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Par leblogabonnel
La Méditerranée à Banyuls (tombe de Maillol- photo J.P.Bonnel)
Hier soir lundi, au cinéma Castillet, Fernando Trueba présentait son dernier film, en compagnie de l'actrice voluptueuse Aïda Folch. "L'artiste et son modèle" est un long métrage poétique, en noir et blanc, nourri de peu de dialogues ou de répliques sur l'art, mais les images, où coule la lumière horizontale d'une fin d'après-midi en Vallespir, mettent en valeur les épaules des statues...
Sur le thème du dialogue entre le vieil artiste et la jeune femme sensuelle, on pense tout de suite au récent Renoir : la réflexion sur l'art et les jeux de miroir entre le modèle et le peintre est très limitée. On se réfère surtout, pour une approche plus approfondie et pour des images encore plus voluptueuses, grâce aux formes d'Emmanuelle Béart, au film sur "La belle noiseuse".
Le film intimiste de Trueba se limite au face à face, dans un mas isolé (on pense à la "Métairie" de la vallée de la Rome, à Banyuls, avec sa rivière), dans la montagne : seule la venue d'un compagnon, d'un Résistant ou d'un Allemand, désirant écrire un livre sur le sculpteur, vient interrompre ce diaphane dialogue. Quelques scènes montrent l'épouse de l'artiste et le marché de Céret, mais ces moments de reconstitution rapide de la France de 1943, sont d'une utilité et efficacité très relatives. On préfère le retour à la glaise, au plâtre et à la peau caressante de la jeune fille...
F. Trueba a prétendu inventer un personnage fictif en s'inspirant de plusieurs artistes : son frère, décédé, Manolo Hugué, exilé à Céret, Picasso...et Maillol.
Il s'agit surtout de Maillol car tout (lieux, personnage de Dina, petites statuettes - on reconnaît "L'action enchaînée" et mille autres, la naïveté de sculpteur pendant l'Occupation et ses relations avec les Nazis...), même si manque la barbe à Jean Rochefort ! D'ailleurs le générique remercie Dina Vierny et son fils Olivier Lorquin, le conservateur de la fondation parisienne.
Dina n'a sans doute pas vu le film, mais elle serait contente de la vision, édulcorée, qu'en donnent le réalisateur et le scénariste, J.Claude Carrière : un Maillol Résistant (malgré lui, il est vrai), reclus dans son mas, une Dina qui organise des passages vers l'Espagne (on ne parle pas de la fameuse robe rouge, belle légende, mais c'est inutile : le film est en noir et blanc !)...En outre, Dina n'était pas, à Banyuls, aussi sage et présente qu'on nous le montre: les souvenirs de Frère, l'ami de Maillol, décrit les retards du modèle et les colères du sculpteur...
Ce n'est pas un personnage fictif: Maillol est partout, et surtout dans les images finales qui s'attardent sur la gestation de "La Méditerranée": erreur historique, car cette statue date de 1905/07, et non de 1943, et l'oeuvre ultime, inachevée d'Aristide est "Harmonie".
On a le droit de mélanger ainsi l'imaginaire et le réel, avec des personnages aussi ancrées dans l'Histoire..?
Peut importe : on ne conservera que cette vision de la lumière sur "La Méditerranée" transformant le plâtre blanc en un marbre virginal... Vision, d'ailleurs, de la la version de marbre blanc qui se trouve au musée d'Orsay...
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