Création et information culturelle en Catalogne et... ailleurs.
Polémique Valaison-Maillol
Voici le premier volet d'un échange vif entre Mme Valaison et moi-même. Après notre entretien, la dame demande une correction de mon texte; puis elle m'écrit en demandant que je ne publie pas ce texte; aujourd'hui, elle revient sur ce texte dans un échange de mails...(à suivre)
- - - Le texte de l'entretien corrigé par Mme Valaison :
Entretien avec Marie-Claude Valaison, ancien conservateur en chef du musée H.Rigaud et du musée Puig de Perpignan. Son rôle fut important à Perpignan dans le domaine des arts, pendant des décennies, sous les mandats de Paul et Jean-Paul Alduy. Bien que d'origine non catalane, Mme Valaison est une mémoire indiscutable de la mémoire culturelle de la ville et du département.
Notre dialogue aura lieu à la terrasse d'un café du quai Vauban, à Perpignan, le 31 octobre 2013 : l'été indien en Catalogne...
Mme Valaison est originaire du Rouergue, du sauvage et beau département de l'Aveyron, à qui elle vient de consacrer plusieurs livres : « Aveyron, le temps de la terre » publié en 2012, aux éditions du Rouergue. Puis dans le cadre d’une toute nouvelle collection ; La France des Métiers, elle rédige: « Un jour chez les gantiers de Millau » et "Sur les chemins de Saint Jacques de Compostelle » toujours chez le même éditeur, publiés en 2013 . Mme Valaison ajoute : « il était question de deux ouvrages supplémentaires sur la fabrication du Roquefort et celle du fromage de Laguiole dans les burons de l’Aubrac. Bien qu’ayant des amis producteurs de Roquefort qui m’auraient aidée, je n’avais pas le temps de faire ces deux derniers, j’ai demandé aux éditions du Rouergue de trouver un autre auteur. Je sais reconnaître mes limites et ai toujours su partager ». Ces ouvrages sont faits à partir de très belles photos du Catalan Jean Ribère,
Elle est aussi l’auteur d’études sur des peintres, dans le cadre de son travail au musée des Beaux-arts (Dufy au musée Rigaud) : chacune des expositions qu’elle fait est accompagnée d’un petit catalogue. Avec Aurélia Greiveldinger, animatrice du Patrimoine et directrice du Pays d’Art et d‘Histoire Transfrontalier des Vallées catalanes du Tech et du Ter, et François Valaison pour les photos, elle publie, en 2011 : « Pyrénées-Orientales, 100 lieux pour les curieux", (éditions Bonneton).En 2000, elle contribue à "L'Encyclopédie Bonneton des Pyrénées-Orientales"... pour le chapitre consacré à l’histoire de l’art de ce département. Et elle n’oublie pas les artistes vivants !
A propos de Maillol :
Je sais que Marie-Claude fut une grande amie de Dina Vierny, qu'elle toujours estimée et défendue, lors de nombreuses polémiques, au sujet de ses relations avec Aristide Maillol :
"J'ai passé beaucoup de temps avec Dina dans des conditions familières. Nous étions proches. Dina ne fut pas la maîtresse de Maillol, ni de son fils Lucien ! Elle avait la réputation d'être intéressée car elle avait besoin d'argent; mais pas pour elle... Je peux avancer cette conviction car j'ai eu avec le modèle et exécuteur testamentaire du sculpteur de Maillol des discussions marquées par la sincérité , en quelque sorte, entre femmes" ... Souvenez-vous que les sculptures de Maillol qui sont dans les jardins des Tuileries ont été offertes à la France par Dina, et qu’il a fallu tout le soutien d’André Malraux, alors ministre de la culture du Général de Gaulle pour que ce don soit accepté...Et pour faire ce don, il fallait bien de l’argent...
Dina portait une profonde vénération pour Maillol; c'était une relation de père à fille."
M.C. Valaison organise avec Bernard Nicolau, alors adjoint à la culture à la mairie de Perpignan, une grande et mémorable exposition Maillol, en 1979, au Palais des Rois de Majorque.
Elle confie : "J'ai beaucoup appris avec elle: elle était parfois excessive, mais elle était très rigoureuse ! Mme Valaison a beaucoup appris lors de cet événement ; elle ajoute que parmi ceux qui lui ont beaucoup appris, figure Roger Maureso, alors talentueux directeur de l’Ecole des Beaux-Arts. Il faudrait éviter les répétitions de : appris.... même si la pédagogie est l’art de... la répétition !
Lors de l'exposition Maillol de 2000 au Palais des Congrès, mon interlocutrice a été écartée, par la Ville de Perpignan, de la préparation; c'est Jean-Pierre Barou qui avait été choisi comme commissaire, mais Dina s'en est mordu les doigts : ça s'est très mal passé entre eux...
"Tous mes souvenirs, en compagnie de Dina Vierny, sont bons", ajoute Madame Valaison. "Les fous rires, les repas, les rencontres...Cette anecdote, à l'occasion du déplacement du monument aux Morts de Banyuls, avec la Marine Nationale : je n'étais pas avec les officiels; Dina m'aperçoit dans la foule et vient nous chercher, mon époux et moi-même, et nous place au premier rang..!
On pourrait parler de l’affection qui unissait Dina à Bernard Nicolau, à qui elle a dit un jour devant moi : « Tu es celui qui m’a réconciliée avec les Perpignanais !! », même si je me souviens aussi de quelques moments plus difficiles. Je me rappelle ainsi une crise de rage, toutes les deux, au même instant, lors de l'inauguration du Monument aux Morts d'Elne, en 1979 : les "vieux" Catalans n'ont pas ôté leurs casquettes pendant la Marseillaise ! C'était une véritable muflerie..!
De même, lors du choix d'un nom pour le lycée qui devait être inauguré à Saint-Gaudérique : les professeurs devaient choisir entre Lurçat, Camus et Maillol : le choix des enseignants s’est porté sur Lurçat. Le nom de Camus a été donné plus tard au collège tout proche.
La rumeur de collaboration pendant la guerre, ses relations avec son ami allemand le Comte Kessler...Tout cela suit encore le pauvre Maillol... Lui antisémite ? « Je peux donner l’exemple personnel d’un ami juif de ma famille, qui, fuyant la France par l’Espagne pour rejoindre le général Giraud, est passé par Banyuls, pour rendre visite à Maillol dont il avait acquis des dessins et des statuettes ! »
Lui, collabo ? Encore des légendes. Son amitié avec Brecker était bien antérieure à l’époque Hitlérienne, quant à ses liens très proches avec Kessler, ils sont ceux d’artiste à mécène. Je tiens tout de même à rappeler que le Comte Kessler a fui le régime Nazi : il s’est réfugié à Lyon où il est mort dans l’indifférence et le dénuement absolus..
Les statues de Maillol à Perpignan :
" En 1911, Maillol a offert « Méditerranée » à la Ville de Perpignan, et a lui-même choisi l’emplacement : dans le patio de l’Hôtel de Ville. Quant à « la Vénus au collier », Lucien Maillol l’a vendue à prix coûtant à la Ville. Pour la petite histoire, il avait hésité sur le choix de son emplacement. Elle devait d’abord être devant la Loge de Mer. Si vous regardez attentivement le carrelage, devant la Loge, sous les tables et chaises de la brasserie, vous verrez que le marbre rose dessine un losange inscrit dans un carré. La Vénus, devait se trouver au centre de ce losange !! Par contre, c’est Dina qui a offert le"Monument à Debussy" à l’issue de l’expo du Palais des Rois de Majorque en 1979; ce choix n'est pas dû au hasard ! M. Jacques de Lazerme avait eu l'idée d'un musée pour Maillol, dans les écuries de sa maison de maître, et Lucien aurait fait des tirages supplémentaires pour ce lieu. Parmi ces tirages, il y avait le « Monument à Debussy », qui, lui, devait être installé dans la cour du musée Rigaud, sur un socle au bord du bassin. Je précise que le musée Rigaud était alors installé dans l’ancienne université de Perpignan, quartier St Jacques. Ce socle a bien été réalisé, mais le projet a capoté. Une occasion manquée...Lorsque Dina fait don de cette sculpture au musée, en 1979 le musée était tout juste installé rue de l’Ange. J’ai eu la charge de réaliser ce transfert en faisant auparavant les cahiers des charges, puis veillant au suivi des travaux. Je dois à cette occasion remercier Françis Noell entrepreneur choisi par la mairie, qui a fait un travail remarquable et m’a énormément aidée dans cette « aventure ». Ce sont les services techniques de la mairie qui ont assuré toute la maîtrise d’ouvrage.
Après la guerre, Raoul Dufy habitait place Arago, à l'angle de la rue de l'Ange (appartement situé au-dessus de la banque actuelle). Pourquoi n'avoir rien acheté à l'époque ou manifesté un peu d’intérêt pour ce peintre que les docteurs Puig et Nicolau ont beaucoup aidé? Dufy a logé longtemps chez les Nicolau ; il fréquentait assidûment le salon du Dr Puig et de Madame Puig, tous deux musiciens et mélomanes. Il y rencontrait P. Casals, Pixot, le violoniste Alexandre Schneider, la pianiste Yvonne Lefébure.. Le musée Rigaud aurait une belle salle Dufy, alors qu'il ne montre que des prêts de l'Etat... Un autre rendez-vous manqué...
De même, alors que Picasso était accueilli l'été entre 1954 et 1956, par M. et Mme Jacques de Lazerme, pourquoi ne pas lui avoir donné, par exemple, une médaille de la ville à l’occasion d’une belle réception qui aurait pu le faire citoyen d’honneur de Perpignan ?.. Cette médaille est maintenant généreusement donnée aux joueurs de l’USAP...Et encore, pour Matisse, qui vient de 1905 à 1912, le département et Perpignan auraient pu acquérir à des prix raisonnables, des tableaux fauves..! Hélas, on ne peut refaire l'Histoire, mais c'est râlant !!", s'exclame Marie-Claude Valaison.
Parcours professionnel et Hommage aux Roussillonnais :
M.C.Valaison a eu un parcours atypique. Elle fait des fouilles archéologiques en Tunisie en 1966 et 67, dans le cadre de la mise en place par le gouvernement tunisien d'un ministère de la culture à l'image du ministère français; des étudiants montpelliérains comme elle, sont intégrés à une équipe internationale d'archéologues (Italiens, français, et même un russe et un tchécoslovaque... pour ces deux derniers nous avons su ensuite que leurs ambassades avaient fait une erreur et qu'ils auraient dû aller à Kairouan alors que les fouilles avaient lieu à KerKouane; tous deux étaient d'anciens élèves de l'Ecole Normale Supérieure française). En 1966, elle est nommée à Montpellier comme assistant (au masculin) à la Direction des Antiquités Historiques du Languedoc Roussillon (5 départements) sous la direction de M. Gallet de Santerre, professeur d'Histoire de l'Art Antique à la Fac des Lettres de Montpellier, ancien secrétaire Général de l'Ecole Française: elle fut la première femme en France nommée à un tel poste... Elle reste à Montpellier jusqu'en 1970.
Elle postule ensuite pour un poste de conservateur au musée archéologique du Havre, au musée Bonnat de Bayonne et au musée Rigaud de Perpignan... Elle va être nommée au musée Rigaud de Perpignan, où le docteur Torreilles, alors adjoint à la culture de Paul Alduy la convoque pour un entretien et propose son nom à l'Etat (ministère de Culture) qui la nomme sur ce poste. Les cinq ans passés à la Direction des Antiquités Historiques ont été validés comme stage de formation pour intégrer le corps des conservateurs de musées. Mme Valaison est alors nommée, à l'âge de vingt-cinq ans, à Perpignan, par arrêté ministériel, mise à la disposition de la municipalité: c'était avant la décentralisation...
Avec la décentralisation c'est devenu plus dur car l'Etat n'a plus autant de moyens de contrôle : il ne peut plus exercer qu’un contrôle scientifique. La gestion quotidienne est de la responsabilité de la collectivité territoriale dont dépend le musée... Cependant, les élus m'ont beaucoup aidée; c'étaient des gens ouverts, cultivés, tel Bernard Nicolau. Il avait du caractère ! C'était une grande époque car des outils solides ont été mis en place. J'ai réussi à faire du musée un outil extraordinaire, avec du personnel compétent : chacun occupant une fonction bien déterminée avec des compétences réelles : une attachée de conservation qui s’occupe entre autre choses, de l’inventaire sous mon contrôle, une autre, responsable du Service des Publics et une enseignante chargée du Service Educatif, un régisseur des collections, des gardiens formés à la manipulation et l’entretien des oeuvres. La Ville dote également le musée de matériel permettant l’informatisation et la gestion des collections...Bien sûr, la qualification des agents chargés de l’accueil des visiteurs est assurée par de nombreux stages. Le personnel d’entretien affecté au musée est de qualité.
On se souvient d'une malheureuse affaire : en 2003, le vol de dessins de Dufy, placés dans les réserves; les oeuvres ont été retrouvées huit jours plus tard au domicile du voleur, un agent du musée chargé de l’entretien des réserves. Il fut mis en prison... « J’ai ressenti ce vol comme un coup de poignard dans le dos"
Il y eut quelques différents avec les autorités de tutelle, bien sûr, car, dans l'intérêt des collections, Madame Valaison ne passe pas de compromis, pas même « avec Jean-Paul Alduy, qui est un homme ouvert; par exemple, au moment de l’agrandissement du musée et l’ installation d’un ascenseur accepté par les associations d’handicapés en 2001 (avec des fonds privés américains, sans un sou de la Ville) ma hiérarchie m’avait dit : « tu ouvriras le musée au public pendant les travaux, c’est l’ordre du maire ». J’ai donc pris ma plus belle plume pour expliquer au maire pourquoi on ne pouvait pas ouvrir au public pendant les travaux. Il m’a renvoyé ma note avec ce simple mot : « Je me range à vos arguments. Le musée sera donc fermé ». JPA est quelqu’un avec qui on peut parler mais il faut avoir de vrais arguments à lui opposer et c’est logique. »
« J'arrive donc de Montpellier, bien jeune encore... et je ne connais rien des artistes locaux; j'apprends grâce à Roger Maureso, à connaître Terrus, qui, hélas, a choisi de rester travailler en Roussillon alors qu'il aurait pu faire une carrière importante, en se faisant connaître à Paris... Plus tard, j'apprends à connaître Matisse grâce à Gérard, le petit-fils du peintre, qui a été inscrit "à la communale" de Collioure, après les fils du Maître du fauvisme ! »
Elle travaille aussi avec Joséphine Matamoros (aujourd'hui conservatrice du musée de Collioure) alors conservatrice du Musée Puig et directrice du CEDAC, à la villa des Tilleuls, avenue de Grande-Bretagne, à Perpignan.
Mme Valaison va rendre hommage à Dufy, en 1990 : elle arrive -c'est un exploit !- à exposer quarante inédits sur cent cinq oeuvres exposées.
Elle va aussi montrer, en 1984, sous le mandat de Paul Alduy, l'artiste catalan Grau-Garriga, avec une installation originale au Castillet restée dans les mémoires !
Elle va en outre organiser, au musée Rigaud et au musée Puig, une grande exposition, en hommage à Antoni Clavé (2), dont une grande partie sera montrée au Château de Collioure.
A la suite de cette exposition, Mme Valaison propose l'achat d'une oeuvre d’Antoni Clavé : ce dernier décide alors d’offrir un grand tableau à la ville de Perpignan, en souvenir des liens forts qui s’étaient noués avec Martin Vivès lequel, en 1939, alors que Clavé faisait partie des malheureux républicains espagnols enfermés au Camp des Haras à Perpignan, lui a organisé une exposition dans la pâtisserie de Marie Martin sous la Barre. Antoni Clavé dira à Mme Valaison :
« J’étais emprisonné, mais c’était ma première exposition d’homme libre »... M.C. Valaison retrouvera le petit-fils de l'artiste, Emmanuel, fils de Jacques, en organisant sa toute dernière exposition avant sa retraite : un hommage à Jean Matisse, fils d’Henri. En effet Emmanuel Clavé avait la charge de la gestion des œuvres d’art d’une grande banque où se trouvaient les œuvres de Jean Matisse.
Chaque exposition était l’occasion d’enrichir le fonds du musée Rigaud. Mais des œuvres sont achetés en dehors des expositions : par exemple Tapiès, acheté à la galerie Thérèse Roussel, ou le beau paysage de Céret par Herbin qui a été acheté sur un arrêt en douane, grâce à l’intervention de l’Etat. Tout ceci, bien avant la réouverture du musée de Céret.
Lors de l'ouverture du musée d'art moderne de Céret, Mme Valaison décide de concentrer les acquisitions sur le fonds médiéval et la peinture classique, pour laisser l'art contemporain au musée de la capitale du Vallespir : "On a acheté des Primitifs, deux Rigaud entre autres... J'organise ensuite une grande exposition sur la céramique hispano-mauresque, en concertation avec Valencia, au Palais des Rois de Majorque. A l'époque, le Conseil général, dirigé par MM Grégory, Mallé puis Marqués travaillait en harmonie avec la mairie; il faut dire que la ville de Perpignan était encore gestionnaire du Palais des Rois de Majorque..."
Puis, c'est un projet d'exposition "Hyacinthe Rigaud et le Midi", en accord avec le Président du CG66, M. Marqués, et le maire de Perpignan, Paul Alduy. Avec Jean-Paul Alduy, le projet n'aboutit pas !
Marie-Claude Valaison précise la cohérence du travail au musée Rigaud : "Il existait une logique avec les dépôts et le fonds; la priorité, c'étaient les oeuvres ! Le déménagement du musée, du quartier Saint-Jacques à la rue de l'Ange, fut l’occasion d’une grande réflexion sur les oeuvres : il fallait que le musée se situe par rapport aux grandes villes qui nous entourent : Barcelone, Montpellier et Toulouse. On ne peut pas rivaliser avec elles. Nous mettons alors l'accent sur la production locale c’est facile quand on a des Maillol, Dufy, Rigaud, plus tard Picasso et Daura: on insiste sur les primitifs roussillonnais, sur Guerra... J'ai alors rendu à l’Etat des dépôts de peintre flamands, italiens... Avant la guerre, le musée devait être un livre d'art pour la population locale. Il est évident qu’après la guerre la problématique est différente.
Avec le recul...
Marie-Claude Valaison peut s'exprimer sans trop de retenue : "J'ai travaillé pendant deux/trois ans avec Marie Costa, dans une bonne entente. Madame Danièle Pagès était alors adjointe à la culture : c’était un pur bonheur de travailler avec elle. L’avocat Maurice Halimi, maire-adjoint, avait aussi une délégation à la culture, parmi d’autres attributions mais son rôle n’était pas aussi important que celui de Mme Pagès. Un autre avocat fut avant eux, adjoint à la culture, Etienne Nicolau, le neveu de Bernard, très agréable et passionné par cette fonction : il me faisait confiance; j'aimais son émerveillement devant les oeuvres d'art... Le travail fut très agréable grâce à cette joie de la découverte et à notre complicité...
Au début, quand je fus catapultée, à l'âge de vingt-cinq ans, dans le musée sinistré du quartier Saint-Jacques...quelle situation ! Ma seule bouée fut, alors, de donner des cours d'histoire de l'art à l'Université...
J'étais tout de même bien soutenue, au sein de la mairie, par l'équipe de Pierre Gaspard, adjoint au maire et Michel Pinell, conseiller municipal en charge de la jeunesse, Sergine Offendis, chef du service jeunesse et Jacky Ramonet, directeur du Palais des Congrès ! J'ai même alors organisé des animations à la cité Bellus dans les quartiers populaires et gitans, en coordination avec les jeunes des cités. On a également donné des représentations du Malade Imaginaire et un spectacle sur Villon à l’ancien musée Rigaud, dans la salle d’honneur. Pièces montées par le théâtre de la Rencontre.
Avec l'installation du musée au centre-ville, acheté un million cinq cent cinquante mille francs (plus les frais de notaire ou autres) en 1973, ce fut plus facile...
J'ai été la première en France à créer un musée pour Enfants (1973) et un Service Educatif de musée (1978) (c’est-à-dire lorsque le musée était encore dans le quartier St Jacques) et à organiser des animations dans les salles du musée, en coordination, entre autres, avec le Conservatoire de musique : des petits concerts de harpe, de guitare, ou des auditions de théâtre...ont été organisés avec des professeurs du Conservatoire dès 1980.
Les regrets...
Un regret, cependant, fait surface : "Ce qu'on a raté, c'est la coordination avec les galeries de peinture de la ville : avec celle de "La Main de Fer", de Raymond et Raymonde Anglade en particulier...
Mon vrai regret est que ce qui était le syndicat d’initiatives n’ait pas programmé de visites des musées de la ville... par exemple pour le musée Puig, abritant la première collection de numismatique de France; là, un reproche : nous sommes nombreux à penser que M. Lliboutry, alors adjoint de Paul Alduy en charge de la culture catalane, et Mme Matamoros ont interprété le testament du Docteur Puig qui voulait un lieu consacré à tout ce qui concernait l’histoire et la culture de son pays, davantage me semble-t-il, dans une optique d’Art et Traditions Populaires . A l’époque où son testament a été rédigé, il ne s’agissait pas d’un projet catalaniste, or on a créé le Centre D’Animationde la Culture Catalane; les locaux de la villa sont occupés par la culture catalane et les monnaies sont réduites à la portion congrue !
Je dois cependant reconnaître que la muséographie mise en place par Mme Matamoros pour présenter ces monnaies est somptueuse, qu’elle n’a pas vieilli... et qu’elle a même été imitée plus tard, par le musée de la Monnaie, à Paris. Cependant maintenant, il faudrait réaménager la villa des Tilleuls en profitant du regroupement de la bibliothèque catalane avec les collections de la médiathèque. De même, il faudrait que les habitants aient accès à l'hôtel Pams, comme avant lorsqu’il y avait la bibliothèque ! "
Mais le grand regret de Mme Valaison concerne la destruction de la caserne Saint-Martin, où logeait la légion étrangère : "Le docteur Torreilles (adjoint à la culture avant 1973) y était opposé; il m’avait demandé d’aller y faire des photos et de faire des propositions d’utilisation de ce lieu. Roger Mauréso et moi-même avions proposé, par exemple, d'en faire un centre artisanal et un marché d’artisanat d’art, avec la participation d'artistes et d'étudiants de l'école des Beaux-arts, toute proche. Paul Alduy a laissé faire la destruction..."
"Aujourd'hui, la culture est dirigée administrativement par Jordi Vidal, un homme sérieux, carré, compétent, bien entouré par d’excellents collaborateurs. Il a sauvé les Archives municipales ! Quant au théâtre de L'Archipel, on regrette l'argent que ça coûte : pour le financer il est évident qu’il faut « déshabiller » les autres lieux culturels; le besoin d’un théâtre aussi coûteux était-il urgent ? Avec les sommes qu’il coûte on pourrait donner aux musées et à la médiathèque, les moyens de fonctionner. Espérons que le projet d’agrandissement du musée Rigaud que porte le maire de Perpignan, M. Pujol voit réellement le jour. Je fais toute confiance à Elisabeth Doumeyrou le conservateur qui en a la charge, pour faire une très belle réalisation à la fois sur le plan scientifique et sur le plan esthétique.
A présent, Marie-Claude Valaison se passionne pour un travail transfrontalier, mené par 32 communes du Vallespir et 7 communes de la Vall de Camprodon, afin de valoriser le patrimoine; il existe une réflexion tous azimuts pour cette région, qui bénéficie d'un label national, émanation du Ministère de la Culture, celui de Pays d’Art et d’Histoire transfrontalier (le premier pays d’art et d’histoire transfrontalier de France, et à cde jour, le seul !). La langue de travail est le catalan; le projet est porté, par, la Drac du Languedoc-Roussillon, mais aussi par la Generalitat de Catalunya et la Mancomunitat de Camprodon et aidé par le Conseil Régional du Languedoc-Roussillon et le CG 66 ... Ce fut au départ une idée de M. Sicre, ancien maire de Céret qui présidait alors le Pays-Pyrénées-Méditerranée, Le président de ce regroupement transfrontalier est Francis Manent, maire de Saint-André.
Mme Valaison, quant à elle, participe au conseil scientifique et au comité de pilotage :
« La démarche a une logique territoriale; moi, j'ai une pratique personnelle que je mets, bénévolement, à la disposition de ce pays; j'ai été la caution scientifique; je suis très enthousiaste : j'essaie de « vendre » cette appellation "Pays d'Art et d'Histoire". Avec la passion des guides qui ont une formation de très haut niveau culturel, sanctionnée par la délivrance de la carte nationale de « guides conférenciers », des commerçants, cela peut fonctionner même hors des vacances scolaires. Et je viens de le démontrer en accueillant, en octobre, pendant 3 jours en Vallespir, un groupe, celui des... Amis du Musée de Millau !!! Je n’oublie pas ma ville natale !!Le siège de cette structure transfrontalière se trouve à Prats-de-Mollo..."
Marie-Claude est toujours aussi fraîche et spontanée, franche et passionnée. Je ne me fais pas de soucis pour elle, durant sa "retraite" : la voici lancée dans une nouvelle aventure artistique, loin de la ville qu'elle a tellement fréquentée, loin des oeuvres qu'elle longtemps étudiées, prenant ainsi du recul...au vert !
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(1) Beau livre broché - Editions du Rouergue - octobre 2012 -Photographe renommé de l’après-guerre, Jean Ribière a séjourné à plusieurs reprises en Aveyron, laissant des archives inestimables sur la vie du département dans les années 1950. Cet album réunit 100 de ses plus belles photographies.
(2) accueilli en 1939 par la famille de Martin Vivès : une exposition lui a été, à cette époque, consacrée sous la Barre, dans la pâtisserie fameuse, avec des dessins créés sur des papiers pour gâteaux !
(C) JPB (extrait du livre Une mémoire culturelle en Catalogne)