Création et information culturelle en Catalogne et... ailleurs.
Dans Rodez sous la pluie, depuis Decazeville sous les brumes cachant les terrils de charbon, le musée Soulages est une autre nuit… Talismanique ? écrirait René Char… Non, un musée aux vastes salles plongées dans la pénombre, à la scénographie épurée, aux nuances de noir, avec des percées d'outremer avant la plongée dans l'outre-noir...
Le labyrinthe à suivre est mal renseigné : le promeneur débouche dans des espaces sombres ou dans le haut lieu consacré aux vitraux de l'abbatiale de Conques : il s'agit de voir sur place les variations de la lumière, les vibrations du verre enserré dans la pierre, car ici les colorations sont plates, la vue est terne, même si un mouvement de vagues est impulsé par l'orientation des traits...
Dans le labyrinthe de basalte, je n'y vois rien; un gardien vient me parler et m'aider à enlever le flash de mon appareil qui risquerait, avec des milliers d'autres, d'absorber les couleurs de la peinture...Black is black, je n'y vois rien, que je lui dis, tout est noir ici...Peinture nègre ! Et je remarque alors que mon sympathique interlocuteur est ...d'ébène !
Cartels et explications sont minimales, le promeneur passe de l'oeuvre gravée à l'oeuvre peint, des brous de noix aux grands formats de boue de noir : tableaux striés comme des réglisses…
Je voudrais croquer dans la toile sans cadre ! J'adore la réglisse, pas trop le peintre de Rodez…Comment arriver à une telle notoriété mondiale..?
En tout cas, c'est une aubaine pour la ville qui renaît, s'embellit : 276 000 visiteurs depuis un an, le vernissage hollandais ! A présent, une salle sera dévolue à un artiste contemporain, et c'est Soulages qui décide ! Ou son épouse Colette, qui régente !
Ce sera Claude Lévêque, le premier invité, qui va travailler les lieux : il "sort du cadre" pour intervenir dans trois espaces urbains. Il déclare : "le musée Soulages n'est pas un lieu de mémoire, son espace d'exposition temporaire est un white cube classique, un espace neutre…" : un cube blanc pour contraster avec l'ombrageux Soulages..?
Je poursuis ma déambulation dans ce musée planté dans les jardins du Foirail réhabilité : cette succession de cubes de verres et d'acier, conçue par les architectes catalans de Narbonne, se veut lieu de "découverte des techniques et des ressorts de la création artistique"; en effet, on nous expliquee les lithos, les eaux-fortes, les sérigraphies, le vitrail… Mais l'art original, l'abstraction noire de Soulages, je ne les ressens pas…Je perçois la tentative de créer un alphabet personnel, s'insérant des calligraphies orientales…
Les toiles sont épaisses, grattées, écorchées, d'où une fuyante éclaircie s'échappe, blanche, bleue ou orangée, de temps en temps, à travers le travail des brosses et des couteaux… J'aime ces éclairs de lumière dans l'angoisse de cette peinture : écriture ou architecture, plutôt...
J.P.Bonnel
* à suivre… Artaud de Rodez, Machado à Decaze…Perpigan "ville obscurantiste" (la semaine sainte, le voyeurisme, l'obscénité de la Sanch, l'ami Jean-Pierre… en couverture de le revue Terres catalanes…Nous sommes nés le même jour, le même mois, la même année à Perpignan, mais...voici deux philosophies bien différentes…)