Création et information culturelle en Catalogne et... ailleurs.
Lieux de mémoire en Catalogne (2) :
(suite de Mémorial de Rivesaltes, Estivales de Perpignan...)
Ces débats, libres et ouverts au plus large public, permettront de s’interroger sur la permanence, en Catalogne, d’un patrimoine témoin de la guerre, de la douleur et de la haine, durant les années tragiques 1939/45.
Il est donc grand temps de dresser un état des …lieux de la mémoire ! Des initiatives, venues des deux côtés de la frontière, sont à signaler et à encourager. Elles sont tout à fait bienvenues, en Catalogne et ici, en Roussillon, dans un département traumatisé par les séquelles de la guerre civile espagnole (la Retirade, l’exil de Machado, le poète républicain, les camps de la honte…) et de l’occupation de la France par le fascisme et l’antisémitisme (le camp de « rétention » de Rivesaltes, le « suicide » de Benjamin, philosophe juif allemand, à la frontière, l’emprisonnement du « communiste » Aub au camp du Vernet d’Ariège). Elle s’inscrit aussi dans les projets européens actuels de préservation de ces lieux, où, au vingtième siècle, le tragique et le racisme se sont installés.
Musées de l’exil : La Junquera et Port-Bou (Fondation Walter Benjamin)- Ainsi des crédits sont débloqués, en Catalogne, afin de construire, à La Junquera, juste à la frontière (il faudra s’interroger un jour sérieusement sur cette notion et cette réalité en Catalogne ; c’est ce que fait, mais à l’échelle mondialiste, le Festival de Radio-France, à Montpellier, cet été) un musée consacré à l’exil : ce bâtiment, dont le budget est de 2,36 millions d’euros, sera ouvert à l’été 2004. De même, à Port-Bou la Fondation internationale Walter Benjamin a contacté l’architecte Norman Foster, mondialement connu, afin d’aménager le vieil hôtel où mourut l’intellectuel apatride : Foster a visité la ville-frontière de Port-Bou et s’est engagé à proposer un aménagement de l’hostal Fonda Francia, rue de la mer, pour qu’elle devienne le siège de la Fondation W.Benjamin, abritée depuis sa création dans un local municipal très modeste, non loin du port.
La Fondation Max AUB de SEGORBE (province de Valence- comarca de Alto Palancia), la ville natale de Max Aub, créa la fondation en 1988 : à la session extraordinaire du 11 novembre, le conseil municipal, avec l’avis unanime de tous les partis politiques, vota l’acquisition de la bibliothèque et des archives personnelles de l’écrivain ; c’était l’enfant du pays, mais là n’était pas l’unique motivation de la municipalité : Aub est désormais reconnu comme un grand écrivain et un défenseur de a démocratie, en Espagne comme dans le monde. La fondation conserve ainsi l’abondante correspondance de M.Aub avec Buñuel, José Bergamin, Vicente Alexandre, Rafael Alberti, Gabriel Celaya, Blas de Otero, Octavio Paz, Ramon Sander , Jorge Guillen et nombre de personnalités européennes ou mexicaines (Aub vécut la fin de sa vie en exil au Mexique). La bibliothèque, inaugurée le 31 mai 1997, est estimée à dix mille volumes et qualifiée d’humaniste : en elle se projettent sa vie, ses idées, son monde intérieur ; elle contient surtout la littérature espagnole de la guerre civile et de l’exil, ainsi que les auteurs latino-américains.
L’objet de la Fondation est la sauvegarde et la diffusion des œuvres de M.Aub, à travers des traductions, colloques, conférences, concours et publications littéraires, ainsi que par l’intermédiaire de productions théâtrales, musicales ou cinématographiques ; il s’agit surtout d’éditer et de rééditer la centaine d’œuvres écrites, romans, biographies, souvenirs, aphorismes, pièces de théâtre…de cet écrivain prolifique et encore si peu publié en France.
C’est la famille de Max Aub qui perpétue sa mémoire, sa fille Elena, surtout, épaulée par le Ministère de la Culture espagnole et les Institutions régionales : Generalitat Valenciana, Diputacion de Valencia, Ayuntamiento de Segorbe…(contact :Jaime Faus, s/n, 12400, Segorbe –Castellon- Apdo.Correos 111-Fax : 964.71.38.66.77. ou www.maxaub.org)
La Fondation MACHADO de Collioure est née en 1977 afin de perpétuer le souvenir de l’œuvre et de la pensée du poète-philosophe et de susciter des recherches et des travaux sur l’homme et ses écrits. A l’initiative de cette association, aidée et abritée (car la Fondation, qui n’a toujours pas de murs, est virtuelle) par la mairie de Collioure, se trouvaient le sculpteur Manolo Valiente (décédé en 1991), le pète Antonio Gardo, les professeurs Monica Alonso (Université de Barcelone), Jacques Issorel (Université de Perpignan), Miguel Hernandez (longtemps Secrétaire général) et Paul Combeau (Trésorier).
La première action de la Fondation a été de créer un prix littéraire, décerné tous les deux ans, à la date anniversaire de la mort d’A.Machado : le 22 février 1939.
(Voir le portrait du poète dans La Semaine des 21 et 28 février 2002).
A cette occasion, des lectures de poèmes, des spectacles de musiques, de danses et des expositions sont organisés pour commémorer la mémoire de poète et de sa mère Anna Ruiz, morts tous deux à quelques jours d’intervalles, dans la Maison Quintana. On peut citer deux grands moments machadiens à Collioure : en 1985, le « train de la Poésie », après un circuit par les villes où vécut Machado, s’arrêtait dans le petit port catalan ; une manifestation symbolique dédiée aux « poètes du sacrifice », selon l’expression de Rafael Alberti, célébra Lorca, Miguel Hernandez et Antonio Machado. En 199, un congrès international « Sesento Anos después », accueilla de nombreux intellectuels, dont l’écrivain Vasquez Montalban. Parmi les lauréats du prix international, citons Bernard Sésé, Georges Colomer, Narcisso Alba, Alberto Szpunberg et Javier Pérez Bazo. Espérons que la Fondation, dont le Président d’Honneur est Michel Moly, maire de Collioure, trouvera rapidement un refuge et que grâce à des crédits européens, la municipalité pourra acquérir la « Casa Quintana », le seul lieu digne d’accueillir la « mémoire du futur » d’Antonio Machado…(Mairie de Collioure, ou www.collioure.net/fondation.asp)
Les Amitiés internationales André MALRAUX - Etant donné que Malraux, en raison de ses divers engagements (compagnon de route des communistes, puis ministre gaulliste), est un personnage « récupérable » par toutes les idéologies, cette association se veut apolitique ; son but est d’honorer la mémoire d’une figure essentielle du XXème siècles, dans les domaines culturels et littéraires ; elle se propose d’être un lien entre les lecteurs et les spécialistes. Les AIAM, association régie par la loi de 1901, créées en 1998 par Pierre Coureux, né à Perpignan et depuis longtemps « Catalan de Paris », organisent des tables rondes, conférences, rencontres sur tous les aspects de la vie culturelle et projettent des films réalisées sur la vie et l’œuvre de Malraux. L’association participe à de nombreux travaux, par l’intermédiaire de ses adhérents et correspondants européens, sur le statut de l’intellectuel dans la société contemporaine ; elle publie ainsi chaque année une revue « Présence d’A. Malraux » (7 euros, librairies et Maison de la Presse de Perpignan), faisant le bilan de ces débats et dont le responsable est le professeur Henri Godard, éditeur des œuvres de Malraux, Giono et Céline dans La Pléiade-Gallimard. Le comité scientifique est formé d’une centaine de personnalités, universitaires, artistes, écrivains, galeristes, dont Jorge Semprun, Maurice Schumann, Pierre Mauroy, Paul Nothomb, Dina Vierny, Jean Lescure, Antoine Terrasse, Michel Le Bris,, , Edmonde Charles-Roux, Jean D’Ormesson, Jean Grosjean, André Brincourt, P. de Boisdeffre, Christiane Desroche-Noblecourt, Edouardo Arroyo, Geneviève de Gaulle Anthonioz (ces deux derniers, récemment décédés)…Les Amitiés A.Malraux ont organisé, il y a deux ans, à Perpignan, avec le CML, un colloque sur A.Malraux (avec la participation, entre autres, du journaliste Olivier Todd, biographe de Malraux et de Mme Elvira Farreras, secrétaire de l’écrivain durant la guerre d’Espagne) A Valmy et au Couvent des Minimes, l’association fera entendre les voix de son Secrétaire-Fondateur Pierre Coureux et de Gérard Malgat, traducteur, chercheur en littérature et spécialiste des rapports Malraux-Max Aub. (Les AIAM-72, rue Vauvenargues, 75018, Paris- HYPERLINK "http://www.pierre.coureux@aol.com" www.pierre.coureux@aol.com )
La mémoire d’Elisabeth Eidenbenz, au Château d’En Bardou – On suggère enfin d’inviter un responsable de ce lieu de la campagne illibérienne, qui fut une maternité d’indésirables, dirigée par une institutrice suisse, durant la seconde guerre mondiale ; en 2005, ce château pourrait devenir un lieu officiel de la mémoire d’Elne et des camps de concentration voisins : en effet, accouchèrent là les femmes exclues, exilées, des camps d’Argelès ou de St-Cyprien, et six cents enfants « de nulle part », regroupés à présent dans l’association « Helen’Arts », présidée par François Charpentier. La mairie d’Elne, dirigée par Nicolas Garcia, désire acheter cette ancienne demeure de la famille Bardou-Job et en faire un lieu de mémoire, d’expositions et de réflexion. Il ne manque que deux millions d’euros ! Alors, mécènes ou simples anonymes, soyez généreux, et, surtout, n’ayez pas…la mémoire courte !
J.P.Bonnel (blog 2003)