Création et information culturelle en Catalogne et... ailleurs.
Textes pour la paix, la solidarité...proposés par le poète Jean IGLESIS
* Une façon de refuser la candidate de la haine, du mensonge, de la rumeur, de la xénophobie...
* L'estaca (Lluís Llach – 1968)
I
L'avi Siset em parlava
De bon matí al portal,
Mentres el sol esperàvem
I els carros vèiem passar.
Siset, que no veus l'estaca
A on estem tots lligats ?
Si no podem desfer-nos-en
Mai no podrem caminar !
Refrany :
Si estirem tots, ella caurà
I molt de temps no pot durar !
Segur que tomba, tomba, tomba !
Ben corcada deu ser ja !
Si tu l'estires fort per aquí
I jo l'estiro fort per allà,
Segur que tomba, tomba, tomba
I ens podrem alliberar.
II
Però, Siset, fa molt temps ja…
Les mans se'm van escorxant,
I quan la força se me'n va
Ella és més ampla i més gran.
Ben cert sé que està podrida
Però és que, Siset, costa tant
Que a cops la força m'oblida.
Torna'm a dir el teu cant.
Refrany….
III
L'avi Siset ja no diu res,
Mal vent que se l'emportà,
Ell qui sap cap a quin indret
I jo a sota el portal.
I mentre passen els nous vailets
Estiro el coll per cantar
El darrer cant d'en Siset,
El darrer que em va ensenyar
Refrany….
Le pieu (Traduction)
I
Grand-père Siset m’en parlait
De bon matin sous le porche
Tandis que nous attendions le soleil
Tout en regardant passer les charriots.
Siset, ne vois-tu pas le pieu
Auquel nous sommes tous attachés?
Si nous ne pouvons nous en défaire
Jamais nous ne pourrons avancer…
Refrain :
Si nous tirons tous, il tombera.
Cela ne peut durer longtemps.
C'est sûr qu'il tombera, tombera, tombera…
Il doit être déjà bien vermoulu.
Si tu le tires fort de ton côté
Et si je le tire aussi fort du mien
C'est sûr qu'il tombera, tombera, tombera
Et nous pourrons nous en libérer.
II
Mais Siset, cela fait déjà pas mal de temps…
Mes mains s’écorchent chaque jour davantage
Et tandis que la force m’abandonne,
Ce pieu devient aussi grand que fort.
Je sais bien qu’il est pourri
Mais Siset, c’est de moins en moins supportable
Que parfois les forces me manquent…
Oh…redis-moi ta chanson.
Refrain…
III
Grand-père Siset ne dit maintenant plus rien
Un mauvais vent l'a emporté
Lui seul qui sait vers quel lieu
Et moi planté sous le porche.
Et tandis que défilent les nouveaux esclaves,
Je relève la tête pour chanter
Le dernier chant de Siset
Le dernier qu'il m'a appris…
Refrain…
Notes personnelles sur la chanson « L’estaca » (1968) de Lluís Llach par Jean Iglesis
A mon humble avis, il convient: - de situer Lluís Llach dans le mouvement musical, social, identitaire et revendicatif "La nova cançó" (apparu au Principat à l’aube des années 60) et plus particulièrement dans le groupe des "Setze jutges" (*)
- de situer "L'estaca" dans la période de la dictature franquiste : la chanson a été créée en 1968; Franco est mort le 20 novembre 1975... Jusqu'à cette date, "L'estaca" a été interdite en Espagne, ainsi que "La santa espina" et pis encore "Els segadors".
C'est dire que "L'estaca" est une chanson qui était, de par ses qualités poétiques, évocatrices et revendicatives, appelée à s'inscrire entre les chants de résistance les plus ardents, courageux et prosélytes, tout en restant les plus sibyllins et des plus sujets à sous-entendus et à équivoques, dans son propos... A l'instar de "la Gallineta" : de manière dissimulée, à mots couverts, dans l’ombre évidente d’un texte parabolique, le franquisme – mânes errant sans fin dans les corridors du purgatoire, monstre de haine et d’intolérance sévissant encore, bien après la mort de Franco (1975), est exhumé dénoncé, voire lapidé....Il conviendrait de rapprocher "L'estaca" des chansons plus tardives de Llach : "No és això, companys…" et "Venim del Nord, venim del Sud...", aux textes aussi revendicatifs dans leur libellé.
- d'observer la datation et le processus ternaire de chacune des trois strophes de "L'estaca" : le matin, le midi et le soir - l'enfance, l'âge adulte, l'âge de la sagesse - la découverte du système fasciste, le sentiment de révolte et d'impuissance mêlées, l'acceptation et la résignation - Siset s'insurgeant, Siset résigné, Siset disparu... et tout cela dans la contemplation cyclique du système franquiste, dans lequel chacun est appelé à crier, à vivre et enfin à disparaître...
- de relever les termes ambigus qu'emploie Lluís LLach : aussi bien qu'il dénonce et fustige, de façon pamphlétaire, le régime de Franco, les mots - pour autant qu'ils apparaissent comme des plus simples et des plus évocateurs - n'ont pas un sens – un seul-, sinon un double, voire un triple sens...
Laissons-nous guider par la symbolique ponctuelle des mots, par leur signification contextuelle et parfois latérale, mais, plus encore, dans un espace de communication et de communion moins logique que sonore, par leur représentation et leur affirmation subliminale, évocatrice, évidente…
Laissons les mots se traduire, au risque de se trahir : -"portal" peut évoquer la porte d'entrée d'une ville, d'une ferme ou d'une prison - "el sol" : la lumière, la vérité, la liberté - "els carros" : les charrettes des paysans, les tanks de l'armée franquiste - l'estaca : pieu de bois ou entrave aux libertés et au devenir - "l'estaca" : pieu de bois en état vermoulu, putrescent, ou système social et politique corrompu et déliquescent... - "vailets" : pages, écuyers, serviteurs, mais encore jeunes hommes et femmes, à savoir nouvelles générations - estiro el coll" per cantar" : peut-être au travers de grilles de la prison? peut-être une allusion au garrot, par lesquels le franquisme exécutait les Républicains, opposants au fascisme espagnol? |
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Invictus - poème de William Ernest Henley (1843-1903) Lu, dit et redit- durant sa captivité-, et ce avec une force incroyable et inouïe de résistance, de foi et de dépassement de soi, ce texte -choisi en son coeur - a permis à Nelson Mandela (le prisonnier politique le plus tristement illustre dans l'histoire contemporaine) de survivre et d'exister, au long et au terme de près de vingt-sept ans d'enfermement carcéral, de tentatives de discrédit et d'homicide social,d'humiliations infamantes et d'isolement social et humain . (*)
Invictus (Texte original de 1931)
Out of the night that covers me,
Traduction en français
Dans les ténèbres qui m’enserrent, Noires comme un puits où l’on se noie, Je rends grâce aux dieux quels qu’ils soient, Pour mon âme invincible et fière,
Dans de cruelles circonstances, Je n’ai ni gémi ni pleuré, Meurtri par cette existence, Je suis debout bien que blessé,
En ce lieu de colère et de pleurs, Se profile l’ombre de la mort, Et je ne sais ce que me réserve le sort, Mais je suis et je resterai sans peur,
Aussi étroit soit le chemin, Nombreux les châtiments infâmes, Je suis le maître de mon destin, Je suis le capitaine de mon âme
William Ernest Henley (1843-1903
(*) Nelson Rolihlahla Mandela (prononcé en xhosa [ xoˈliːɬaɬa manˈdeːla]), dont le nom du clan tribal est « Madiba », né le 18 juillet 1918 à Mvezo (province du Cap) et mort le 5 décembre 2013 à Johannesburg (Gauteng), est un homme d'État sud-africain ; il a été l'un des dirigeants historiques de la lutte contre le système politique institutionnel de ségrégation raciale (apartheid) avant de devenir président de la République d'Afrique du Sud de 1994 à 1999, à la suite des premières élections nationales non ségrégationnistes de l'histoire du pays. Nelson Mandela entre au Congrès national africain (ANC) en 19434, afin de lutter contre la domination politique de la minorité blanche et la ségrégation raciale menée par celle-ci. Devenu avocat, il participe à la lutte non-violente contre les lois de l'Apartheid, mises en place par le gouvernement du Parti national à partir de 1948. L'ANC est interdit en 1960, et la lutte pacifique ne donnant pas de résultats tangibles, Mandela fonde et dirige la branche militaire de l'ANC, Umkhonto we Sizwe, en 1961, qui mène une campagne de sabotage contre des installations publiques et militaires. Le 5 août 1962, il est arrêté par la police sud-africaine sur indication de la CIA, puis est condamné à la prison et aux travaux forcés à perpétuité lors du procès de Rivonia. Dès lors, il devient un symbole de la lutte pour l'égalité raciale et bénéficie d'un soutien international croissant. Après vingt-sept années d'emprisonnement dans des conditions souvent très dures, et après avoir refusé d'être libéré pour rester en cohérence avec ses convictions, Mandela est relâché le 11 février 1990. S'inspirant alors de la pensée ubuntu dans laquelle il a été élevé, il soutient la réconciliation et la négociation avec le gouvernement du président Frederik de Klerk. En 1993, il reçoit avec ce dernier le prix Nobel de la paix pour avoir conjointement et pacifiquement mis fin au régime de l'apartheid et jeté les bases d'une nouvelle Afrique du Sud démocratiqueN 1. Après une transition difficile où de Klerk et lui évitent une guerre civile entre les partisans de l'apartheid, ceux de l'ANC et ceux de l'Inkhata à dominante zoulou, Nelson Mandela devient le premier président noir d'Afrique du Sud en 1994. Il mène une politique de réconciliation nationale entre Noirs et Blancs ; il lutte contre les inégalités économiques, mais néglige le combat contre le sida, en pleine expansion en Afrique du Sud. Après un unique mandat, il se retire de la vie politique active, mais continue à soutenir publiquement le Congrès national africain tout en condamnant ses dérives. Impliqué par la suite dans plusieurs associations de lutte contre la pauvreté ou le sida, élevé au rang de patrimoine commun de l'humanité5, il demeure une personnalité mondialement reconnue en faveur de la défense des droits de l'homme. Il est salué comme le père d'une Afrique du Sud multiraciale et pleinement démocratique, qualifiée de « nation arc-en-ciel », même si le pays reste confronté à de graves problèmes d'inégalités économiques, de tensions sociales et de replis communautaires.
Voir par ailleurs le film de Clint Eastwood : "INvictus" - 2009 - avec Morgan Freeman et Matt Damon - - - |
Plus qu'un texte littéraire, voici un appel à la paix, à l'équité, à la solidarité, à la fraternité... un poème résolument humain, tissé d'espoir, né dans une douleur que Rudyard Kipling transcende (il vient de perdre son fils!...),renforcé de témoignages humains et universels, enfin élevé dans la triple alchimie de l'humilité d'écrire, de la conscience de témoigner et de la volonté d'imaginer, voire de rêver - et ce par-delà la réalité... J.I"Tu seras un homme, mon fils." : le poème d'un instant éternel, né de la souffrance et du talent de Rudyard Kipling...
Tu seras un homme, mon fils
Si tu peux voir détruit l’ouvrage de ta vie
Et sans dire un seul mot te mettre à rebâtir,
Ou perdre en un seul coup le gain de cent parties
Sans un geste et sans un soupir ;
Si tu peux être amant sans être fou d’amour,
Si tu peux être fort sans cesser d’être tendre,
Et, te sentant haï, sans haïr à ton tour,
Pourtant lutter et te défendre ;
Si tu peux supporter d’entendre tes paroles
Travesties par des gueux pour exciter des sots,
Et d’entendre mentir sur toi leurs bouches folles
Sans mentir toi-même d’un mot ;
Si tu peux rester digne en étant populaire,
Si tu peux rester peuple en conseillant les rois,
Et si tu peux aimer tous tes amis en frère,
Sans qu’aucun d’eux soit tout pour toi ;
Si tu sais méditer, observer et connaître,
Sans jamais devenir sceptique ou destructeur,
Rêver, mais sans laisser ton rêve être ton maître,
Penser sans n’être qu’un penseur ;
Si tu peux être dur sans jamais être en rage,
Si tu peux être brave et jamais imprudent,
Si tu sais être bon, si tu sais être sage,
Sans être moral ni pédant ;
Si tu peux rencontrer Triomphe après Défaite
Et recevoir ces deux menteurs d’un même front,
Si tu peux conserver ton courage et ta tête
Quand tous les autres les perdront,
Alors les Rois, les Dieux, la Chance et la Victoire
Seront à tout jamais tes esclaves soumis,
Et, ce qui vaut mieux que les Rois et la Gloire
Tu seras un homme, mon fils.
EN COMPLÉMENT :
LE POÈME ORIGINAL EN ANGLAIS
If you can keep your head when all about you
Are losing theirs and blaming it on you,
If you can trust yourself when all men doubt you.
But make allowance for their doubting too;
If you can wait and not be tired by waiting.
Or being lied about, don’t deal in lies,
Or being hated, don’t give way to hating,
And yet don’t look too good, nor talk too wise:
If you can dream —and not make dreams your master
If you can think —and not make thoughts your aim
If you can meet Triumph and Disaster
And treat those two impostors just the same;
If you can bear to hear the truth you’ve spoken
Twisted by knaves to make a trap for fools.
Or watch the things you gave your life to broken,
And stoop and build’em up with worn-out tools:
If you can make one heap of all your winnings
And risk it on one turn of pitch-and-toss,
And lose, and start again at your beginnings
And never breathe a word about your loss;
If you can force your heart and nerve and sinew
To serve your turn long after they are gone,
And so hold on when there is nothing in you
Except the Will which says to them: “Hold on!”
If you can talk with crowds and keep your virtue,
Or walk with Kings —nor lose the common touch,
If neither foes nor loving friends can hurt you,
If all men count with you, but none too much;
If you can fill the unforgiving minute,
With sixty seconds’ worth of distance run.
Yours is the Earth and everything that’s in it,
And —which is more— you’ll be a Man, my son!
TRADUCTION PAR JULES CASTIER (1949)
Cette traduction s’approche du texte initial, sans être littérale puisqu’elle est en vers. À la différence de Jules Castier, André Maurois a réécrit et réinterprété le poème en fonction de la culture et de la sensibilité française, ce qui lui donne cet élan si particulier.
Si tu peux rester calme alors que, sur ta route,
Un chacun perd la tête, et met le blâme en toi ;
Si tu gardes confiance alors que chacun doute,
Mais sans leur en vouloir de leur manque de foi ;
Si l’attente, pour toi, ne cause trop grand-peine :
Si, entendant mentir, toi-même tu ne mens,
Ou si, étant haï, tu ignores la haine,
Sans avoir l’air trop bon, ni parler trop sagement ;
Si tu rêves, — sans faire des rêves ton pilastre ;
Si tu penses, — sans faire de penser toute leçon ;
Si tu sais rencontrer Triomphe ou bien Désastre,
Et traiter ces trompeurs de la même façon ;
Si tu peux supporter tes vérités bien nettes
Tordues par les coquins pour mieux duper les sots,
Ou voir tout ce qui fut ton but brisé en miettes,
Et te baisser, pour prendre et trier les morceaux ;
Si tu peux faire un tas de tous tes gains suprêmes
Et le risquer à pile ou face, — en un seul coup —
Et perdre — et repartir comme à tes débuts mêmes,
Sans murmurer un mot de ta perte au va-tout ;
Si tu forces ton coeur, tes nerfs, et ton jarret
À servir à tes fins malgré leur abandon,
Et que tu tiennes bon quand tout vient à l’arrêt,
Hormis la Volonté qui ordonne : “Tiens bon !”
Si tu vas dans la foule sans orgueil à tout rompre,
Ou frayes avec les rois sans te croire un héros ;
Si l’ami ni l’ennemi ne peuvent te corrompre ;
Si tout homme, pour toi, compte, mais nul par trop ;
Si tu sais bien remplir chaque minute implacable
De soixante secondes de chemins accomplis,
À toi sera la Terre et son bien délectable,
Et, — bien mieux — tu seras un Homme, mon fils.
AUTRE TRADUCTION PAR GERMAINE BERNARD-CHERCHEVSKY (1942)
Cette traduction est la plus respectueuse du texte original, elle est en alexandrin sans rime, mais n’arrive pas à transcrire son entrain. Pourtant, le poème prend autant aux tripes l’Anglais lisant le poème original que le Français lisant la version d’André Maurois ; la traduction est un art bien difficile.
Si tu restes ton maître alors qu’autour de toi
Nul n’est resté le sien, et que chacun t’accuse ;
Si tu peux te fier à toi quand tous en doutent,
En faisant cependant sa part juste à leur doute ;
Si tu sais patienter sans lasser ta patience,
Si, sachant qu’on te ment, tu sais ne pas mentir ;
Ou, sachant qu’on te hait, tu sais ne pas haïr,
Sans avoir l’air trop bon ou paraître trop sage ;
Si tu aimes rêver sans t’asservir au rêve ;
Si, aimant la pensée, tu n’en fais pas ton but,
Si tu peux affronter, et triomphe, et désastre,
Et traiter en égaux ces deux traîtres égaux ;
Si tu peux endurer de voir la vérité
Que tu as proclamée, masquée et déformée
Par les plus bas valets en pièges pour les sots,
Si voyant s’écrouler l’œuvre qui fut ta vie,
Tu peux la rebâtir de tes outils usés ;
Si tu peux rassembler tout ce que tu conquis
Mettre ce tout en jeu sur un seul coup de dés,
Perdre et recommencer du point d’où tu partis
Sans jamais dire un mot de ce qui fut perdu ;
Si tu peux obliger ton cœur, tes nerfs, ta moelle
À te servir encore quand ils ont cessé d’être,
Si tu restes debout quand tout s’écroule en toi
Sauf une volonté qui sait survivre à tout ;
Si t’adressant aux foules tu gardes ta vertu ;
Si, fréquentant les Rois, tu sais rester toi-même,
Si ton plus cher ami, si ton pire ennemi
Sont tous deux impuissants à te blesser au cœur,
Si tout homme avec toi compte sans trop compter ;
Si tu sais mettre en la minute inexorable
Exactement pesées les soixante secondes
Alors la Terre est tienne et tout ce qu’elle porte
Et mieux encore tu seras un ho