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9 juillet 2012 1 09 /07 /juillet /2012 15:02

Dali-caleche.jpg La calèche de Dali à Perpignan -


 

dali--reception-a-sant-vicens-1965.jpg Réception à sant-Vicens (photo de R.Julia- Ville de Perpignan)

 

 

 

2. Perpignan

 

 

Il fallait désormais rendre hommage au "Centre de monde", à ce lieu ferroviaire, noeud pictural et financier unique, par où transitaient les chefs-d'oeuvre du Génie, en partance pour l'Europe entière !

 

On emprunta donc un train, affrété spécialement pour l'occasion, un wagon de marchandises transformé en décor baroque, et on arriva vite à Perpignan. Auparavant, les foules pressées aux arrêts d'Elne et du Boulou, purent apercevoir le couple installé dans un fauteuil posé sur un tapis d'ocelot : ils faisaient, depuis la vitre du côté droit, ouvert pour le voyage mémorable, de grands signes aux foules frénétiques venues les voir, l'espace d'un soupir...

 

    A quelques encablures de Perpinya, on troqua le peu poétique Diesel qui amenait l'inqualifiable cortège pour une loco diaprée : pavoisée de drapeaux catalans, elle pénétra enfin dans l'antre mythique du "Centre du Monde" ! Dali et Gala ne s'égarèrent pas dans la salle des pas perdus : une réception préméditée et solennelle les accueillit, avec les discours de bienvenue des élus et un échange rapide avec le Docteur Pagès, savant local, grand théoricien de la gravitation; les micros et caméras enregistrèrent cette phrase superbe de Dali : "La gare de Perpignan devait servir de point de rencontre à nos deux cerveaux."

 

    Le discours hyperbolique, dans la cour de la gare, ne fut hélas, sauvegardé par aucun média social, culturel ou convivial, twitter, youtube et facebook dormant encore, en cette année mémorable, dans les limbes... Seuls, quelques photographes intrépides du quotidien L'Indépendant, purent capter des image mémorables du Maître ! La foule Hénorme, Gala et le capitaine Moore firent silence, puis le trio de l'Ampurdàn se glissèrent dans une calèche, comme à Céret, même si la sobriété, à l'exception de la baratine écarlate du conducteur ! Parmi les Perpignanais ébahis et heureux, le cortège descendit l'avenue jusqu'à la Place de Catalogne, puis se rendit au centre historique de la cité catalane : place Arago, la Loge, la rue Louis Blanc et le Castillet... Avant d'atteindre le porche de l'ancienne porte médiévale, la calèche fit halte devant la bijouterie citée plus haut : je vis alors une jeune fille apporter une bague ornée d'une mouche (déplacée de Gérone..? ) d'or et de grenat (bien de la ville de Perpignan, ciselée par les artisans des ateliers Ducommun !). Ce bijou était destiné au doigt de Gala, qui apprécia sans doute l'objet d'art symbolique. Je vis le Maître donner un tendre baiser à la jeune fille, fière de frôler ainsi les joues mates et la moustache érectile du peintre !

 

  La station suivante était située dans les jardins de Sant-Vicens, haut lieu des artistes et artisans roussillonnais : on parla, en ce lieu, d'apothéose ! En effet, le propriétaire, Firmin Bauby, la foule fidèle et la cour esthète firent une aubade au génie de Port-Lligat : la cobla accompagna les pas daliniens en direction du patio; là, une estrade, recouverte d'un immense tapis fleuri et dressée avait accueilli deux rouges fauteuils royaux parés de velours... Le théâtre surréaliste n'aurait été complet sans un décor composé d'objets faisant référence à l'oeuvre picturale, une cage d'osier renfermant un rossignol en céramique, un chou-fleur disproportionné et la présence de nymphes virginales et de jeunes éphèbes désirables... En outre, deux adorables filles en collants noirs apportèrent un brasero de cuivre somptueux : l'encens qui en émanait conféra alors une dimension mystique au discours unique de Dali : il s'agissait d'une interminable logorrhée, à l'accent dadaïste et catalan, tissé d'onomatopées, de vocables insolites et de borborigmes indéfinissables... 

 

  La foule émerveillé en eut pour son argent ! Les danseurs du Roussillon pouvaient alors ouvrir les bans et inviter les curieux à un vernissage roboratif ! Les jardins s'animèrent grâce aux danses traditionnelles et au masticage de dents alléchées par les tables qui regorgeaient d'anchois, de    et de vins Muscat... Dali ne montrait pas la moindre émotion et couvait d'un oeil égaré la belle réception... Tout ne fut que féerique, surréaliste, métaphysique et gastronomique !

 

  Le Maître et sa douce amie ne repartirent qu'après la cérémonie des cadeaux : parfum de grande marque, pendule en céramique et captation de l'événement -pour l'éternité- grâce aux nombreux techniciens de la télévision qui avait tenu à préparer une émission, diffusée quelques jours plus tard dans les lucarnes locales...

 

   Ce fut, en ce mois d'août 1965, la seule apparition populaire et collective du Maître dans les hauts-lieux de la Fidelissima via de Perpinya...

 

 

**** à suivre : Dali à la gare de Perpignan en 1963 - Dali et la politique : idéologie ou idiologie - Chez Dali à Port-Lligat - etc...

 

   (articles publiés par J.P.Bonnel dans "L'Indépendant, édition Costa Brava - dans "La Semaine du Roussillon" - dans les recueils "Catalogne en peinture" et "CatalogARTS" 

 

 

 

Le rhinocéros -(photo de Jean Ribère) -  

ribiere_jean-dali_gala_et_le_rhinoceros.jpg

Dali-et-le-rhino.jpg

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  • professeur de lettres, écrivain, j'ai publié plusieurs livres dans la région Languedoc-Roussillon, sur la Catalogne, Matisse, Machado, Walter Benjamin (éditions Balzac, Cap Béar, Presses littéraires, Presses du Languedoc...
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