Marion Poirson-Dechonne est connue dans la région pour son inoubliable roman policier, Serial Vénus (sur l'influence des images sur les esprits, relecture de La Vénus d'Ille), publié en 2009, par les éditions Trabucaïres; on attend d'ailleurs avec impatience la sortie du second volume, Flics & Geeks. Marion est aussi active à Perpignan à l'Institut Jean Vigo. Passionnée de cinéma, elle enseigne les études cinématographiques à l'Université Paul Valéry de Montpellier. Auteur d'une thèse intitulée Le théâtre dans le cinéma, la question du spectateur, elle a aussi dirigée un numéro de Cinémaction "Portraits de famille". Cet auteur va s'affirmer encore plus avec la publication récente d'un essai brillant et original sur la question des images dans le cinéma, leur violence, leur proocation : Le cinéma est-il iconoclaste ?
L'ouvrage débute par une longue et utile introduction, définissant les termes : iconoclasme signifiant selon l'étymologie "un briseur d'images"; l'évolution sémantique, en 1690, désigne alors celui qui proscrit la représentation de personnes divines, des saints et des oeuvres d'art; au XIX ème siècle, le terme acquiert un sens péjoratif "celui qui est hostile aux traditions, aux formes héritées du passé, jusqu'à les détruire".
Le livre (*) brosse ensuite un contexte historique souvent méconnu : attitudes des églises et des religions face aux images saintes et à la représentation divine. Cette mise en perspective du passé rejoint bien sûr l'actualité la plus récente avec l'affaire des caricatures de Mahomet et du saccage de Charlie-hebdo... L'auteur évoque les militants islamistes (destruction des Bouddhas de Bamyan par les Talibans, menaces de mort à l'égard de Ayaan Hirsi Ali, coréalisatrice de son film "Submission"), mais aussi des Chrétiens fanatiques et intégristes (incendie d'un cinéma au Quartier latin, à l'époque de la projection du film de Scorsese, interdiction, à Lyon, du film de Claire Simon "Les bureaux de Dieu", après l'action musclée d'un groupuscule catholique...)
Enfin, l'essai s'attache à la signification moderne du terme "iconoclasme", synonyme, désormais, de sacrilège, ironie ou blasphème (**) et au "contenu des films jugés scandaleux au regard de la morale ou de la loi chrétienne." (page 14)
Cette partie très riche, en argumentation et documentation, analyse les films célèbres qui ont donné une représentation de la religion "incompatible avec le dogme ou l'Ecriture"; ces oeuvres sont jugées iconoclastes pour des "raisons tant esthétiques que religieuses"; il s'agit, par exemple de L'Age d'or, La Dolce Vita,, Je vous salue Marie, Les Communiants, La dernière Tentation du Christ...
Je vous invite à parcourir des chapitres passionnants, tels que "la figure de la star", "Le Messie ou la banalisation de l'image", "Iconoclasme et parodie" consacré aux films de Luis Bunuel... L'envie vous prend, soudain, de revoir ces longs-métrages ! La certitude, tout d'un coup, d'être devenu plus cultivé et plus intelligent, jaillit en vous, grâce à ces trois cents pages d'une écriture alerte et assurée !
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(*) Editions du Cerf, 2011, 35 euros.
(**) A ce propos, il faut signaler l'excellente étude publiée dans le quotidien Le Monde (daté des 25 & 26/12/2011) : "L'art très contemporain du blasphème", de Stéphanie Le Bars, citant Alain Cabantous (A.Michel, 1998) et F.Boesofug (Bayard) et non Marion Poirson qui, elle, c'est vrai, s'intéresse à la question du blasphème au cinéma, et non dans la peinture.