Création et information culturelle en Catalogne et... ailleurs.
* Portraits de femmes :
Elle... (Loulou – La garçonne)
Elle entrouvre les yeux, efface de son cou
Les baisers oubliés d'un dernier rendez-vous.
Elle quitte son lit, mis sens dessus-dessous,
Et rejoint un miroir qui lui redira tout.
Elle éclaire ses yeux, sourit, puis fait la moue,
Gomme d'un rien de fard dix années sur ses joues,
Arrache un blanc cheveu qui luttait vent-debout
Et narguait sa beauté, mortelle malgré tout.
Elle voile ses yeux d'un regret à cent sous,
Feint d'aimer à jamais, toujours d'un amour fou.
Elle cherche en son cœur les serments un peu flous
De ceux qui l'ont chérie et lui ont repris tout.
Elle ferme les yeux, s'endort d'un sommeil doux,
Ses rêves dominant des jours mis bout-à-bout.
Elle rit aux bonheurs, façonnés à son goût,
De ceux qu'elle a perdus, lesquels ont perdu tout...
Elle
A la chevelure insoumise,
Aux yeux donnant sur la tendresse,
Aux lèvres gercées par l'hiver...
Elle
Dont les paroles sont autant de rayons de soleil
Que les silences sont des jours de pluie...
Elle
Qui sourit à ma venue
Et sanglote à mon départ...
Elle
Qui est à chaque jour présente à mes côtés
Pour me faire oublier les tourments de la vie...
Femme
Longtemps, j'ai erré sur les rives de l'ennui.
Longtemps, j'ai crié ton nom aux vents du hasard.
Je t'ai appelée dans les matins froids.
Je t'ai appelée dans les soirs fiévreux,
Femme.
J'ai rencontré des sirènes qui chantaient comme toi.
J'ai connu des amours qui aimaient comme toi.
J'ai contemplé des feux qui se consumaient comme toi.
J'ai cru en des mensonges qui auraient pu être les tiens,
Femme.
Dans ma quête sans fin, j'avais foi en ta découverte.
J'aurais tout renié pour pouvoir étreindre ta main.
Je me serais tu à jamais pour pouvoir t'entendre.
Je serais devenu aveugle pour t'avoir comme canne ou comme chien,
Femme.
Je t'ai donné le visage d'une de ces madones qui peuplent les églises et qui éclairent le cœur des manants de leur seule présence.
Je t'ai donné la voix de la mère qui chante pour apaiser l'enfant qui a peur de s'endormir.
Je t'ai donné le pas de l'étrangère qui passe dans l'indifférence et que l'on reconnaît soudain, au détour d'un éclat de rire. retrouvée, redécouverte, ressuscitée.
Je t'ai donné le parfum qu'ont au printemps les prés, bénis et rebaptisés par la rosée du matin,
Femme.
Au cri du mot amour,
J'ai accroché ton sourire dans mon ciel sans astre
Pour le meilleur des soirs de noces
Et pour le pire des jours sans pain,
Femme.
Je t'aime pour tes yeux...
Je t'aime pour tes yeux, pareils à des miroirs
Dans lesquels j'entrevois mon image docile.
Ton amour me pétrit comme on pétrit l'argile
Et me rend plus heureux, meilleur au fil des soirs.
Je t'aime pour tes yeux, tels deux lumières vives
Qui guident mon navire en cette obscurité
Où je confonds sans fin mensonge et vérité...
Quand tes bras suppliants ressemblent à des rives.
Je t'aime pour tes yeux, creusant au fond de moi
Pour extraire au grand jour l'homme que tu passionnes,
Mélancolique amant qui souffrit des automnes,
Ces automnes fiévreux où je cherchais ta voix.
Je t'aime pour tes yeux, impalpables délices
Que je n'échangerais pas pour d'autres trésors
Et que je sens, posés sur moi, lorsque je dors,
Rêvant à des pays emplis d'ambre et d'épices.
Je t'aime pour tes yeux, saphirs fins et sacrés,
Luisant de tous leurs feux au midi de ma route,
Tandis qu'un vent nouveau vient abolir le doute
D'abandonner ce port où tes yeux sont ancrés.
La captive
Longtemps, je vous ai vue, altière, inaccessible,
Bravant les mécréants de la plus haute tour,
Égrenant les baisers, donnés jour après jour
Aux lèvres d'un printemps qui me prenait pour cible.
J'étais le fier gardien dont la ronde insensible
Foulait sans s'émouvoir le trèfle de la cour.
A mon devoir soumis, je guettais alentour
Les murmures naissant d'une armée invisible.
Les merles, captivés par vos chants inaudibles,
Rivalisaient de leurs couleurs, de leurs discours,
Portant au bois secret l'éclat de vos atours,
Rais de lumière offerts aux chênes impassibles.
Combien d'heures, peuplées d'un silence terrible,
Vous ai-je devinée, heureuse en contre-jour ?...
Levant malgré la loi le front vers cette tour
Où vous rêviez, victime d'un sort intangible.
La rêveuse
Lors tu rêvais, et s’esquissaient sur ton visage
Les pins d’Alep veillant les étangs apaisés,
Le tremblement des joncs, par le vent épuisés,
Que ponctuait l’envol soudain d’une oie sauvage.
Un rictus incongru perdit ce paysage...
Les branchages brisant sous les pas empressés
Des chasseurs, haletant sous les fusils dressés,
Ont fait fuir jusqu’au souvenir de ton passage.
Ce monde médiéval craignait l’ombreux présage
De ton retour, sorcière aux poings et pieds blessés,
Et s’il gardait toujours les volets abaissés,
Il montait le bûcher, ce jour, à grand tapage.
Tu quittais cependant cet hostile bocage,
Prenant d’un geai les traits... Et tes cris offensés
Déchiraient le linceul de charmes insensés,
Tandis qu’un long soupir parcourait ton corsage.
Le nouvel amour
Mon cœur vient de ressusciter.
Lui qu'on avait réduit en cendres,
Il est prêt à ré-exister
Pour ne plus pouvoir me défendre.
Mon cœur qui errait dans les rues
A quitté le profond sommeil
D'une existence sans soleil
En rencontrant une inconnue.
Mon cœur, tel que par le passé,
Est à nouveau prêt à souffrir
Pour un sanglot qu'on a versé
Ou pour ne guetter qu'un soupir.
Il attend à nouveau l'orage
Qui va éteindre ma passion
Ou qui va chasser la vision
Qu'il a d'un amour sans nuage.
Il croit encore en ces promesses
Qui l'ont jadis martyrisé
Et tisse mille et une tresses
Avec des mots qui l'ont brisé.
Il croit voir la vie belle et tendre
Et se fait fort de tout comprendre
Depuis que le printemps est né
Dans son univers malmené.
Malgré tout, je me sens heureux
De vouloir embrasser la vie,
Même si demain me ravit
Celle dont je suis amoureux.
Ma femme
Ma femme
Aux traits polis comme la pierre,
Aux yeux verts légués par sa mère.
Ma femme
Si douce et sauvage à la fois,
Qui m'aime sans savoir pourquoi.
Ma femme
Qui sait si tendrement sourire
Et voit quand je ne peux rien dire.
Ma femme
Qui a depuis longtemps compris
Que ce qu'elle m'offre est sans prix.
Ma femme
Que je découvre chaque jour
Comme voilée par un mystère
Même quand je sais que l'amour
La rend démunie et sincère.
Ma muse
Elle n'est pas issue de la lignée des dieux.
Elle n'est pas non plus un ange aux tendres ailes.
Ses paroles, lèvres et joues sont bien réelles
Et je vais rechercher tous mes vers en ses yeux.
Elle n'a jamais lu Guillaume Apollinaire
Et je me sens heureux et honteux à la fois
De la surprendre réciter à demi voix
Mes poèmes qu'à ceux des grands elle préfère.
Elle ignore la poésie, toutes ses lois ;
Cependant, chaque fois que je revois ma muse,
Vers mon âme éclairée je sens soudain que fuse
L'inspiration qui me fait si défaut parfois.
Et, lorsque ingénument elle me dit "bonjour",
Je voudrais demander pardon à Paul Verlaine
De me sentir imbu de l'impression certaine
De vivre le plus beau des poèmes d'amour.
Mon ange
Tu étais tout mon paradis
Et maintenant l'enfer survient
Avec ses démons et ses chiens
Qui gardent ce monde maudit.
Pas de souci que cela change
Car le rêve est fini, mon ange.
Tu m'as conjugué au passé
Et l'univers vite bâti
Sur du sable s'est englouti.
Pardonne à deux coeurs enlacés
D'avoir fait des projets piteux
Sur un chêne aujourd'hui honteux
Qui garde les traces pénibles
D'un amour qui l'a pris pour cible.
Pardonne à l'espoir qui s'éteint
Et qui ne luira plus jamais
Dans l'aventure où tu m'aimais.
Et si je reste encore étreint
Par la vision de ton sourire,
Si j'ai voulu encore écrire,
Si ma mémoire te dérange,
C'est parce qu'au fond de ma nuit
Je combats l'angoisse et l'ennui
Car je ne t'oublie pas, mon ange.
Ouvre grand...
Ouvre grand tes yeux
L'amour est un mirage soudain
Ouvre grand tes oreilles
L'amour est un serment murmuré
Ouvre grand tes lèvres
L'amour est un baiser ardent
Ouvre grand ton cœur
L'amour est pressé d'y entrer
Sur la façade de mon coeur
Sur la façade de mon coeur,
Est peint à l'encre indélébile
Ton visage au regard moqueur
Qu'éclaire un sourire immobile.
A chaque paroi de mon coeur,
Mes mains ont pendu une montre
Arrêtée au moment vainqueur
Où j'ai pu faire ta rencontre.
De la fenêtre de mon coeur,
Je peux voir briller tes yeux d'ange,
Caresser tes accroche-coeurs,
Respirer ta fraîcheur d'orange.
Et, à la porte de mon coeur,
Il n'y a ni fleurs ni poème,
Pas plus d'espoir que de rancoeur,
Simplement ces trois mots : "je t'aime."
Tes yeux
Tes yeux sont deux îles désertes
Qu'une aube de mars m'a offertes
Lors d'un naufrage merveilleux,
Deux portes closes de ton mieux
Par un jour de grand vent ouvertes.
Tous les paysages inertes
Semblent aujourd'hui vivre, certes,
Dessous ces astres dans les cieux,
Tes yeux.
Et, au coeur de mes découvertes,
J'admire ces mondes alertes
Qu'irise un sourire insidieux,
Ces miroirs aux reflets curieux,
Douces perles aux lueurs vertes,
Tes yeux.
Ton sourire
Ton sourire offre au jour qui point son équilibre.
C’est le sextant qui guide à l’horizon tous les navires.
Contre vents et marées mon cœur chavire
Devant tes yeux vainqueurs et ton sourire.
Ton sourire est un champ de blé dessous la brise
Ondulant au poids des épis qu’octobre grise,
Un chant profond rompant un silence électrique
Qui lézarde les murs d’oubli aux teintes brique.
Ton sourire éveille les désirs et les délires.
Il éclaire d’un trait tous les masques de cire,
Chassant les vieux démons et les vampires
Terrorisés au ciel de ton sourire.
Ton sourire ouvre les cachots aux hommes libres.
Aux lèvres des manants telle une arme qui vibre,
Il tourne en dérision reines et tristes sires,
Ridicules pantins qui dans l’orgueil se mirent.
Ton sourire est l’île qu’on se plait à découvrir
Entre bonheurs passés et peines à venir.
Le parfum de la mer qui gronde ou se retire
Naît et s’évanouit au gré de ton sourire.
Ton sourire est une musique volatile
Qui court, résonne, fuit dans les rues de la ville.
Qui l’entend ne saurait pourtant la réécrire
Tant elle est impossible à saisir.
Sous la cendre des ans, sous le vent qui soupire,
Sous l’écorce des bois que l’hiver veut meurtrir,
Au-dessus des sentiers que le temps sait détruire,
Comme un astre éternel, sur moi luit ton sourire.
Yeux
Yeux tendres de l'amour et tristes de la peine,
Yeux pleins de toutes les menaces de la haine,
Yeux sereins de la vie et vitreux de la mort,
Yeux comblés de bonheur ou chargés de remords,
Éclairés par la joie, éteints de déceptions,
Noyés par les sanglots, attisés de passions,
Traîtres de mon présent, miroirs de mon passé,
Reflets des sentiments et tableaux des pensées,
Yeux de cette inconnue qui est loin aujourd'hui,
Qui n'a plus désiré que nous souffrions ensemble
Et qui n'a pas voulu que l'amour nous rassemble
Guident dans le brouillard l'aveugle que je suis.
Poète et correspondant de presse, Jean Iglesis est un passionné des mots, des images et de la poésie. Le cinéma, la littérature, la langue catalane qu'il a toujours étudiée et développée sont d'autres passions contingentes qui s'inscrivent dans sa démarche. La leçon de vie qui soutient sa poésie est que quels que soient les événements qui nous frappent, il nous convient de toujours garder la capacité qui nous a été tout naturellement léguée de nous étonner, de nous émouvoir et de nous émerveiller...