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16 mars 2012 5 16 /03 /mars /2012 09:51

images-copie-1.jpeg  La chanson de Léo Ferré "Avec le temps" a eu un grand retentissement; pourtant, affirmer que "Ave le temps, tout s'en va, même les plus chouettes souvenirs", ressemble à un lieu commun, à une terrible banalité...

 

  En effet, le thème obsédant de la "fuite du temps" parcourt la création littéraire. C'est la conscience du caractère éphémère de la vie qui a poussé des philosophes ou des poètes, depuis Epicure jusqu'à Queneau ("Si tu crois, petite, que ça va durer toujours, le temps des amours...") en passant par Ronsard et Du Bellay, à inciter le lecteur ou l'amante ("Mignonne, allons voir si la rose...) à profiter de l'instant présent.

   Le grand fleuve -tranquille ou pas- de la vie nous submerge, nous pousse vers un futur et une fin irrémédiables. Héraclite nous a fait comprendre depuis longtemps que l'on ne se baignait jamais dans la même eau : le moment présent coule entre nos doigts et, surtout, il représente un pas de plus vers la mort.

   En effet, celle-ci est, pour les êtres terrestres, au bout du temps qui leur est imparti par la "nature", c'est-à-dire la biologie, la génétique, la "boîte noire" qui se niche au fond de nos chromosomes. Nous sommes programmés pour la mort et le temps détruira le corps et le parcours d'une existence.

   Cette vision du temps paraît tissée de peu d'originalité : l'Homme n'a pour toute richesse que sa vie et, face à la peur, face à la perte de lui-même, il pense, en toute logique, qu'avec le temps, "tout fout le camp". Cette réaction est compréhensible, mais cette attitude égoïste, ce narcissisme, n'occultent-ils pas une autre dimension, plus vaste et positive, du temps, que l'Homme (malgré ses faiblesses de "roseau pensant" exposé à tous les vents, à tous les temps -météorologiques, eux ! - peut engendrer.) Un temps historique, à l'échelle, non plus d'un seul individu, mais à celle de toutes les générations humaines, une chaîne de vies courtes mais créant ou recréant le monde (chaque homme, en apportant sa "pierre", participant à l'aventure collective, à l'élucidation, grâce à son travail, sa réflexion, ses recherches, de la question fondamentale, figurée dans un célèbre tableau de Gauguin. : "Qui sommes-nous ? D'où venons-nous ? Où allons-nous ?"

   Ainsi, grâce à l'addition des petites vies de fourmis, le temps humain ne signifierait pas la fin d'un individu isolé, mais la continuité d'un temps solidaire, composé de chronologies passagères

  Entre le désespoir de celui, matérialiste, qui pense qu'avec sa mort personnelle, c'est la fin de tout, de "son temps", et l'espérance du croyant, qui, remet sa vie, donc sa mort, entre les mains de Dieu, dans l'attente d'un autre temps, éternel, n'y a-t-il pas place pour une maîtrise du temps humain par l'Homme lui-même ? De même que "l'art est un antidestin", comme l'a proclamé A. Malraux, la vie peut, si elle est conçue comme l'évolution de l'homme vers un monde meilleur, être un "autre temps", l'ennemi d'un temps purement ravageur, destructeur, gratuit, sans perspectives...

 

  le sang donne un sens

 

  Cette vie, cette mémoire de l'Homme, est présente dans le sang, comme a pu le montrer un scientifique tel que Jean Hamburger. Le sang, au sens propre, est signe de survie d'un individu à travers les générations à venir. C'est pour cela que l'obsession d'une descendance, d'avoir des enfants, petits-enfants au-sujet desquels il est possible de s'exclamer : "C'est ma vie, c'est mon sang", est encore très forte. Le sang donne un sens à la vie : avec le temps, le sang, ce fleuve de vie, continue...

 

   Le religieux, quant à lui, même s'il peut croire en l'Homme, en ses possibilités de bâtir, d'affirmer des valeurs, préfère croire en un avenir maîtrisé par la puissance divine. Le temps sans fin, l'éternité, la fin de l'Histoire se substitue alors au temps humain, au temps terrestre. Le mort ne signifie plus, pour le croyant, destruction mais, au contraire, libération, début d'une autre vie : la "vraie vie" recherchée par Rimbaud est à trouver dans le ciel loué par Claudel. 

 

   Il ne reste donc qu'à choisir l'espoir : croyance en dieu, en l'homme ou en l'art, pour donner un sens à la vie, à la mort, au temps. Sinon, pas de perspectives; ne restent que le nihilisme, l'absurde ou le vide, ceux de Beckett, de Cioran ou d'Eugène Ionesco... Sinon, la vie n'a aucune raison d'être, la solution est le suicide; ou la folie : tuer le temps qui tue, oublier dans un monde imaginaire le monde sans issue des hommes, telle fut l'attitude de bien de créateurs, écrivains, comme Nerval, Hölderlin, ou certains Surréalistes, tel Artur Cravan...

 

 

 

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C
Blog(fermaton.over-blog.com), No-26. - THÉORÈME BLOCH. - Avec le temps tout s'en va .
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  • professeur de lettres, écrivain, j'ai publié plusieurs livres dans la région Languedoc-Roussillon, sur la Catalogne, Matisse, Machado, Walter Benjamin (éditions Balzac, Cap Béar, Presses littéraires, Presses du Languedoc...
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