Le quine -ou loto, selon les régions- est un jeu convivial qui permet de se retrouver en famille ou entre amis, autour d'un carton et de passer quelques heures joyeuses ensemble.
Même si le hasard, la chance, la bonne ou mauvaise fortune, limitent ici l'initiative du joueur, cette activité ludique exige cependant des qualités certaines.
Ainsi, une gymnastique précise des doigts est nécessaire pour placer sur les chiffres le témoin choisi : grain de maïs, lingot de Saint-Girons ou piécettes de deux ou cinq centimes d'euro. Surtout, c'est l'attention qui est sollicitée afin de ne pas omettre une annonce ou l'explication d'une règle du jeu : c'est pourquoi la salle exige le silence (mais c'est aussi par colère et jalousie) quand un malheureux apostrophe le sort en criant : "Emmène-le !".
Parfois, par jeu et mimétisme, des groupes poussent la même exclamation -seul moment où le public s'accapare la parole-, et l'animateur, au micro, de réclamer le silence : son autorité a été menacée ! C'est surtout son pouvoir, né de la création verbale, de sa capacité à dire de "bons mots", en annonçant les chiffres fatidiques), qui est "volé", un instant, par l'auditoire...
Cependant, cette rivalité est un rite : elle permet un dialogue amusant, un échange amical entre les joueurs et les organisateurs. Malgré les codes et les formules connues -et souvent coquines- (le 4: à 4 pattes; 66 : les deux en l'air; 69 : la culbute, ou la télé du pauvre;68 : l'antichambre...), les réparties sont joyeuses et souffle, souvent, au coeur de la rifle, l'esprit !
Le bel esprit et l'humour sont incarnés par l'annonceur qui, en général, est une figure du village; il doit faire preuve d'imagination et d'invention langagière, afin que le jeu ne se résume pas à une affaire de gain, de lots gagnés ou de recettes pour un club, une association, etc...`
Soudain, le vainqueur de la ligne ou du carton plein jette un explosif "Halte !" et la foule pousse un soupir collectif de déception; on attend la vérification en espérant que le joueur ait commis une erreur... Hélas ! Mais ça recommence, voici une nouvelle partie; fusent les "Monte-le !", les "Touche-le !"; l'annonceur plonge sa main dans le sac bourré de nombres et sa voix enjouée distille des mots doux : "Le 6 : le facteur part en tournée!", le 9 : queue en bas : le facteur revient de tournée!"; "68 : à la porte du bonheur !"; "75 : les Parisiens, les envahisseurs !"
Le public s'amuse, rigole; on boit des bocks, des cafés... On ignore le plus souvent que le quine, à l'origine, était un jeu de bagnards; il était fait pour faire patienter ceux qui devaient partir pour la Guyane; les illettrés étaient légion, c'est pourquoi, on donnait à chaque numéro une appellation; les bagnards qui partaient de l'Arsenal de Toulon ont essaimé le loto dans tout le sud de la France...
Les jambons sont partis, presque tous les lots ont été distribués... La soirée s'achève sur une "consolante" ! Les familles et les amis repartent chez eux bredouilles ou chargés d'un lourd panier, mais tous ont passé un agréable après-midi d'hiver dans le café de leur village ou de leur quartier...
On se rejoue les parties : "70 : l'année terrible", "51: avec un glaçon", "54: Mireille", "69: en l'air et en bas", "33 : chez le docteur", "75 : boum-boum", "2 : c'est un mâle", "15: l'Usap", " 72 : lève la blouse !", " "59 : les gens du Nord", "11 : les deux gendarmes", "11 : les gens de l'Aude" ou : "les belles jambes", "7 : bien compté", "4 : chapeau !", " 14 :l'homme fort", "20 : il est chaud", "3 : en Champagne", "80 : dans le coin", "34 : le héros", "7 : la picasse", "12 : à la douzaine", "58 : la CRS", "26 : la musique", "30 : en poussant", "2: comme papa", "89 : la mère Denis"...