2. Elle
Un soir de vieille lune, je me suis épanchée sous notre duvet de plumes.
Pourtant je n'avais que des mots, que des paroles folles que ma pudeur ne pouvait plus retenir. Mon cerveau me disait « Tais-toi donc! Il ne supporte plus tes questions », mais mon cœur battait la chamade et je ne pouvais trouver le repos tandis que toi tu t’enfonçais lentement dans le sommeil. Je t'ai parlé de mon amour pour toi, de cet amour sans retour, sans espoir. De ce sentiment profond qui hante toute ma raison. Je parlais, parlais, te disais que le mieux pour moi serait de ne plus t'aimer, que cela faciliterait ma vie puisque le partage de cet émoi n’était pas au rendez-vous.
A ce moment-là, tu m'as enfin répondu, objectant que j’étais trop dans l'attente, que je ne savais pas me faire désirer, que je ne me battais pas assez pour me faire aimer. Tu me tenais un vrai discours de prof. d'école de Commerce. Ce n’est donc que de l'amitié que tu éprouves pour moi ? Ai-je lancé. Tu as rétorqué un non, comme pour me rassurer, tout en enchaînant que ce n’était tout de même pas de l'amour pour que je ne me fasse pas de fausses idées. Mon monologue initial devenait enfin un vrai dialogue.
Toi qui fuis sans cesse devant mes interrogations, tu m’écoutais enfin et me répondais. Sans pour autant enlever mes doutes, car pourquoi tes sentiments se transformeraient-ils soudain un jour en amour ? Tu m’expliquas qu’il fallait tout d'abord que je m'aime moi-même pour être aimée de quelqu'un d’autre, que je manquais de confiance en moi, que je me rabaissais tout le temps, qu’il me manquait ce petit grain de folie pour te faire vraiment envie. Qu’il fallait que je t'affronte, me batte pour que tu me désires comme amante. Amante, aimante, mais non aimée, une amoureuse sans amoureux, voilà donc ce que je suis ? Tu m'as dit, comme pour me rassurer, que j’étais tout de même une baiseuse ce qui selon toi était déjà un point positif mais que je me positionnais toujours en demandeuse, en quêteuse d'amour.
Oui, je suis une demandeuse d'amour, oui je voudrais tant être aimée de toi. De toi, je précise bien, et de nul autre, car je n’ai jamais eu de difficulté à avoir quelqu’un à mes côtés. Je ne m’accroche pas à toi, faute de n'avoir rien d'autre à me mettre sous les crocs. Non, c'est avec toi que je veux être. Je ne serais donc jamais celle que tu attends, en ai-je conclu, celle qui a du tempérament, de la verve, du bagout, celle qui te rabat le caquet et te dit : « Dégage, laisse moi en paix. Quitte moi ! »
Oui, quitte moi, c'est la meilleure solution pour toi comme pour moi, tu es en train de perdre ton temps à mes côtés. Pars ! Va vers une plus belle, une plus vive, une plus intelligente et cultivée, une plus sportive. Il faut que j'apprenne à te désaimer. Une L quoi, c’est elle qu’il te faut, moi je n’ai pas cette envergure-là. Non, m'as-tu dit, tu ne voulais pas d'une femme qui en dépit de son trop plein de vie te traite de « mange merde » Il ne faut plus que tu sois mon « objet amoureux », t'ai-je dit. Ce terme « d'objet amoureux » t'a choqué, il a fallu que je t'explique que cette figure était souvent utilisée en psychologie et n'avait absolument rien de péjoratif. Cela signifiait juste qu’il fallait que j'apprenne à vivre en sachant que tu ne m'aimerais jamais. Qui sait? Peut-être, un jour, as-tu marmonné.
Tout en te parlant je te caressais les cheveux, dès que tu es à mes côtés, j'ai envie de te caresser, de t'embrasser, de te prendre dans mes bras ou de me lover entre les tiens. La chaleur de ton corps traverse ma peau et m'apaise. Te prendre la main et la serrer contre moi me rend plus forte. Mais je dois m'être trompée de siècle. Je ne suis pas adaptée à ce monde où être serviable devient être servile, être gentille signifie être bonne poire et où être généreuse n'est qu'une marque de faiblesse.