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Par leblogabonnel
Littérature : M. DURAS
ECRIRE
Marguerite Duras : un style incorrect très étudié
Il est fait pour choquer, réfléchir, créer son propre style : la marque Duras. Il est conscient, travaillé : fautes de syntaxe, phrases démantibulées, sa marque de fabrique.
Bien sûr, moins osé, abrupt, obscène que celui de Céline, ce style bourgeois-bohême. Le Ferdinand, il use et abuse d’une ponctuation omniprésente, lyrique, en coups de gueule : les points d’exclamations frappent le lecteur au cœur : il faut s’indigner, nous indique l’auteur. Et le rythme de la phrase nominale impose une image : l’absence de verbe implique une peinture, la touche sur un paysage, pas l’action, pas le performatif, ni passé ni futur, nous sommes dans l’écoulement temporel de l’éternel présent…
Céline a recours à l’argot, mais pas à l’incorrection : le langage des banlieues par le médecin des pauvres, des rues populaires de Paris et territoires alentours…
Le roman de Céline n’a pas une forme incorrecte, c’est le fond qui l’est : l’idéologie répugnante de la haine, de la honte, du racisme, de la délation…
Quant à la Marguerite, si vous lisez Ecrire (Gallimard, 1993), la première phrase vous désarçonne, c’est un incipit redondant, avec des mots répétés, c’est fatigant, ça tourne en rond :
« C’est dans une maison qu’on est seul. Et pas au-dehors d’elle mais au-dedans d’elle. »
Et puis, ces facilités, ce recours au « il y a », qui chez Apollinaire est poésie, ici vous crispe : l’écrivaine note tout ce que son regard voit sans pensée développée, ni vraie narration : « Dans le parc il y a des oiseaux, des chats. » Et c’est navrant de néant, de vacuité, de désintérêt…
Enfin des phrases courtes à l’apparence de pensée profonde vous mènent à une interrogation aporétique « La solitude, c’est ça aussi. Une sorte d’écriture. Et lire c’est écrire. »
Duras est d’ailleurs consciente qu’elle écrit un peu n’importe quoi, au fil d’une plume qui ne réfléchit guère : « J’ai fait des livres incompréhensibles et ils ont été lus. », à la page 36 (édition folio). Et un peu plus loin, elle est satisfaite de son livre La vie tranquille et sa phrase ultime (étonnante, incorrecte, amis c’est « de la littérature » !) : « Personne n’avait vu l’homme se noyer que moi. »
Ou cet « anglicisme » : « Le long de la maison il y encore cent ans, il y avait un chemin pour les bestiaux venir boire dans l’étang. » (les fameux il y a et ces deux infinitifs ! page 46)
Quant à la vie privée, abordée à plusieurs reprises, elle parle de ses nombreux amants, puis constate :
« Je crois que personne ne s’est retourné sur moi dans la rue. Je suis la banalité. Le triomphe de la banalité. Comme cette vieille dame du livre : Le camion. »
Le plus insolite, c’est le texte sur « la mort de la mouche » : là, je vous laisse découvrir ce morceau de bravoure sur le rien en quatre pagines… Ce serait un plagiat : elle l’a volé à qui.. ?
J.Pierre Bonnel
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