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Création et information culturelle en Catalogne et... ailleurs.

Catalogne : le désir d'indépendance (2) - les symboles culturels populaires catalans

canigou.JPG Canigou depuis Villelongue dels -onts (C) Jean-Pierre Bonnel

 

** Les symboles culturels populaires sont les moteurs de ce désir d'émancipation et les armes de l'Indépendance annoncée :

 

-le drapeau catalan sang et or flotte sur de multiples habitations individuelles

-le correllengua (ou "langue qui court") est une initiative annuelle du collectif citoyen CAL

-la flamme, symbole de la résistance catalane

-l'hymne national catalan "Els Segadors", inspiré d'une vieille chanson populaire

-la sardane, danse de paix, de solidarité, d'un peuple qui refuse la mainmise de Madrid

-les castelers, tours humaines, symboles de la fierté, de l'ambition d'un peuple épris de verticalité

-la littérature et les épopées catalanes (CANIGO, par exemple)s sont des oeuvres populaires pour un peuple qui lit et fête la Sant Jordi en envahissant les rues de Barcelone pour voir des auteurs et acheter des ouvrages...

- la Diada, fête nationale du 11 septembre, avec organisation d'une marche immense pour obliger le président national nationaliste à organiser un référendum d'autodétermination: la "Viia catalana", vaste chaîne humaine, des Pyrénées à Tarragone...

 

(à l'opposé, le castillan et la corrida sont des repoussoirs.)  J.P.Bonnel -

 

 

  • ***Catalans: les paradoxes d'un peuple complexe 

Retranchés sur leur territoire mais ouverts sur les autres, discrets hors de leur fief mais extrêmement fiers de leur culture et de leur identité, les Catalans sont tout en nuances. Plongée dans l'âme catalane. 

 

perpignan_4026959.jpg

 

DESTINEES. Cédé à la France en 1659, Perpignan a partagé près de huit siècles d'histoire commune avec ses cousins espagnols.

 

Septième jour de la Genèse. Dieu et saint Pierre passent en revue le monde qui vient d'être façonné. Soudain, saint Pierre interpelle le Créateur: "Dans ce petit bout de terre, je vois la mer, la montagne, la campagne, la vigne et le soleil. N'est-ce pas un peu injuste pour les autres?" Dieu lui répond dans un sourire: "J'ai fait une faveur aux Catalans car je sais qu'ils resteront discrets." Cette blague catalane, que les amoureux du "pays" servent crânement aux touristes, connaît bien sûr de multiples déclinaisons régionales. Mais elle résume assez bien quelques-unes des grandes caractéristiques de ce peuple atypique. 

Lire le dossier complet "Perpignan. Les Catalans" dans notre édition régionale en kiosque mercredi 4 septembreLa fierté du territoire, tout d'abord. Des paysages verdoyants aux criques escarpées de la Côte Vermeille, des monts enneigés de Cerdagne aux vignes généreuses du Roussillon, le Catalan du Nord -désigné ainsi depuis les années 1970 par rapport au voisin d'outre-Pyrénées- s'identifie profondément à son département. Probablement parce que les Pyrénées-Orientales ont conservé une cohérence historique. "Pour une fois, la France a bien fait les choses, explique Jean-Marc Pujol, maire (UMP) de Perpignan. Alors que beaucoup de peuples se sont retrouvés à cheval sur deux départements ou intégrés à un ensemble plus vaste, les frontières des Pyrénées-Orientales embrassent celles de la Catalogne du Nord historique.

L'absence de gentilé ne doit rien au hasard. "Nous n'avons pas besoin de nom pour désigner les habitants! s'exclame Alà Baylac-Ferrer, historien à l'université de Perpignan. Ici, on est avant tout de Cerdagne, de Perpignan, de la côte... Dire qu'on vit en territoire catalan convient à tout le monde." Cet esprit catalan fut forgé pendant près de huit siècles de destinée partagée avec le Sud, ­notamment lorsque Perpignan fut la capitale glorieuse du royaume de Majorque (1276-1344). Il explose dans les moments de ferveur collective, notamment lors des matchs de l'Usap ou des feux de la Saint-Jean. 

Malgré l'installation de 5500 nouveaux habitants par an, l'identité catalane résiste bien. Elle s'entend -l'accent domine toujours dans les rues-, se voit-le drapeau sang et or trône fièrement sur les monuments (le Castillet), les institutions (mairies, conseil général), certains commerces et balcons- et se vit. La culture catalane ne se résume pas au folklore des danseurs de sardane qui réjouissent les ­touristes en été. "Ceux qui viennent d'ailleurs sentent tout de suite une atmosphère différente. Notre identité est palpable", résume Jaume Roure, l'adjoint chargé des affaires catalanes à Perpignan. 

Il existerait autant de façons d'être catalan que de Catalans eux-mêmes

Deuxième singularité locale: l'"Homo catalanus" disposerait d'une tendance paradoxale à exhiber son identité lorsqu'il est chez lui, mais à se montrer très discret dès qu'il met le pied plus au nord, c'est-à-dire dès... Narbonne. "C'est notre côté grande gueule du Sud, sourit Christiane, 48 ans, employée d'un bureau de tabac à Perpignan et catalane depuis dix-neuf ans. On sort les drapeaux à la moindre occasion, on hurle à s'en péter les tympans pour soutenir l'Usap, mais le reste de la France nous connaît peu!

A la différence des Bretons ou des Corses, les Catalans du Nord créent peu d'associations identitaires hors de leur fief. La réserve fait-elle partie du caractère local? Jérôme Pujol, le président de l'Association des cadres catalans de Paris, en est persuadé: "Etre catalan, c'est choisir d'adhérer à un territoire et à son art de vivre, explique cet Argelésien à l'accent dilué par vingt ans de vie parisienne. La plupart ajoutent le rugby et la gastronomie. Une minorité se définit par rapport à la langue, à la culture et à l'Histoire. Mais il n'y a rien d'ethnique ou de revendicatif.

Il existerait donc autant de façons d'être catalan que de Catalans. Rien d'étonnant. Situé en plein couloir méditerranéen, le département est une terre d'immigration. Des Gitans de Barcelone aux retraités de Normandie, en passant par les réfugiés espagnols du franquisme, les Portugais, les pieds-noirs d'Algérie et les Maghrébins, les Catalans ont absorbé maintes vagues migratoires. Symbole de ce métissage, le maire de Perpignan, Jean-Marc Pujol, est tout à la fois pied-noir et catalan. 

Prise de distance

Les nouveaux venus adoptent en général assez vite le pays. Quelques semaines suffisent pour goûter sa première escalivade de légumes et assimiler les particularismes locaux: le village de Baixas ne se prononce pas "béxas" mais "bachas" ; on passe la toile et non pas la serpillière, et on demande une poche à la place d'un sac en plastique... Dans la rue, maîtriser quelques rudiments de catalan, à l'image de "bon dia" pour saluer ou "fins aviat" pour "à bientôt", attire toujours un sourire bienveillant. 

Si les Catalans ouvrent grand leurs bras à quiconque montre un intérêt pour leur culture, l'affirmation d'une identité forte passe aussi, comme en Corse ou au Pays basque, par une prise de distance vis-à-vis du reste de la France. A commencer par les Audois, coupables d'occitanisme. Alexandre Combes, 25 ans, originaire de Port-la-Nouvelle, peut en témoigner. Il fut surnommé "le gavatx" (l'étranger, prononcer "gabatch") lors de sa scolarité à Perpignan. "Tous les Audois étaient traités ainsi, mais ce n'était pas méchant, juste un peu moqueur", se souvient-il. 

Les Montpelliérains, eux, sont accusés de mépris. Beaucoup de Catalans lèvent les yeux au ciel en repensant à l'épisode "septimanien" de Georges Frêche. En 2005, l'imprévisible président décidait de rebaptiser la région "Septimanie", en référence à un royaume wisigoth du VIIIe siècle qui épousait peu ou prou les frontières du Languedoc-Roussillon. Les Catalans le vécurent comme un affront. "La mobilisation a largement dépassé les cercles catalanistes. Frêche a choqué tout le monde en niant aussi effrontément l'identité de tout un peuple", explique l'historien Alà Baylac-Ferrer. La ­résurrection de la Septimanie ne fera pas long feu. "On ne rapproche pas le Languedoc et le Roussillon avec un nom commun mais en développant des partenariats, estime Jean-Marc Pujol. Or, je suis incapable de vous citer une seule entreprise montpelliéraine implantée à Perpignan alors que j'en connais une dizaine originaires de Barcelone.

Une double frustration

C'est un fait: les Catalans se tournent de plus en plus vers le Sud. Les barrières économiques et géographiques s'atténuent. D'ici à la fin de l'année (en théorie), Perpignan ne sera plus qu'à quarante-cinq minutes de TGV de Barcelone alors qu'il faut compter une heure et demie pour rejoindre Montpellier en train. Mais la fracture politique et linguistique, elle, semble infranchissable. Avec seulement un peu plus de 20% de bilingues, la question d'associer les "cousins" du Nord au processus d'indépendance de la Catalogne ne se pose même pas. 

"Historiquement, Perpignan est catalane. Mais l'influence de la France depuis trois siècles a changé la donne", confirme Joan-Lluis Lluis, responsable du service de langue catalane à la Casa de la Generalitat de Catalunya, la délégation du gouvernement sud-catalan à Perpignan. L'immense majorité de la population se sent en phase avec cette affirmation, à l'exception de certains catalanistes qui couperaient volontiers le cordon avec la France. A l'image du musicien Raph Dumas: "Je me considère ­davantage catalan que français. Etre intégré à une Catalogne indépendante me plairait bien.

En attendant, beaucoup de Catalans bilingues ressentent, parfois inconsciemment, une double frustration : celle de ne pas se sentir complètement français et celle de ne pas partager les destinées de la "vraie" Catalogne, où la langue est parlée par près de 80% de la population. 

Si un monde sépare le catalaniste bilingue et le retraité parisien, tous se mettent d'accord sur l'essentiel: la fierté d'être catalan. Et gare à ceux qui oseraient les critiquer. Les Catalans sont accueillants, mais ne retiennent personne.  

(C) Sylvain Rolland - - Dossier de L'Express (3/9/2013)

En savoir plus sur http://www.lexpress.fr/region/midi-pyrenees/catalans-les-paradoxes-d-un-peuple-complexe_1278122.html#T4JsthGDweWRQhXk.99 

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