Création et information culturelle en Catalogne et... ailleurs.
Fait divers ou cause nationale..?
Johnny Halliday ou la quête d'identité
L'écrivain, l'agrégé de philosophie, le grand aristocrate du Figaro et de l'Académie française n'a bénéficié que de quelques heures de gloire dans la mort...Jean D'Ormesson le romancier hédoniste est mort une seconde fois quand on eut annoncé la disparition de "l'idole des jeunes"...
La société médiatique se mit en branle. L'unanimisme et l'absence de pluralisme montra son visage uniforme dans les réseaux radio-télé-sociaux... De TF1 à BFM en passant par antenne 2, de RTL à France Culture jusqu'à Arte, ce fut la pléthore d'hommages et le roman national inventé devant nos yeux enlarmés et nos oreilles ensablés de "Laura" et autre mélodie indiscutablement belle...
La mort d'un chanteur de cette trempe ne peut être racontée dans la page des faits divers. Cependant, l'usage des lieux communs et des hyperboles (légende, idole, icône, incarnation de la France...), n'a-t-il pas été déplacé..? N'est-il pas déplacé que tous les médias se mobilisent (concurrence, course à l'audience ou esprit moutonnier ?) pour un chanteur et que le président de la République (profitant de la ferveur et de l'unité nationale, poussé par l'esprit du temps ?) organise des funérailles nationales..?
Ce chanteur, qui ne peut être placé dans le cercle étroit des grands baladins-poètes du XX° siècle (Ferré, Ferrat, Brel, Brassens, Aznavour, Barbara) bénéficie pourtant d'une aura exceptionnelle…
Il semble, comme on l'écrit, "incarner" la France. Or, il a passé sa vie à rechercher, à travers les femmes, les aventures (autos, femmes, drogues, alcool…), les lieux où vivre, loin du fisc parfois (Suisse, Los Angeles…), quittant, mauvais payeur, la France. Il s'est glissé dans tous les moules, exploitant les modes musicales (Blues, Rock, musique hippie, romantisme, chansons à texte…), copiant, comme son compère Eddy Mitchell), les succès américains et là-bas, aux USA, ce n'était pas une vedette, mais un personnage étrange, européen américanisé…
De droite (se montrant avec Sarko, Fillon), réactionnaire, catho exhibant le signe ostentatoire d'une croix sur sa poitrine, capable de chanter la Marseillaise dans un concert, il pouvait aussi lever le poing, donner la recette d'une soirée à des mineurs en grève, adopter des enfants asiatiques… A la fois franchouillard et mondialiste, ce vrai Belge devenu un véritable Français, se cherchait.
Les masques...
Sa quête d'identité est visible dans le détournement de son nom, par refus du père et volonté de réussir dans le milieu interlope de la chanson en se pliant à l'emprise de l'anglo-américain…Il se cherchait à travers les femmes puis arriva à créer une famille, ou une apparence d'unité, après une expérience effrénée des plaisirs sensuels, sexuels et les paradis artificiels…
Il s'est trouvé, sans doute, et c'est alors que la mort le trouva, à l'heure de la sagesse, de la stabilité, de la connaissance de soi.
Johnny H. une mythologie..? Oui, grâce à une vie riche et volontaire, un reflet de notre société, le miroir de nos angoisses et de nos petits bonheurs. Oui, car il pouvait célébrer l'amour grâce à l'admirable "Retiens la nuit" d'Aznavour qui recadra la carrière de J.Philippe Smet) et la mort ("Noir c'est noir"), tout en menant une vie de luxe (rêve des enfants de la sociétés de consommation et des pauvres qui lisent Gala ou Match pour rêver et compenser…) et apparaître comme un homme commun, naturel, dans les entretiens qu'il confiait à la presse.
Il donne chair à la France, comme ont pu le faire les "Grands hommes " panthéonnisés, comme ses héros (dixit Emmanuel Macron) de haute stature : Pasteur, Jaurès, Voltaire, Rousseau, Hugo, Zola, Curie…
Statufier, immortaliser, momifier un chanteur !!! L'époque a-t-elle perdu ses vraies valeurs..? Nous vivons le temps où un troubadour comme Dylan peut obtenir le prix Nobel, et une grande gueule de canaille et de rockeur incarner le pays !
Ce n'est pas là décadence. C'est autre chose...A définir, et tous, chacun de nous, nous nous cherchons...
JPBonnel