Création et information culturelle en Catalogne et... ailleurs.
Après celle de la zizique, voici la fête de la Saint-Jean : tous azimuts, elle aussi, pouvant contenter tous les publics (préoccupation électoraliste de toute municipalité).
Ainsi les Catalans et Catalanistes peuvent apprécier cette date réunissant les fervents de la trobada du Canigou, les adeptes des fleurs magiques ou "herbes de la Saint-Jean - lire le roman de Hélène Legrais) De la montagne sacrée jusqu'au Castillet et au moindre village, la flamme descend dans les vallées det la plaine du Roussillon pour allumer les fameux feux centenaires ! Et même millénaires car les origines antiques remonteraient à des rites très lointains, de Scandinavie, de Phénicie ou de Syrie : le feu a, de tous temps, un pouvoir purificateur (lire Gaston Bachelard) et ce rituel protégerait les moissons, convierait à l'abondance et à la fertilité...
Perpignan la Catalane n'est donc pas, encore une fois, au centre du monde...
Cependant, l'idée de se réunir en communauté, pour un bonheur collectif, en signe de solidarité humaine, est une valeur à poursuivre, bien sûr !
Mais la fête en question fut d'abord païenne : le rite célèbre le solstice d'été (le jour le plus long, donc la nuit la plus brève) et la tradition veut qu'on allume un grand feu de joie au crépuscule : danser, boire, chanter, se défouler, qui serait contre..?
Hélas, cette fête est entachée de multiples superstitions, troublant la raison des laïcs et la religion des croyants : les herbes médicinales sont "magiques : elles gardent "leurs vertus tout l'an"; elle symboliserait la lutte entre le Bien et le Mal (lire Manès); elle expulserait, dit la croyance populaire, les impuretés et éloignerait les maléfices; ces "herbes" feraient fuir les sorcières; une fois le feu éteint, il faut prendre un tison ("le feu de Saint-Jean ne brûle pas") et l'enfermer dans une armoire ou le placer près du lit des parents : fertilité, préserver la maison de l'incendie, de la foudre et de maladies... Autant de fariboles ayant cours jusqu'à la fin du Moyen-Age.
C'est à cette époque-là que la religion réagit et que le Christianisme essaie de récupérer le rituel païen : le feu de la Saint-Jean ne symbolise plus la lumière du soleil, mais celle de Dieu; c'est désormais la fête du prophète Jean, le baptiste du Jourdain, le cousin de Jésus, nommé par celui-ci "Agneau de Dieu". On sait que l'Evangéliste fut décapité sur ordre du roi Hérode (ci-dessus les tableaux du Caravage représentant la scène, avec Salomé, Hérodiade...)
Saint-Jean-Baptiste annonçait l'arrivée du royaume de Dieu.
La fête annonce maintenant un vaste défoulement, une sorte de carnaval où les actifs et participants sont de moins en moins nombreux. Cela devient un spectacle, un moment du calendrier "culturel" d'une mairie et de commerçants qui pensent surtout à attirer les touristes et les consommateurs...
Toutes ces fêtes ont perdu de leur "aura" (lire Walter Benjamin) et, la télé et internet aidant, le moment a perdu de sa ferveur. On attend que, ce soir et cette nuit, Perpignan et tous les villages oeuvrent pour que la fête soit celle du coeur et de la solidarité, pour tous, Catalans, étrangers, immigrés, jeunes ou vieux...