* Tombe l'hiver, encore un. On n'y croyait pas, pourtant, il faisait un automne si chaleureux ! Il faut vite rentrer, réintégrer la pièce fatale des habitudes : la table, l'ordi, la tasse de café, le cendrier, la petite vie du studio... L'inconfort chaleureux du domicile : le compagnon y écrit lui aussi, ou lit ou raconte une anecdote amusante; le dialogue est criblé d'ironie, d'un cynisme tragique à la Cioran. Puis, surtout, il faut réintégrer la page, le texte, le poème, après avoir réinvesti le bercail. Ecriture serrée, volume de prose poétique enserré dans l'armure de la ponctuation. Ne pas laisser un seul espace entre les mots: les phrases sont souvent nominales, les comparaisons inédites, l'humour de glace et la philosophie charbonnière...
L'ouverture sera la rue et la terrasse des cafés, lieu pour écrire, emmagasiner le spectacle des autres et le traduire pour soi, avec ses propres armes, pour le faire rejaillir...
* Mars 2004, je reviens du salon du livre de Paris, avec les éditions Balzac, au stand de la région Languedoc-Roussillon, en compagnie de Robert Triquère, Philippe Salus, Pierre Avril, Marie-Ange Falquès, Anne Potié, Sergueï Dounovetz (auteur de "Fleuve noir"). Le stand du L.-R., près de celui de la région PACA, trône dans cette énorme foire aux livres, qui vient de succéder au Salon des Paysans : après l'Agriculture, la littérature, après les paysans, les écrivants ! A certains endroits, on hume encore quelque relent de crottin et de bouse de vache; ces senteurs confèrent du "caractère" à ce parc d'exposition bien insipide. Entre quelques débats sur la Chine, les signatures de quelques vedettes du cinéma et de plumitifs mediatiques, les Catalans attendent les lecteurs virtuels, les Catalans de Paris, les exilés de la capitale. Balzac retrouve quelques traducteurs de son catalogue pendant que ses deux auteurs présents, Dounovetz et Bonnel J.P. signent à tour de bras... Mare Nostrum montre son DALI, les Trabucayres sont absorbés par la correction de manuscrits. Nicole Soubrier, ancienne libraire de la "Rive gauche" à Perpignan et Jacques Gautrand (édité aux Pré aux clercs), invité récent par le cML au Conseil général 66, viennent me rendre visite... On croise Anne Hébert la Québécoise, Sempé qui dessine en guise de dédicace et Jean D'Ormesson, petit vieux maigre et cassé, jouant toujours les dandys. Partout du papier, des livres, des livres ! qui prétend que la civilisation du livre est morte..?
Je lis dans le TGV la "Disgrâce" de Coetzee; le livre s'ouvre sur cette formule insolite, amis vraie : "Les putes accueillent les extases des disgracieux." Le roman débute par la relation du narrateur avec une prostituée de luxe... Ensuite le prof de fac entre en disgrâce à cause d'une liaison inadmissible dans le milieu universitaire. L'ouverture est poétique, le rencontre est heureuse; la suite de la narration décrit la déchéance d'un ton sec, indifférent : le personnage accepte la situation et les accusations; il se réfugie chez sa fille, puis c'est la victoire d'un harcèlement violent et de la chute finale...
* J'ai souvent les boeufs plus gros que l'étable.
* Fête à Saint-Laurent de Cerdans. Carnaval : cette année, la thématique des putes a été choisie... La population et les visiteurs ont à leur disposition trois lieux pour s'éclater : l'un est branché, jeune, rempli comme un oeuf, à s'asphyxier, mas la musique est excellente !
Ensuite, un petit café, plus miteux, ambigu: on se demande qui est, ici, homme ou femme... Enfin, la grande salle pour le carnaval des plus jeunes; pour cinq euros, on peut entrer et se nourrir de façon diététique : bière forte, crêtes au nutella, frites au ketchup, barbe à papa onctueuse et rubescente pomme d'amour...