Création et information culturelle en Catalogne et... ailleurs.
Monochrome d'Alphonse ALLAIS -
Carré blanc sur fond blanc de MALEVITCH -
Les installations présentées sous l'égide de Walter Benjamin au CAC du même nom et au couvent des Minimes, sous le tire ovidien de "Métamorphoses" font le bilan d'un siècle d'art subversif, contestataire, d'un art refusant l'art, ses valeurs, son marché, et l'esthétique, la beauté étant considérée comme réactionnaire et s'attachant à l'apparence.
L'abstraction s'impose avec les monochromes, les premiers (non pas le célèbre carré blanc sur fond blanc de Malevitch, 1918), montrés ici,comme à l'expo Nuages" de l'été 2013 en Arles, étant dus à A. Allais (entre 1880/90) : l'un d'entre eux, raciste, est noir parce que "représentant des "nègres", affirme la légende ("ce qu'il faut lire") du tableau, et s'inspirant du monochrome du P. Bilhaud : "Combat de nègres dans un tunnel, 1882" (non mentionné).
Ensuite Dada, ou dadaïsme (1916) détruira les arts d'une société hypocrite qui montre le beau mais fabrique, en réalité, le laid : la boucherie de la guerre 14/18... Les écrivains et artistes auront beau annoncer "l'esprit nouveau" grâce aux chroniques d'Apollinaire, aux textes incendiaires et aux coups de style, de poings, du poète-boxeur Arthur Cravan (1912 ), venu se battre à Barcelone (présent au premier étage du Couvent, avec Justamante), les désastres annoncé n'ont pu être évités...
Enfin, le Surréalisme, avec l'idée révolutionnaire et l'engagement stalinien d'intellos bourgeois (A.Breton) ou de poètes bobos (Aragon, Eluard), -suivi un peu plus tard par les contestations de Fluxus, du lettrisme, des situationnistes- furent impuissants à empêcher le désastre du nazisme et de la Shoah, perçus très tôt par le philosophe juif suicidé à Port-Bou, suicidé de la société, suicidé par la conjonction des fascismes allemand, espagnol et français, se donnant rendez-vous à la frontière de la Catalogne !
Avec peu de moyens (les prêts des FRAC dilapidant leur FRIC pour des installations éphémères et dérisoires, "musée virtuel" heureux de se montrer ici ou là) avec des incidents techniques gênants, magnétoscope en panne, cartels au sol...et avec l'impuissance d'un personnel non informé, non formé dérouté par la présentation d'objets hétéroclites et montrant leur amertume face à une municipalité dépourvue de pédagogie, mais forte dans le mépris des petites gens...les salles de ce "centre d' "ART" contemporain" ont tout de même coûté plus de 700 000 euros, sans compter la maintenance et le gardiennage...
L'installation, sur deux sites fort éloignés dans la ville, annonce sans rire que "le bonheur est une idée neuve en Europe"; on ne goûte pas ce bonheur, ni le moindre plaisir (juste un sourire avec le vélo au cadre trop grand : bonne idée, quand même, de juxtaposer cette image avec celle de JARRY cyclopédiste !); on traverse les désastres du XX° siècle et les élucubrations de certains "artistes" du XXI°, tel Cattelan qui a raison de vouloir abandonner de sévir...
Depuis le ready made et le bidet de Duchamp ("Fontaine",1917), rien de nouveau sous le soleil; beaucoup croient encore qu'il suffit d'installer un objet de la société de consommation (des ordinateurs surannés au Centre WB) pour que le public les considère comme des oeuvres d'art; or les visiteurs, du simple citoyen à l'intellectuel éclairé, font un petit tour rapide et puis s'en vont...avec le sentiment que la fête a été gâchée, qu'on aurait pu faire mieux, avec plus de temps...
W. Benjamin se retourne dans sa fosse commune et les anciens internes du Lycée de Perpignan dans leur ancien dortoir, désormais occupé par les déchets du marché, le vide-grenier du musée contemporain : certains concepteurs croient avoir une "idée", ils l'incarnent en une "chose" inconsistante (et bien sûr pas belle) et pensent que le spectateur doit saisir leur message..
Or, on ne peut communiquer qu'avec un minimum de pédagogie, d'amour d'autrui et de beauté ! Ici règnent facilité et fatuité de l'installation, et pseudo-intellectalisme d'un catalogue abscons : vacuité, mépris d'une culture "populaire" que ce "Centre", qui semble sorti soudain d'une annexe des Beaux-Arts pour servir un candidat en campagne électorale : tout vernissage est utile pour se montrer et prouver qu'on agit...
La réflexion sur "l'oeuvre d'art à l'époque de sa reproductibilité "et sur "l'aura", thèmes benjaminiens, aboutit à une réalisation pauvre : misère de l'art contemporain ! La monstration des duplicités de l'image (médias, télé-réalité, pub...), abordée avec la présence du cinéaste Chris Marker ("la révolution invisible", ou avec la "glace sans tain") semble donner à voir du nouveau, alors que les travaux de WB, Barthes, Régis Debray, les simulacres de Jean Baudrillard...ont approfondi depuis longtemps la question; aucune "installation" posée ici n'a la force ou la démonstration d'une page de sémiologue sur les dangers de l'image...
Un événement non destiné à un peuple en marche, susceptible de faire la révolution ! Une exposition bien conformiste !