Création et information culturelle en Catalogne et... ailleurs.
Mercredi 21 octobre 2015, la tramontane souffle ses colères froides sur ce territoire plat. C'est la plaine, l'horizontalité. Pays minéral, ocre, tout près de la chaîne des Corbières. De l'autre côté, bien loin pour un prisonnier, la frontière de la mer.
21 octobre, les quotidiens annoncent en couverture l'ouverture du Mémorial au grand public…après la venue des élus polémiquant pour une invitation, pour se montrer…alors qu'ils ont été tenus en laisse pour que les médias se concentrent sur la petite cour du premier ministre…
Le vent tente de faire fuir les sédiments de la mémoire accumulés dans ce désert, où ne poussent que brins d'alfa, cairns de rocailles, mais d'où ont émergé récemment des monstres éoliens et une zone industrielle qui a mangé une partie du camp militaire.
L'armée a vendu une partie de ce territoire de honte et de souffrance. La ville de Rivesaltes a installé un ghetto artisanal à la lisière de l'autoroute.
Se rendre au Mémorial, c'est jouer au labyrinthe...
Pas de panneaux, pas de fléchage... Je n'ai plus reconnu les sentiers, les pistes : barrages, chemins barrés, l'armée est revenue ici, car on a enterré une énorme réserve d'armes et de munitions, la plus grande du front méditerranéen. Là se trouve une tombe explosive et c'est occulté, comme pas mal de choses en ce territoire de souffrances passées et présentes…
A côté, la tombe de la mémoire coulée dans le béton, une sorte de mausolée des mémoires que tous ont ici, en Catalogne et en France, oublié : la collaboration des rouages de l'Etat (fonctionnaires, ouvriers, élites…) avec les Nazis a été exemplaire...
Les élus, les responsables de ce pays de tourisme pléthorique (on va, désormais, bénéficier de retombées économiques grâce aux lieux de mémoire !) n'ont, bien sûr, rien dit : "On ne savait pas !"
Il a fallu attendre 1978, Serge Klarsfeld publiant le premier la liste des Juifs morts et déportés.
On n'a pas encore tout dit ! A la place de ce coûteux monument (au sens de "souvenir"), on aurait pu rendre hommage et raviver les mémoires autour des baraquements - à préserver, tout de même !- invitant toutes les communautés à réfléchir pour organiser expos et événements autour de ces prisons, de ces maigres refuges griffés par les vents mauvais de l'Histoire et de la météorologie...
On n'a pas tout dit : la mort de cette centaine de soldats allemands (nazis ?) morts de faim (?) dans le camp, à la libération de Perpignan : les "Résistants" chargés de les garder et de leur donner à manger se sont gardé l'argent de la nourriture…Les corps seraient dans un cimetière (un témoignage me dit "dans une fosse commune"? De toute manière, les cendres ont été ramenées en allemagne il y a quelques années). On peut vouloir fusiller des fascistes mais ne pas utiliser leurs propres méthodes dans les camps d'extermination...
J'ai visité le Mémorial lundi, avec les associations (harkis, juifs…moi avec l'assoc. Walter Benjamin, sise à Banyuls) : tout était bien réglé, organisé…
J'ai fait la connaissance de la directrice, Agnès Sajeloli, pour lui demander d'exposer mon livre sur WB à la librairie du vaste hall d'entrée. Elle m'a répondu que c'était Roger Coste (librairie Torcatis) qui s'occupait des commandes... Celui-ci me dit le lendemain qu'il n'en est rien; il a simplement fait des popositions de livres à exposer...
J'ai aussi fait la connaissance du nouveau et sympathique directeur de la culture à la Région, Philippe Mille : "Vous voulez être invité à la Comédie du Livre..?" Oui, bien sûr, des contacts, à suivre... Ici, on aime les gens de parole...
JPB