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Procession du Sang.
L'obscène procession du vendredi saint
La croyance pratiquée dans la solitude d'une cellule, le dialogue avec le sacré, tenté dans le silence d'un retrait, d'une retraite, sont respectables et dignes d'admiration.
Je voudrais être un croyant sincère. Hélas, ne suis qu'un mécréant !
Un matérialiste qui s'insurge à la vue d'un cortège noir de mort et de rouges encagoulés, jouant la contrition et la pénitence ! N'est-ce pas là exhibition, prosélytisme montrés dans le centre-ville paralysé, mobilisé pour l'événement religieux, alors que la rue devrait rester laïque..?
Que dit le catholique franchouillard, le citoyen tenté par le vote éfen, à la vue de Musulmans priant dans une rue du quartier de la Goutte-dOr..? Qu'il y a des maisons pour ça, pour la religion, que notre République est laïque, et là encore l'extrême-droite peut poser la bonne question, tout en jouant un double jeu, et se cacher sous la robe noire et la cagoule du pseud-pénitent...
Quand le rituel religieux s'exprime dans l'espace public, sous la forme de la procession du vendredi saint, je prends le large, alors que des milliers de curieux et de touristes, moins mystiques et fanatisés qu'on pourrait le croire, s'emparent du parcours du funèbre cortège !
Répéter chaque année la Passion du Christ dans les villes méditerranéennes est en effet un choix motivé plus par l'argent du tourisme que par la méditation divine. A la monstration du corps flagellé, torturé, répond le voyeurisme des foules vacancières : les Catalans du Sud venaient à Perpignan, tandis que les habitants du 66 se rendaient à Barcelone pour encourager l'USAP...Célébrer un autre Veau d'or !
Les anciens polythéistes et les Romains superstitieux et racistes ont condamné le Juif errant et ont inventé le Christ sur la Croix; ils ont tué ce Juif qui va donner naissance au monde chrétien.
Pour le croyant qui veut perpétuer le rite et la tradition, les "misteris" ( mystères, symboles religieux parés de fleurs) montrent une fois l'an le saint paré d'une "aura" indéfinissable, bien analysée par W. Benjamin.
Pour l'athée, libertin ou raisonneur, "grand méchant homme", ce spectacle trouve sa place dans les "fantasmagories", simulacres et mensonges séducteurs, inventés par d'autres matérialistes, financiers eux, croyant plus en l'argent qu'en l'esprit saint... Aube faussement candide du financier, scapulaire de la crapule, "caparutxe "ou cape rouge du condamné, bourgeois en repentance, ou homme politique noyautant la confrérie, la procession se veut société égalitaire en miniature, faisant penser à des organisations maçonnes défendant, en théorie des valeurs humanistes, mais lieux, souvent, en fait, de pouvoirs et d'échanges d'influences...
Ces processions qui célèbrent la douleur, la mort, la barbarie antique, paraissent relever aujourd'hui d'un désir malsain érotico-masochiste : le christianisme, qui occulte le sensuel dans la mise-en-scène austère de l'autel, mais le pratique dans l'intime avec l'enfant de choeur... Cortèges et mises en scènes de l'hypocrisie...
Le non-croyant n'adhère pas à ces cérémonies mortifères du Midi célébrant la mise à mort, dans la tauromachie, et celle du futur Christ, considéré à l'origine comme le gourou d'une secte nouvelle...
On n'osera pas montrer la filiation entre les processions contre "le mariage pour tous" et les manifestations des fêtes pascales; la tentation est pourtant grande d'y déceler la survie de l'intégrisme religieux, causeur de guerres fratricides; on ne peut échapper non plus au souvenir de ce chapitre de "Candide", où Voltaire traite de l'Inquisition, -à l'origine de ces processions-, en décrivant, au chapitre 6, un autodafé, marquant la purification de l'Eglise par des cérémonies expiatoires : les condamnés, revêtus de vêtements rituels (san-benito ou caparutxe), subissant leur peine, flagellation ou bûcher...
Tentation de relire le philosophe du XVIII° siècle (et aujourd'hui, Michel Onfray *), et d'en goûter encore l'ironie. Nous préférons cette littérature-là et la "dernière tentation du Christ", exprimant son désir d'homme d'aimer le corps interdit de Marie-madeleine...
J.P.Bonnel
* Lire "Le souci des plaisirs", essai réédité en 2014 (J'ai Lu, 6;70 euros, avec des illustrations !), en particulier "éloge d'un corps non chrétien"