Création et information culturelle en Catalogne et... ailleurs.
Catalogne n'est pas l'Espagne." Ce slogan contenant une remarque évidente veut signifier surtout que la Catalogne ne doit pas (plus) faire partie de l'Espagne. Le désir de scission, de rupture et d'indépendance y est inscrit.
La Catalogne demande l'indépendance car elle a le sentiment d'être méprisée par les Castillans et exploitée par le pouvoir central.
Elle refuse désormais l'afflux de ces Andalous recrutés en masse depuis des décennies par les services publics pour distendre l'identité cataalne et affermir la langue espagnole dans le pays.
Les Catalans extrémistes et souvent nationalistes se sentent aussi envahis par des immigrés, par des Maghrébins : ils ont souvent le même discours que le FN français. Des slogans disent ce racisme ambiant...
Beaucoup de Catalans sont souverainistes car ils redoutent que leur nation s'émiette, que leur culture disparaisse, que leur passé soit effacé, que leur langue ne soit plus pratiquée...
Ce repli est-il suscité par la frange bourgeoise et les classes moyennes catalanes, plus que par les groupes sociaux exposés à la crise générale...? Plus que les entrepreneurs et industriels qui, eux, pensent que se couper du reste de l'Espagne, c'est s'automutiler, en réduisant les dbouchés économiques..?
Quelle est la part d'égoïsme, de discrimination, dans la revendication indépendantiste ? J.P.B.
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22-1-2014
Les Catalans ont fait les premiers pas du chemin susceptible de les conduire à se séparer de l’Espagne et d’accéder à l’indépendance. Les raisons historiques, culturelles, économiques, sociales et politiques qu’ils invoquent pour faire comprendre la volonté qui les a poussés sur ce chemin ont été largement exposées, en sorte que désormais le nombre de secteurs qui en reconnaissent la validité ne cesse de croître.
Ainsi, en constatant que toutes les propositions faites en faveur d’une réforme de l’État permettant d’aboutir à une véritable « nation de nations » ont été rejetées, certains ont décidé de chercher une alternative à l’actuel cadre politique. En effet, du coté du gouvernement étatique, ce rejet s’accompagne souvent d’un traitement humiliant et, dernièrement, d’un durcissement des positions et d’une tendance de plus en plus prononcée à revenir sur des politiques intolérantes qui, malheureusement, rappellent trop la période d’une dictature que l’on serait en droit de croire révolue. Voilà pourquoi ils sont nombreux à penser que ne pas agir maintenant équivaudrait à accepter le rôle de subordination que l’ordre espagnol établi réserve depuis longtemps à la Catalogne afin de la plier au plan d’assimilation totale élaboré par l’Espagne.
Mais les Catalans ont désormais établi leur propre plan, qui a consisté jusqu’à présent à montrer au monde entier comment il convient de procéder : avec patience et en agissant uniquement après que leurs propositions aient été rejetées l’une après l’autre ; sans exclure personne sous aucun prétexte, en faisant donc confiance aux forces de tous les segments de la société ; pacifiquement, par le biais de centaines de milliers de personnes sortant dans la rue pour manifester leur détermination, sans aucun geste d’hostilité à l’égard des autres et se refusant à toute forme de provocation ou de violence ; démocratiquement, par l’entremise d’élus qui agissent conformément aux désirs du peuple au lieu d’appliquer un programme décidé par les dirigeants, permettant une conjonction de partenaires de droite et de gauche au sein d’une large et invraisemblable coalition ; de forme responsable, avec la majorité des forces politiques –seules sont restées en-dehors celles qui se sont exclues elles-mêmes dès le début –, en s’efforçant de trouver un accord pour poursuivre le processus et, enfin, en gardant l’esprit grand ouvert car, encore maintenant, les chefs de file catalans offrent à leurs homonymes espagnols la possibilité d’explorer les voies d’accord au lieu de se confiner dans des actions unilatérales. On peut affirmer que ce processus est porteur de tous les éléments d’une révolution de velours car, si ce n’est pas le cas, de quoi s’agit-il au juste ?
L’année 2014 sera décisive pour la Catalogne. Tous les indices – l’équilibre des forces politiques au Parlement, la constance des résultats dans les enquêtes d’opinion et les impressionnantes manifestations de la population, pour ne pas parler du manque d’alternatives fiables du côté des unionistes – indiquent que la situation est arrivée à un point d’inflexion. La majorité des Catalans aspirent à un véritable changement et ses représentants se sont engagés à mettre en œuvre les moyens qui vont permettre à la population de décider la voie de ce changement. Leur proposition est la formule la plus claire de gommer doutes et incertitudes sur les intentions des Catalans, à savoir un référendum sur la question, semblable à celui qui se déroulera en Écosse en septembre prochain. Au-delà des frontières espagnoles, personne ne conteste sérieusement la légitimité d’une telle procédure. Par contre, les institutions espagnoles – avec le gouvernement et l’opposition agglutinés autour d’une inquiétante intransigeance sur cette question – s’entêtent à s’y opposer. C’est ainsi que les choses se présentent en ce début de nouvelle année : au point mort, sans solution en vue.
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Jusqu’à présent, la réponse officielle émanant des cercles internationaux a été que la situation catalane est une affaire interne espagnole. Pourtant, tout le monde sait que, indépendamment des formes que prendra le déroulement de la procédure, les conséquences ne s’arrêteront pas aux frontières de l’Espagne ; tout le monde sait aussi que si on permet que la situation s’embourbe, l’incertitude actuelle sera préjudiciable à la Catalogne, à l’Espagne, mais aussi à l’Europe. Si la partie espagnole persiste à s’enliser dans son rejet, si toutes les propositions faites par la Catalogne sont systématiquement bloquées ou simplement ignorées, il faudra à un moment donné l’immixtion de tierces parties pour faciliter le dépassement de ce point mort. Les bons offices d’acteurs de l’extérieur pourraient réellement aider l’Espagne à atteindre le point d’inflexion. Car, même s’ils opposent une résistance farouche à cette idée, les Espagnols, mais aussi leurs représentants politiques, devront accepter le fait que, en paraphrasant le premier ministre britannique, David Cameron, parlant de l’Écosse, il n’est pas possible de retenir les Catalans en Espagne contre leur gré.
Pour l’instant, une certaine dose de diplomatie discrète devrait suffire. Les acteurs étrangers, qui ont une influence évidente sur une Espagne économiquement prise au piège et politiquement touchée, pourraient user de cette influence pour pousser les dirigeants espagnols à agir avec pragmatisme. En fait, il y a déjà eu quelques gestes publics dans ce sens et vraisemblablement il y en a eu d’autres de caractère privé. Toutefois, au moment où tout débute, il faudrait sans doute un rappel à l’ordre un peu plus ferme, s’agissant d’empêcher ceux qui pensent leurs intérêts menacés par le choix des Catalans de ne pas jouer franc jeu ou pire encore d’avoir recours à la violence.
D’autre part, il faudrait aussi qu’il soit clair pour tout en chacun que la situation est arrivée au point où n’importe quelle tentative de mettre sur la touche le peuple catalan, comme par exemple le dépouiller de sont droit à s’exprimer, utiliser des tactiques d’intimidation à l’encontre de ses élus ou tenter une quelconque manœuvre de dernière minute à huit clos, ne ferait qu’ajourner, voire même aggraver le problème au lieu de le résoudre. À l’heure actuelle, le seul résultat acceptable du point de vue de la démocratie est un scrutin et, pour cette raison, l’objectif immédiat pour tous devrait être de trouver la voie qui permettra aux Catalans de s’exprimer. Ensuite, s’ils décident qu’ils veulent que leur pays soit indépendant, la responsabilité collective sera de veiller sur la procédure à suivre afin que la volonté librement exprimée du peuple soit garantie.
(Traduction du texte original anglais réalisée par M. Vallribera)