38 témoins, film de Lucas Belvaux. Le fait divers -vol d'un vélo, viol et violence sur une jeune fille- a eu lieu à New Yok. L'histoire est transposée au Havre, port métallique, ville fantôme, lieu des lâchetés et des indifférences. Comme partout, dans le monde. Les hommes sont égaux dans la bêtise et la peur, la solitude et le crime. C'est un roman noir, inspiré de Didier Decoin, plus qu'un polar.
Le spectateur, qui a mauvaise conscience, peu à peu, s'identifiant à Yvon Attal, se tasse dans son fauteil et s'angoisse du silence de la salle obscure et de la ville portaire filmée sous tous les angles du clair-obscur. Les habitants ne sont plus que des ombres, les figurants que l'ombre d'eux-même, des moribonds, des anti-héros, des anti-hommes, glissant dans le déchirement.
Une parole se libère, un cri, enfin, une réaction, mais venue trop tard et c'est la déchirure du couple. Belvaux a pensé à Ribaud, au "Dormeur du Val", moi j'ai imaginé la délation et les lâchetés de l'Occupation : 1940, un pays occupé par le fascisme et le rouleau compresseur de la mort.
Les files d'attente pour les camps, les trains, l'enfer, la mort lointaine, en Allemagne ou en Pologne. Ce film nous dit que tout cela ne doit pas recommencer. C'est pourtant le lot quotidien d'un humanité qui n'en finit pas de se chercher... Et de se perdre !