Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Création et information culturelle en Catalogne et... ailleurs.

Canigou, montagne "sacrée" : questions à Joseph RIBAS, écrivain pyrénéiste

Joseph Ribas

Joseph Ribas

* Débat : à propos du CANIGOU, pourquoi montagne "sacrée"..?

Lettre à Joseph RIBAS, Canohès, le 17 mars 2015

Bonjour et merci de m'avoir répondu de façon si sympathique au téléphone.

C'est l'expression "Canigou, montagne sacrée" qui m'interroge : je voudrais en connaître les origines et les raisons… Formule venue des légendes anciennes, que vous abordez dans votre grand livre *, ou récupération par la religion et/ou le nationalisme catalan..?

Vous m'avez parlé du divin et du sacré, merci d'expliciter !

En ce qui me concerne, élevé dans le catholicisme (baptême, communions…à la Cathédrale Saint-Jean de Perpignan), mais athée, à présent (et depuis toujours, en fait), je suis assez choqué, sans être un laïcard intégriste, quand, une fois arrivé au sommet du CANIGO, je me trouve face à une crois (apportée par les ados de La Réal)…

Laïque, je comprends quand même qu'on ne peut supprimer tous les signes ostentatoires religieux qui hantent la République (et encore moins les oeuvres d'art religieuses !), mais ici, dans ce paysage naturel, je ne voudrais voir que la nature, la beauté naturelle, pas cet objet, sous-entendant que l'ascension a été un chemin de croix… Non, la montée fut dure, mais ce fut d'abord un plaisir !

Merci de me répondre. Bien à vous. JPB

* Canigou, montagne sacrée des Pyrénées, Loubatières, 1993, 1ère édition.

- - -

Canigou : Montagne sacrée des Pyrénées

A l'extrémité orientale des Pyrénées, dressé comme une vigie face à la mer, le Canigou exerça dès l'Antiquité une présence et un mystère tellement chargés de puissance et de fantastique qu'il inspira chez les peuples qui l'environnaient le sentiment du sacré.

On ne comprend pas autrement l'attrait de cette montagne, son pouvoir symbolique, l'espèce de dévotion qui l'entoure encore de nos jours. Peu de montagnes ont connu le destin singulier d'avoir été d'abord des lieux de vie, prospères et populeux, un patrimoine humain qui essaima si bien que chaque Catalan, qu'il soit de la plaine ou du littoral, peut se trouver une ascendance venue en droite ligne du Canigou.

Joseph Ribas fait revivre dans cet ouvrage l'épopée de cette montagne avec ceux qui l'ont peuplée, ceux qui l'ont conquise, ceux qui la pratiquent et ceux qui gèrent son avenir. Ce livre est à lui seul une petite bibliothèque. Il offre aujourd'hui la somme la plus importante d'informations érudites et pratiques. Livre de fierté régionale pour d'aucuns, il est surtout livre de référence pour tout amoureux de cette " montagne initiatique ", envoûtante et secrète.

Retour à l'accueil
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
O
Cher Monsieur Bonnel,<br /> <br /> Nous nous sommes croisés il y a quelques jours à l’occasion de la Sant Jordi à Perpignan, et j’ai reçu hier de Joseph Ribas une lettre qui m’a beaucoup touché et honoré, puisque mon livre "Démons et merveilles du Canigou" a eu l’heur de l’intéresser et de lui plaire. Je découvre ce matin un peu par hasard la question que vous lui posez, signe des temps, sur le « forum » public de votre blog, et je suis très curieux de lire la réponse qu’il vous enverra, s’il le juge utile. Car votre remarque sur la croix du sommet du Canigou est assez surprenante, et très instructive en même temps sur notre époque. Vous expliquez très clairement cette remarque, qui malgré tout m’étonne autant que le geste de tel membre de ma famille, baptisé comme vous et moi sur les fonts de quelque église catholique, et devenu si farouchement athée (et j’ajouterai « moderne ») qu’il crut bon de se faire rayer des listes des baptisés de cette église, comme si cela changeait quelque chose à ses certitudes d’aujourd’hui.<br /> <br /> Vous demandez un peu la même chose à l’échelle de la population et des touristes randonneurs de notre région : supprimer une croix dans un lieu dont vous voudriez jouir sans cette référence tant historique que culturelle et symbolique (et dont le symbolisme ne se réduit pas à celui du chemin de croix !). Si vous poussez la logique de votre désir personnel (ou de votre prudente interrogation) jusqu’au bout, pourquoi ne pas raser toutes les chapelles romanes ou d’époque plus récente qui s’élèvent aujourd’hui tout autour du Canigou ? Avez-vous oublié la réflexion de Sylvain Tesson, un athée je crois, qui n’en lit pas moins Péguy avec plaisir ; comme on lui demandait quels pays l’avaient marqué le plus de ceux qu’il avait traversés, il en évoqua trois, dont la France, à cause de la marque des hommes dans les paysages que la nature a donnée à ce pays : les églises et les cathédrales que Sylvain Tesson aima escalader comme les montagnes ajoutent à ses yeux de la beauté à la beauté, et créent un nouveau paysage dont il paraît incongru de vouloir qu’il fût différent.<br /> <br /> Ce n’est pas qu’une affaire de critère esthétique, car à ce compte en effet, la croix facile à démonter du Canigou ne vaut pas qu’on la compare avec Notre-Dame de Chartres ou même une petite chapelle très ancienne aussi discrète que Sainte-Marguerite aux Chartreuses-du-Boulou ou Saint-Martin près de Sant Feliu d’Avall (deux chapelles devenues des propriétés privées et auxquelles les propriétaires ont eu l’intelligence et le goût de laisser la marque de leur ancienne fonction). En repassant à pied la semaine dernière sur la crête frontalière, j’ai lu sur le portail de l’église de Saint-Laurent de Cerdans que la messe hebdomadaire se dirait dorénavant dans la chapelle du presbytère. Une personne du village m’a expliqué que la raison en était le nombre très réduit des « pratiquants » : il était devenu inutile d’ouvrir la grande église pour une si petite assemblée. Pourtant un jour viendra, j’en suis sûr, où l’on regardera les croyances et les histoires de la « vieille » religion catholique avec la même affectueuse nostalgie, avec le même sentiment d’enchantement innocent et dégagé des polémiques intellectuelles que celui qu’on peut avoir aujourd’hui pour les croyances et les cultes païens. A mon cœur, toutes ces créations de l’imaginaire ont le même charme, et je m’émeus autant devant la croix du Canigou que devant les croix gravées bien avant l’époque chrétienne sur les rochers et les mégalithes du massif. Pourquoi n’iriez-vous pas marteler aussi ces croix préhistoriques si vous faites enlever la croix du Canigou ? Les révolutionnaires révoltés par des siècles d’injustice avaient dans leur fureur la même justification intellectuelle quand ils ont martelé tous les visages des chapiteaux du cloître de Moissac ou rasé l’abbaye de Cluny.<br /> <br /> Teresa Rebull, qui vient de mourir, appartenait à une génération dont l’anticléricalisme et les souffrances autrement plus grandes que les nôtres n’empêchaient pas d’être attaché à la part de culture et de beauté symbolique des vieilles croyances communautaires. Si elle avait eu les interrogations qui sont les vôtres (et que notre actualité ou les thèses simplificatrices d’un Jean Soler et d’un Michel Onfray renforcent dans certains esprits), cette enfant de la Retirada ne serait pas venue sur mon invitation, il y a quelques années quand j’étais libraire à Céret, pour chanter les vieux chants de Noël catalans, ceux qu’elle avait si merveilleusement interprétés avec Serge Lladó pour Terra Nostra, et qu’elle chanta ce jour-là avec une énergie impressionnante, sa guitare et celle de Ramon Gual junior. La petite salle des fêtes de Céret était pleine, à cause de la notoriété de la grande dame de la chanson catalane bien sûr, mais pas seulement : ces chants traditionnels d’une beauté et d’un enjouement naïfs nous rattachent, au-delà des opinions personnelles, aux Anciens et à toute une histoire dont notre imaginaire et notre cœur ont besoin, pour que la vie et l’instruction qui nous ont été transmises aient un sens. Celui que chacun de nous voudra librement inventé, sans être gêné pour autant par les témoignages que les Anciens et l’Histoire ont laissés jusqu’aux sommets des montagnes. Plus personne ne croit aux démons qu’on imaginait au fond du lac du sommet du Canigou, la plus vieille légende catalane que la littérature écrite ait conservée. Pourtant je peux vous assurer que le public d’aujourd’hui, quel que soit son âge, est toujours enchanté que je raconte cette histoire...<br /> <br /> Deu vos guard.<br /> <br /> Olivier Rimbault<br /> <br /> Perpignan, le 27 avril 2015.
Répondre