No te olvidare, tableau de Martine Horgne - Portrait (à droite) par Magdalena JULLIARD - Toiles de Martine H. (C) M.Horgne
Martine Horgne,
une artiste en quête d'humanisme et d'identité
Cette femme est une curieuse, au sens positif du terme, une voyageuse, une créatrice qui commence tous ses travaux, peinture, musique…par l'écriture. Elle réfléchit, elle se documente avant de se lancer dans une aventure artistique. Elle sent, surtout : douce et sensuelle, elle peut aussi avoir des paroles dures, car elle croit en ce qu'elle fait.
"Je suis un paradoxe sur pattes !", aime-t-elle dire.
Elle sent par le corps, par la danse, par le mouvement perpétuel. Puis l'affectif et l'intellectuel se mêlent…
"Je ressens des vibrations : les gens qui viennent me voir ou me contactent m'apaisent, me font passer un moment agréable, en riant…J'adore faire l'idiote et m'inventer un personnage !"
Martine est une voyageuse, dans les mots, les images, les rêves. Dans la réalité aussi, puisqu'elle a travaillé pendant des années comme hôtesse de l'air et a visité les cinq continents…
A présent elle cherche à se créer un langage -elle n'aime pas le mot "style" - tout en travaillant le sens.
La forme débute par le vagabondage dans la tête : "Enfant, je partais dans des rêveries sans savoir où j'allais. Ensuite, plus tard, je leur donnais un sens…"
Pour concrétiser et conserver les traces de ses voyages, elle accumule les carnets, où courent les empreintes de ses vagabondages…
Martine voyage d'abord dans la littérature et les arts : il n'y avait pas de musique chez ses parents. Alors, la mélodie, la chanson, elle allait les chercher, elle les inventait, puis elle les transformait : "Je trouvais des voix, des harmonies."
Le voyage réel, de par la planète, ce fut donc grâce à son métier, dans les airs : chef de cabine, elle pouvait choisir ses destinations et visiter les pays pendant vingt ou trente jours ! Et elle choisissait l'équipage !
C'est avant tout le "voyage dans l'humain", à travers la culture des gens, leurs rites, leurs traditions, qui la passionnent.
Elle goûta à la civilisationn des îles, autour de Tahiti, sur les traces de Gauguin et de la population : "J'ai élargi les points de vue. Ce qui m'a inspiré, ce fut la spintanéité des autochtones.
En Calédonie, aussi, et en Australie, aux Iles Wallis et Futuna, à travers les cultures thaïlandaise et pakistanaise…Sans oublier l'Egypte, qu'elle traversa jusqu'à assouan. "A présent, je rêve de me rendre au Japon…"
Un autre de ses voyages très personnels se déroule dans l'univers des danses rituelles : elle a toujours aimé l'espace de son corps, la liberté qu'il trouve dans ce moment unique et indéfinissable où on ne se sert plus de son cerveau. La danse pure, le mouvement spontané, le libre-arbitre corporel :
"J'improvise, je ne conçois pas de chorégraphie..."
Quand le corps, les mains se mettent à peindre, c'est instinctif. Avant d'utiliser le logiciel "Paint", Martine trace des croquis, qu'elle ne respecte jamais, par la suite. Elle peut travailler ensuite une toile, un collage, une peinture sur mur, sur carton… Enfin, vient le tour de l'ordinateur : elle n'utilise jamais l'algorithme, elle place l'Homme au centre de tout, elle esquisse un dessin assez figuratif, mais bizarre, car inventé de toutes pièces…
A partir des couleurs, elle crée des images : chacune d'elles est une création : elle a ainsi donné vie à 250 images (montrées à Liverpool et à la Casa musicale de Perpignan) sur le sida, en travaillant à son projet primordial "Identité et utopie".
Le fil conducteur de ce travail est un personnage peu défini.
Elle a choisi un personnage, une sorte de "héros", en s'emparant d'un feuilleton télévisuel qui racontait, dans les années 1970, les aventures d'un agent secret britannique.
C'est le numéro 6. Un héros positif car "il ne veut pas être un numéro, mais être ce qu'il est : il n'y a rien de plus subversif ! Il ne veut pas agir contre son éthique. C'est un idéaliste comme Don Quichotte, mais en plus pragmatique !"
Après avoir montré ses toiles à l'Art muséum de liverpool : "Behind the window"… Après des résidences d'artistes à Paris, Los Angeles, au centre d'art atonal d'Irlande… Après les diaporamas d'images lumineuses… Après les peintures sur ardoises, la voici en pays catalan.
Elle n'arrête pas de prendre des notes, de parler avec les gens, de regarder, de s'inspirer de la rue, de développer un travail sur la lumière et le contraste, sans jamais entrer dans la facilité du figuratif…
Dans quel but..? Pour se chercher et chercher un vocabulaire à soi. Elle écrit sur les tableaux des lettres, des mots, des phrases, des chiffes, tout un code, un langage en apparence ésotérique mais qui, pour elle, a du sens. A nous de trouver les significations latentes…
Martine aime jouer avec les différents codes, comme pour ne pas obéir à la dictature de la technique convenue, aux règles de l'orthographe imposée, aux truismes de la langue commune…
Ce qu'il faut déceler dans ces espaces colorés, ce sont avant tout les sentiments, les sujets de société, la révolte face aux fanatiques de l'identité religieuse ou politique, aux barbaries du monde, à la tragédie des migrants.
Sa peinture, qu'on croit songeuse, virtuelle, désengagée, est au contraire saturée de réalité.
Et pourtant Martine signe : "M. et rêve "…
Jean-Pierre Bonnel