Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Création et information culturelle en Catalogne et... ailleurs.

Le déclin des intellectuels face à l'emprise des réseaux sociaux

Le déclin des intellectuels face à l'emprise des réseaux sociaux

Le déclin des intellos

 

A l'heure des réseaux bavards et souvent incohérents, où le marketing est roi et "l'intellectuel médiatique" à l'étroit et considéré comme un influenceur désirant vendre son dernier livre, on peut être inquiet du recul de la pensée, du déclin de la raison et des Lumières...

 

 Déjà, dans Eloge des Intellectuels, en 1987, BHL l'écrivait :

"Intellectuel, catégorie sociale et culturelle morte à Paris à la fin du XX° siècle : n'a apparemment pas survécu au déclin de l'universel."

Après les "bévues" de Sartre, symbole de l'intello français, te taisant sur le stalinisme et les camps pour ne "pas désespérer Billancourt", puis célébrant le maoïsme, qui fit quelque cent millions de victimes...

Après Ph. Sollers, l'équipe de Tel Quel, F. Chatelet, se rendant en chine pour honorer là aussi le maoïsme...

Après ces intellos serbes qui, en 1986, rédigent un appel à l'unification de tous les pays où vivent les Serbes, donnant ainsi un support "théorique" aux conquêtes et aux purifications ethniques qui auront lieu quelques années plus tard.."     MARIN ANDRIJASEVIC

(le Monde du 17.2.1994)

 

Après le "silence des intellectuels", en 1981, suivant l'élection de F. Mitterrand... et leur silence actuel : seule Annie Ernaux, récent prix Nobel de littérature, n'hésite pas à manifester auprès de J.-Luc Mélenchon... Quant à la droite extrême, ne revenons pas sur les propos racistes et cogitations troubles de M. Houellebecq...

 

Cependant, si le "grand" intellectuel engagé d'autrefois a disparu (M. Onfray aurait bien tenu ce rôle, mais il dérive et ses déclarations se font plus confuses...), le débat se poursuit dans quelques revues , tel "Le 1," -malgré la mort du trimestriel de Gallimard et Pierre Nora, justement "Le Débat"- et même à la télévision, à Arte et à la 5, autour de "C politique" et "C ce soir"...

 

Le débat intellectuel est, comme toujours, centralisé à Paris, tandis que loin de Paris, à Perpignan, par exemple, clubs de réflexion, cercles d'études, groupes de pensées, et presse d'opinion de niveau élevé, ont disparu, l'esprit se montrant lors des nombreuses conférences qui regroupent un public de retraités de plus en plus âgés...

 

JPB (18.1.2022)

- - - - -

 

Deux visages emblématiques en couverture pour illustrer cette somme unique de près de 1300 pages étalée sur deux volumes : celui de Jean-Paul Sartre et de Michel Foucault. L’un, Jean-Paul Sartre, figure par excellence de l’intellectuel engagé incarnera, dans toute sa splendeur et ces errements, son époque ; l’autre, Michel Foucault, marquera, à sa façon, le crépuscule de la figure de l’intellectuel prophétique.

 

A travers ces deux figures tutélaires, François Dosse retrace l’apogée puis le déclin de l’influence intellectuelle en France. Enseignant et fin connaisseur de la vie intellectuelle française, François Dosse a fait preuve d’ambition en s’attelant à l’écriture de cet ouvrage. Déjà auteur de nombreux livres portant sur le structuralisme ou l’Ecole des Annales, François Dosse est également biographe de nombreux intellectuels parmi lesquels Cornélius Castoriadis, Gilles Deleuze, Felix Guattari ou encore Paul Ricœur....

 

François Dosse fait débuter sa saga à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Période d’effervescence  sans précèdent, la Libération du pays met les intellectuels sur le devant de la scène. De nouveaux journaux, des revues paraissent et deviennent des porte-voix pour des lendemains meilleurs. L’épuration engendre des polémiques. François Dosse décrit fort bien ce climat de tension : l’existentialisme de Sartre divise et fracture les intellectuels, l’intransigeance du Parti communiste oblige à des compromis dans la politique d’épuration s’illustrant par « l’impossible voie du juste », De Gaulle suscite également des opinions contrastées avec notamment la fascination de Malraux pour l’homme de la France libre. Ce moment de doute profond dans la société au lendemain de la guerre apporte de la sacralité à la parole des intellectuels. « Qu’ils soient gaullistes, communistes, ou progressistes chrétiens, tous ont la conviction d’accomplir des idéaux universalisables. » René Char ira jusqu’à dire : « Notre héritage n’est précédé d’aucun testament. »

 

A ce moment va succéder, selon les termes de l’auteur, l’âge d’or des sciences humaines. Ce dernier voit l’éclosion d’une théorie du soupçon touchant la langue avec Roland Barthes, l’inconscient avec Jacques Lacan et mettant en avant le structuralisme d’Althusser ou la déconstruction de Jacques Derrida. « Le paradigme alors dominant dans les sciences humaines consiste à dévoiler une vérité cachée », décrit François Dosse. Ce bouillonnement déborde le cadre des sciences humaines et répand son influence dans la culture avec la Nouvelle Vague dans le cinéma ou le Nouveau Roman en littérature. 

 

Paradoxalement, Mai 68 marquera le point culminant de ce renouvellement de la pensée en s’appuyant sur une foi révolutionnaire encore intacte. Pourtant, dans le monde, l’idéal marxiste s’effrite : l’URSS depuis Budapest en 1956 mais plus encore avec le coup de Prague en 1968 fait figure de repoussoir ; la troisième voie incarnée par les pays du tiers-monde peine à transformer les espérances. L’échec de Mai 68, à savoir son incapacité à renverser le pouvoir en place, symbolise également le déclin de la figure de l’intellectuel universel pour celui se limitant à des domaines précis. « L’intellectuel renonce à incarner l’universel, tout en poursuivant son travail critique de dévoilement, en utilisant ses compétences et connaissances de terrain pour montrer que la réalité des choses est tout autre. » Le magistère intellectuel échoit à Michel Foucault qui avait fourbi ses armes en traquant dans la raison triomphale la déraison…

 

Regain de radicalité temporaire tant l’affaire Soljenitsyne et la sortie de l’Archipel du goulag constituent pour François Dosse un « séisme ». L’hégémonie culturelle de la gauche se fissure, le combat antitotalitaire rassemble les intellectuels et la démocratie devient un enjeu. « Brocarder les valeurs démocratiques devient plus difficile et la déconstruction de tous les appareils de cette démocratie doit être réévaluée positivement. »

C’est le temps des « Nouveaux philosophes » sous l’impulsion de Bernard-Henri Levy ou d’André Glusckman. L’intellectuel médiatique prend le pas ...

 

La saga des intellectuels français 1944-1989

François Dosse

Édition Gallimard

 

 

Retour à l'accueil
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article