et de fantaisie à ce nouveau média, que nous devons tous défendre, même s'il nous déçoit, parfois… Bon vent, bel avenir à Crème catalane !!!
J.P.B.
(*) Démenti ou précision sur ce point : F. Thomas n'est pas salarié de la mairie de Perpignan. Il a certes fait des piges pour la municipalité ou écrit des textes rémunérés pour des proches du maire actuel (UMP), mais cette activité ne remet pas en cause l'indépendance de ce journaliste qui se bat seul depuis plus de vingt ans...