L'exposition Manolo Valiente à PRAYOLS, près de FOIX (09) (Manolo Valiente est l'auteur du Monument National aux Guerrilleros de Prayols) - Commissaire : Eric Forcada.
Hotel de Ville de Prayols et Centre Culturel de Foix, du 11 au 18 octobre 2013
- Un artiste en camps de concentration [1939-1942] catalane, près de 500 000 réfugiés républicains vont transiter. La Catalogne du Nord assiste, impuissante, au premier grand désastre humanitaire du XXe siècle. Devant le nombre croissant de réfugiés, les forces de l'ordre organisent en seulement quelques jours les premiers camps de concentrations. Les premiers camps, postés près de la frontières comme ceux de Prats de Molló, Arles-sur-Tech, Amélie-les-Bains, Latour de Carol ou Bourg-Madame, laissent peu à peu la place à de nouvelles installations d'accueil comme celles de Perpignan, d'Argelès-sur-Mer, de Saint-Cyprien et bien sûr celle du Barcarès.
Le Camp du Barcarès (1939-1942) :
Face à l'afflux massif de réfugiés et afin de désengorger les camps de concentration d'Argelès-sur-Mer et de Saint-Cyprien, les autorités décident de construire un troisième camp au Barcarès. Près de 1 300 réfugiés sont affectés à la construction de nouveaux baraquements. Le camp du Barcarès ouvre ses portes le 11 février 1939. Les trois cents baraques peuvent loger 50 000 réfugiés mais le nombre d'internés atteindra les 70 000. Semblable à une ville, les internés se regroupent par corps (civils, internationaux, artilleurs...) dans différents camps sectorisés en îlots. Toutefois, sont d'abord rassemblés en priorité les réfugiés candidats à un retour en Espagne ou ceux incorporés dans les "Compagnies de Travailleurs Etrangers". Après la déclaration de guerre, le camp du Barcarès accueille un important centre d'instruction militaire pour les réfugiés incorporés dans les "Bataillons de Marche des Volontaires Etrangers". Près de 10 000 réfugiés intègreront les 21, 22 et 23e régiment de l'armée française. En 1941, le Camp du Barcarès ne regroupe plus que 12 000 internés. Il restera ouvert jusqu'au mois de novembre 1942.
- La vie intellectuelle & la création dans le camp du Barcarès
- Dès l'ouverture du camp, les artistes s'organisent pour créer et montrer leurs œuvres, à la fois moyen d'expression et de subsistance. Ils construisent un Palais des Expositions qui est inauguré le 14 mai 1939 dans l'aile ouest. "L'entrée est gratuite pour les réfugiés et payante pour les visiteurs étrangers au camp, rapporte le correspondant de L'Indépendant avant de commenter les pièces montrées.
- Deux toiles d'une valeur incontestable signée Pablo Sánchez représentent un sous-bois très réussi. Elles sont mises en vente l'une et l'autre au prix de 1 250 F. Deux tableaux, dont une "Fête andalouse" de style cubiste, présentés par Gioska sont très remarqués. De multiples aquarelles, les unes plus belles que les autres, défilent sous nos yeux et nous vivons dans ce Palais les diverses scènes de l'existence des réfugiés dans le camp. Celle représentant le salut aux couleurs a été particulièrement remarquée". D'ailleurs, le public répond présent à l'invitation de ces artistes réfugiés comme en témoigne le journaliste de L'Indépendant: "La foule s'est pressée pendant toute la journée au Palais des Expositions pour y admirer les travaux exécutés par les habiles artistes du camp des réfugiés qui ont exposé une série variée de peintures, aquarelles, objets sculptés sur bois ou sur fer. Tous ces travaux ont un grand intérêt".
- Le camp accueillera nombre d'artistes comme Juan Alcalde, Antoni Alós, Manuel Crespillo, Tomàs Diví, Eugeni Fernández Granell, Enric Moret...
- Manolo Valiente, un témoin exceptionnel
- Des artistes, malgré tout, ballottés, malmenés par l'histoire, acculés à lutter pour assurer leur survie. Dans cette sombre fresque de l'exil, une figure incarne cette "épopée" au limite du picaresque, celle de Manolo Valiente. Interné de 1939 à 1942, il connaîtra toutes les réalités de l'internement des réfugiés espagnols sur le sol français. Blessé sur le front de Somosierra, il est évacué de l'Hôpital de Figueres et franchit la frontière par le Coll de Lli, près de Las Illas, le 10 février 1939. Pris en charge par une ambulance, il est évacué vers l'Hôpital Foch puis vers l'Hôpital Saint Louis à Perpignan, un bâtiment désaffecté après la guerre 14-18 et rouvert spécialement pour les réfugiés républicains. Valiente se voit ensuite transféré vers celui de Lézignan-Corbières pour finir interné, au mois de juillet, au Camp du Barcarès: "Le 14 juillet fut une journée mémorable, se souvient l'artiste dans ses mémoires, tant les réfugiés ont fait des efforts d'imagination pour commémorer cette date de l'histoire de l'humanité. Avec du sable, des monuments sont sortis de chaque îlot, beaucoup de Bastilles et particulièrement un buste de Franco qui, enduit d'eau sucrée, a été couvert de mouches en quelques secondes". Intégré dans le baraquement réservé aux "intellectuels" et aux "artistes", l'artiste commence une production de bois gravés traduisant la vie quotidienne du camp. Cependant, Valiente, souffrant, est à nouveau conduit à l'Hôpital Foch de Perpignan, Un long séjour, durant lequel il apprend l'entrée de la guerre de la France. Une longue période d'angoisse débute pour ce réfugié. Il commence alors à écrire ses poèmes "morceaux de destin interrompu" et "images d'espoirs mort-nés" qui constitueront le recueil "Arena y Viento". Valiente sera ensuite envoyé au Camp disciplinaire de Bram, au sein duquel, en 1940, seul un îlot reste en fonctionnement.
- A la fermeture définitive de ce camp, au mois d'octobre 1940, Manolo Valiente est transféré à celui d'Argelès. Un camp dévasté récemment par d'importantes inondations. Il y découvre, les nouvelles conditions de vie des internés, livrés à leurs tristes sorts et condamnés à une misère absolu. Dans cette précarité, une nouvelle organisation se met en place avec les internés internationaux qui "profitent des baraquements vides [et] montent des ateliers dans lesquels ils fabriquent des petits objets en métal ou en bois pour les vendre à l'extérieur". Manolo Valiente s'intègre à cette organisation, et devient même le directeur d'un autre atelier, celui de fabrication de jouets. En parallèle de cette activité, il continue à travailler la sculpture. Il utilise des troncs d'arbres échoués après l'Aiguat sur la plage où s'étend le camp, pour sculpter une tête de Christ, intitulée "J'ai soif" puis il s'attaque à une grande pièce, un Don Quichotte, qui doit être offerte par les réfugiés à Pau Casals. Finalement, l’œuvre sera vendue durant la vente aux enchères de l'un des Salons du Cœur organisés aux bénéfices des prisonniers français.
- Au cours des premières semaines de 1942, le "Directeur de l'Atelier de Fabrication de Jouets" est transféré vers le camp du Barcarès. Condamné à l'inactivité, il continue cependant à récupérer des bouts de bois destinés aux cuisines ou abandonnés sur la plage pour travailler, jusqu'à sa libération au mois de novembre 1942, aux illustration qui constitueront le recueil : "Arena y viento".
- A la sortie du camp du Barcarès, Manolo Valiente rassemblera les bois et les poèmes qu'il avait créés et écrits afin de les publier. Il ne pourra offrir ce témoignage exceptionnel au public qu'en 1949 lors du dixième anniversaire de l'ouverture des camps. Le recueil entend rompre le silence qui pèse sur la Retirada et l'existence des camps, "Arena y viento", devient ainsi l'un des premiers témoignages jamais publiés sur cet épisode de l'histoire. Cet ouvrage est vite devenu une véritable métaphore pour la diaspora des exilés et de ce fait, une œuvre constitutive de l'histoire collective espagnole et française. Il sera d'ailleurs réédité en 1973 et 1986.
- Manolo Valiente, auteur du Monument National aux Guerrilleros de Prayols.
- Ayant transité durant près de 1200 jours dans les camps de concentration pour réfugiés espagnols, Manolo Valiente est resté tout au long de sa vie fidèle à la mémoire de l'exil de 1939. Lorsque l'Amicale des Anciens Guerrilleros espagnols en France – FFI entend élevé à Prayols le Monument aux Guerrilleros morts pour la France, elle confie sa réalisation à Valiente. Le monument, est inauguré le 5 juin 1982 par Alain Savary, ministre de l'Education et Compagnon de la Libération. Le 21 octobre 1994, François Mitterrand, président de la République française et Felipe González, chef du gouvernement espagnol viennent s'incliner devant et rendre ainsi le premier hommage officiel aux Guerrilleros. A la suite de cette visite, le monument de Prayols se voit érigé en Monument National aux Guerrilleros.
- A la veille des célébration du 75e anniversaire de la Retirada, la Mairie de Prayols et l'Association Prayols Résistance, Mémoire et Fraternité entendent rendre hommage à Manolo Valiente par une exposition présentant le parcours et l’œuvre de ce réfugié resté, tout au long de sa vie, fidèle aux idéaux de la République espagnole. Du 12 au 19 octobre 2014, le grand public pourra découvrir une quinzaine de bas-relief sculptés arrachés à la vie concentrationnaire, les épreuves réalisés pour le tirage de l'ouvrage « Arena y viento » mais également, la maquette originale du Monument National aux Guerrilleros.
- Une exposition à la fois artistique et historique qui plonge le visiteur au cœur de la plus tragique et de la plus humaine des histoires. Une exposition qui redonne tout son sens à un monument et corps à une mémoire essentielle du XXe siècle.
- Merci à Eric FORCADA pour ce dossier de presse.