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Prochaine conférence :
Samedi 19 mars
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L'Hermione, frégate des Lumières,
à Port-Vendres… entre deux mondes
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Jean GARIDOU
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Dominique Baudry
Secrétaire
dominique.baudry@wanadoo.fr
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* Mémoire du camp de Rivesaltes :
Un rassemblement de harkis aura lieu le 19 mars devant le mémorial de Rivesaltes, à 13h30, pour la reconnaissance et la réparation (et non à la falsification) de leur histoire.
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*POESIE :
POESIE/PRADES :
le 19 mars au pessebre à Prades
Notes à l'usage de nouveaux apports à la causerie
"Je est un autre" d' Arthur Rimbaud
Avant -propos:
l'exercice de la causerie peut présenter une certaine ambigüité du fait que ce qui y est dit s'adresse à la fois à cet autre qui cause avec moi et au public présent dans la salle.
Il faut rajouter à cela que pour celui qui écoute, et qui découvre cet échange verbal à la fois ordonné mais en partie improvisé, qui garde une certaine spontanéité et la possibilité de maladresses, il risque de se trouver confronté à la difficulté d'interpréter certains termes en des registres qui peuvent être radicalement différents: par exemple la notion de conscience en philosophie est importante dans la mesure où elle est centrale par rapport à la production théorique, et elle peut aussi devenir polyvalente si elle se trouve adjectivée (ex.: Cs cognitive et Cs morale); par contre en psychanalyse elle n'est plus un concept pertinent et perd de sa superbe, devenant exsangue comme une peau de chagrin.
La notion de sujet a le vent en poupe dans les deux domaines, mais désigne des objets totalement différents, sans perdre toutefois des raisons de manipuler ce concept et de se comprendre.
La gageure de cette causerie ne se limite pas à parler d' Arthur Rimbaud en tant que poète, mais à traiter son dire comme voyance, c'est à dire ouverture à la conceptualisation et à l'évolution du discours lui-même ("la poésie sera en avant" disait Arthur); ainsi la parole du poète éclaire ces deux discours, au premier abord hétérogènes,du philosophe et du psychanalyste, et on sait qu'il les enrichit. Cet autre qui surgit tel un diablotin hystérique va, en réalité, renouveler le champ philosophique et ouvrir à la découverte freudienne de l'Inconscient, en même temps qu'il révolutionne l'écriture poétique elle-même (Boum! Boum! Sur les règles de versification)
Dès lors le Rimbaud poète s'efface en tant que poète pour produire un lien subtil entre ces trois instances de recherche sur la compréhension de l'être humain:
- la poésie en tant que langage spécifique et producteur d'une pensée propre;
- la philosophie en tant que regard différencié où vient s'éclater le MOI;
- la psychanalyse, en tant qu'elle interroge sur ce continent caché d'un arrière de la conscience
- et sur la mise à jour du désir à l'œuvre;
Dans ce jeu de miroir entre le Je et l'autre, s'incurve le Moi comme une entité qui vacille, qui perd la consistance durement acquise au firmament des siècles, dans le dur labeur de l'établissement de La connaissance et qui se découvre dans la nudité ontologique du vide. L'Autre, étrange figure allégorique d'un Je recalé sur la nécessité de s'atteler au concept énigmatique de Sujet où viennent converger de nouvelles sciences comme la linguistique et bien sûr la psychanalyse.
Comme on a pu le dire de Voltaire à propos d'un certain ruisseau, tout ça c'est la faute à Rimbaud:
" Si les vieux imbéciles n'avaient pas trouvé du Moi que la signification fausse, nous n'aurions pas à balayer ces millions de squelettes qui, depuis un temps infini, ont accumulé les produits de leur intelligence borgnesse, en s'en clamant les auteurs"
(Rimbaud: lettre du voyant)
Le Moi auquel s'en prend Rimbaud est celui qui se trouve au centre du discours sur la Connaissance propre à notre civilisation, qui commence avec Socrate, rebondit avec Descartes (qui lui aussi effectue un grand balayage en direction de la scolastique) et aboutit à Nietzsche (qui met le bon Dieu au placard des antiquités et promet un homme nouveau nanti de sa propre Volonté de puissance: "Dieu est mort, nous l'avons tué"). Une fois grignotée l'existence de Dieu il ne restait plus qu'à vider la substance du Moi du nouveau champ épistémologique; vieille baderne à jeter aux ordures. Et Rimbaud ne s'en prive pas, qui dans sa révolte s'attelle à faire s'écrouler ces deux édifices faux-frères: la connaissance scientifique et la croyance en Dieu. Coexistence qui paraissait déjà difficile à Blaise Pascal, qui ne pouvait se passer ni de l'un ni de l'autre; le savoir et la foi deux mondes hétérogènes, inconciliables et pourtant concomitants. Choisir entre la loi des Philosophes et celle des Croyants serait faire sauter les verrous qui maintient intact le concept de Dieu.
Du coup Rimbaud fait sauter les deux, mettant en échec à la fois la conscience cognitive, derrière laquelle se cachait la métaphysique, et la conscience morale qui était parvenue à effacer tout sens de l'éthique (pourtant si présente dans la figure d' Antigone)
1 – remarque sur quelques divergences culturelles au niveau de la structure du moi
- c'est chez les protestants qu'on note le plus de suicides; pas moyen de décharger sa culpabilité sur l'autre (pas de curé pour se confesser);pas d'images où projeter ses fantasmes) face à Dieu on est seul et bien démuni ;
- très peu de suicides également chez les Bouddhistes, du fait d'un léger déplacement du surmoi; pas de ressentiment (c'est oublié le lendemain);hier n'est plus; la page est tournée;
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2 – remarques sur le symbolique
- Lacan voyait dans la méthode paranoïa-critique de Dali le fondement du désir de connaître;
- sans angoisse pas de curiosité structurante;
- en même temps la parole est chargée d'affect (et on est derrière comme Sujet); "ça parle, et dans ce que ça dit ça échappe"; il y a paradoxe entre l'assujettissement au symptôme et l'acceptation du symbolique (que permet le langage); la rupture est souffrance et en même temps catharsis, libération (systèmes de déplacement);
- le surmoi est féroce, source de toute angoisse, d'origine maternelle (mère imaginaire)on reste définitivement à sa merci ("merci papa merci maman" dit la chanson idiote) car on a toujours besoin de deux choses absolument vitales: de lait et d'amour;
- pour tenir le choc il faut que le père et la mère symbolique interviennent simultanément;
- c'est l'image du père qui est pacifiante l'amour
- car elle contient le triptyque structurant la reconnaissance de l'enfant
- -la limite (l'injonction du NON);
– ce qui intervient dans le "Je est un autre" de Rimbaud c'est la dimension symbolique;
quelle que soit la culture c'est toujours l' Autre qui construit le Je, qui le façonne par son discours (et peut-être aussi par le langage du comportement acquis dans le quotidien; ce que Bourdieu nomme "habitus");
- le moi se trouve désormais en cage entre le Sujet et l' Autre;
- l'objet petit a , lieu de substitution, c'est le réel non symbolisable et la source de nos angoisses (Sisyphe au secours!); l'amour c'est l'objet perdu, le plus précieux;
"l'amour c'est vouloir donner quelque chose qu'on n'a pas à quelqu'un qui n'en veut pas" Lacan
- mais la cage qui s'ouvre (lieu de l'inconscient), c'est ce qui permet l'accès à la cave d' Alibaba, d'où sortent toutes les richesses
le désir permet de surmonter tous les obstacles, faire fi de l'objet pour mettre en avant le sujet;
"faire l'amour c'est se faire soi-même" ( l'autre comme instrument ?)
3 – le champ poétique
c'est le parler vrai qui bouscule les retraits auxquels oblige le surmoi;
c'est la poursuite d'un idéal d'humanité
le passage par l'imaginaire apporte une matière symbolique hautement nutritive et communicative où l'universalité du discours permet la symbiose entre le Je et l'Autre
Le 16 mars 1962
*Le 19 mars 1962 - (voir :
Perpignan comme Béziers ne célèbre pas le 19 mars 1962 ...
leblogabonnel.over-blog.com/.../perpignan-comme-beziers-ne-celebre-p…)
1.
le point de vue du FN :
Communiqué de Louis ALIOT
Député Français au Parlement Européen
Conseiller municipal et communautaire de Perpignan
Le Président de la république, en participant aux commémorations du 19 mars 1962, va porter atteinte à la mémoire des anciens combattants Français, harkis et rapatriés de la guerre d’Algérie. On peut choisir n’importe quelle date sauf le 19 mars avait pourtant averti François Mitterrand le 24 septembre 1981.
Cette date n’est pas celle de la paix, mais celle du déchaînement de la violence et d’un génocide. Après cette date, plusieurs centaines de soldats et plusieurs milliers de civils français et musulmans ont été enlevés et assassinés ou ont disparu, et 150 000 Harkis ont été sauvagement torturés ou mis à mort par le FLN socialiste et ses complices dans les semaines qui ont suivi le soi-disant cessez-le-feu.
Comme le reconnaîtra l’ancien leader FLN Hocine Aït Ahmed«…Il y a eu envers les pieds-noirs des fautes inadmissibles, des crimes de guerre envers des civils innocents et dont l’Algérie devra répondre au même titre que la Turquie envers les Arméniens. »
Commémorer le 19 mars 1962 constitue une insulte pour tous, militaires, harkis, et civils de toutes origines et de toutes religions tombés pour la France avant et après cette date.
Le 19 mars 1962 est la conséquence directe de la défaite politique négociée, acceptée et assumée par le gouvernement gaulliste de cette époque ! Il est pour de nombreux français la marque d’un abandon et d’une tragédie qui aura couté la vie à des milliers de civils innocents !
Parce qu’il est le Président de tous les Français, le Président de la république ne devrait pas participer à cette commémoration à moins qu’elle ne soit une énième concession faite au pouvoir pourtant peu démocratique Algérien à l’identique de celle qui a consisté à remettre la Légion d’Honneur au ministre saoudien de l’Intérieur.
- - -2. Benjamin Stora : "La guerre d'Algérie continue dans les têtes, les cœurs, les mémoires"
08h42, le 18 mars 2016, modifié à 11h11, le 18 mars 2016
COMMÉMORATIONS - Pour l'historien Benjamin Stora, le défi des commémorations de la guerre d'Algérie est d'éviter une "communautarisation de la mémoire".
De toutes les commémorations historiques en France, la fin de la guerre d'Algérie est l'une des plus problématiques. Alors que François Hollande rendra hommage aux victimes du conflit samedi 19 mars, le choix de cette date, qui correspond à l'entrée en vigueur du cessez-le-feu après les accords d'Evian du 19 mars 1962, provoque de houleux débats.
Mettre fin à la "guerre des mémoires". Benjamin Stora, professeur d'histoire à l'université Paris XIII, note en effet que "des groupes de mémoire extrêmement nombreux et puissants" se sont formés après la guerre d'indépendance. Harkis, anciens soldats appelés, immigrés algériens en France... "54 ans plus tard, chacun de ces groupes s'enferme dans son propre rapport au passé", note l'historien. "Le risque de la division, de la séparation, de la communautarisation des mémoires est réel." Dans ce contexte, "la guerre d'Algérie continue dans les têtes, les cœurs, les mémoires. Le problème décisif reste d'essayer d'y mettre fin", estime Benjamin Stora. D'où la nécessité de proposer une date de commémoration. Sans cela, "vous restez dans une guerre des mémoires", estime le professeur d'histoire.
Polémique autour de la date. Mais quelle date choisir ? En 2012, le Parlement a adopté une proposition de loi pour faire du 19 mars une "journée nationale du souvenir" des victimes de la guerre d'Algérie. François Hollande a donc suivi le calendrier commémoratif officiel. Mais à droite, cette initiative ne passe toujours pas. Chaque année, des maires boycottent les cérémonies. Jeudi, Nicolas Sarkozy s'est fendu d'une tribune au Figaro pour critiquer les commémorations du gouvernement, arguant que la guerre s'est poursuivie "pendant des mois" après le 19 mars. "Le rapatriement des Français d'Algérie, les victimes des attentats, les exactions contre les harkis, autant d'événements douloureux qui ne peuvent pas être effacés de l'Histoire officielle et rejetés vers le purgatoire de notre mémoire collective", écrit l'ancien président.
Le 19 mars, important pour les appelés. Benjamin Stora, de son côté, semble se ranger du côté de François Hollande. Tout en confirmant qu'après le 19 mars 1962, "il y a eu une sortie de guerre épouvantable", marquée par les exactions, l'historien rappelle que "le groupe le plus important de cette guerre, ça reste les [soldats] appelés". Environ "1,5 million de jeunes hommes sont allés en Algérie. Et pour eux, la date du 19 mars 1962 est fondamentale. Elle signifie la fin des épreuves, le fait de retrouver sa famille et son travail."
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Le point de vue de l'historien N.Lebourg (Ce que signifie la haine du 19 mars 1962 | Slate.fr
www.slate.fr/story/99215/haine-19-mars-1962 )
La décision de Robert Ménard de débaptiser une rue commémorant les accords d'Evian n'est pas un phénomène isolé, mais un geste qui permet d’éclairer la tentation national-populiste et notre propre rapport à notre histoire.
Débaptisée le week-end dernier par le maire de Béziers Robert Ménard, la rue du 19 mars 1962 se nomme désormais «rue Commandant Hélie-de-Saint-Marc (1922-2013)», en référence à une des figures du combat pour l’Algérie française. Ce n’est pas là un épiphénomène renvoyant à de foutraques obsessions de l’extrême droite. Robert Ménard est un homme adapté à son terrain, mais son hostilité à la date du 19 mars (qu'il a également manifestée en mettant en berne les drapeaux de sa ville) permet de comprendre bien des enjeux travaillant la société française dans son ensemble. Comprendre son geste permet d’éclairer la tentation national-populiste bien au-delà des milieux sensibles à la thématique «Algérie française», et également de questionner notre rapport social à cet épisode colonial, dorénavant obsessionnel en nos mémoires.
Le 19 mars est-il la fin de la Guerre d’Algérie?
Devant un parterre de 2.000 personnes venues de tout le sud de la France, l’ancien président de Reporters sans frontières s’est exclamé:
«Oser dire, oser laisser penser que la guerre, oui, la guerre d’Algérie, s’est terminée le 19 mars, le jour de la signature des accords d’Evian, n’est pas seulement un mensonge, c’est une ignominie, une insulte à la mémoire de tous ceux –pieds-noirs, harkis, jeunes du contingent– qui ont été torturés, qui ont été émasculés, qui ont été tués, qui ont disparu après cette date, après cette capitulation, après cet abandon.»
D’emblée, on remarque que la nostalgie Algérie française revendique désormais le terme de «guerre», alors même qu’il a fallu attendre 1999 pour que la France reconnaisse qu’il s’est agi d’une «guerre» et non d’«opérations de maintien de l'ordre». La crispation n’est donc pas exempte d’ouverture, même si le terme «guerre» paraît surtout permettre de mettre en cause l’abandon à l’ennemi de populations françaises. C’est là le cœur de l’argumentation de la mobilisation contre le 19 mars: les massacres de harkis perpétrés après cette date ne permettraient pas que l’on puisse considérer la guerre comme alors achevée.
D’un point de vue historique, l’argumentaire n’est guère recevable car les historiens ne fonctionnent pas sur une répartition guerre/paix mais mettent en avant la notion de «sortie de guerre». Ainsi, après la Libération en 1944, la France a connu des exécutions sommaires, des internements «jusqu’à cessation des hostilités», officiellement promulguée au printemps 1946, l’organisation du ravitaillement, etc. On ne se défait jamais d’un conflit quand on a signé des accords de paix: c’est un processus plus délicat qui mène à l’état de non-belligérance. Le fait que des massacres aient suivi les accords de paix ne constitue donc pas rationnellement un argument pour ou contre la commémoration de cette date. C'est une question politique, mais non historique.
Les harkis, une tragédie française
En outre, les massacres de harkis et leur sort après leur rapatriement constituent d’épineuses questions. Elles constituent le cœur du propos de Robert Ménard, qui lie ainsi diverses thématiques:
«Nous sommes ici pour dire tout cela à ceux qui armaient le bras des assassins, des bourreaux des Français d’Algérie. Des assassins, des bourreaux qui nourrissent encore aujourd’hui une haine à l’égard de la France, de ses valeurs, de son histoire, de ses combats, de sa civilisation. Une haine qui pousse certains à abattre des journalistes parce qu’ils sont journalistes, à abattre des policiers parce qu’ils sont policiers, à abattre des Juifs parce qu’ils sont juifs. Cette haine de la France est comme une insulte, comme une gifle pour d’autres musulmans, pour nos amis musulmans, pour nos frères harkis, eux qui ont choisi la France, qui sont morts pour la France. Eux qui ont été massacrés, certains écorchés vifs, ébouillantés. Eux qui ont été abandonnés sur ordre de l’État français, livrés à la vindicte du FLN.»
Ceux qui armaient
le bras
des assassins,
des bourreaux
des Français d’Algérie.
Des assassins,
des bourreaux
qui nourrissent encore aujourd’hui une haine à l’égard de la France
Robert Ménard
Qu’en fut-il précisément du sort des harkis? Les associations harkis ont sanctuarisé le chiffre de 150.000 personnes assassinées; un bilan fin est encore délicat à construire. Spécialiste des harkis, l’historien Abderahmen Moumen explique que le chiffre de 150.000 victimes «provient d’une péréquation à partir des chiffres du rapport de 1963 de l’ancien sous-préfet d’Akbou, qui estimait que le bilan des massacres dans son ancien arrondissement était situé entre 1.000 et 2.000 victimes: en multipliant ces chiffres par le nombre des 72 arrondissements de l’Algérie, on a abouti aux chiffres de 72.000 morts, selon la version basse, ou 144.000 morts selon la version haute, chiffre aussitôt arrondi à 150.000». Les historiens travaillant sur cette question ne sont pas encore parvenus à une estimation faisant consensus, faisant varier les bilans des massacres de 10.000 à 70.000 personnes.
Les harkis ont ensuite été victimes de politiques d’ostracisme. Si on ignore plus guère les difficultés qui furent souvent les leurs pour rejoindre la métropole, le traitement des harkis arrivés à destination demeure trop souvent méconnu. La nationalité française ne leur fut pas reconnue d’emblée: regroupés dans des camps de transit, ils durent la réclamer.
Les harkis, des indésirables?
Les camps pour harkis étaient parfois d’anciens camps d’internement récupérés. Selon les calculs d’Abderahmen Moumen, le plus grand site fut celui de Rivesaltes (juste à côté de Perpignan, pas très loin de Béziers), où avaient précédemment été concentrés des républicains espagnols, des juifs européens, des collaborateurs, des soldats allemands prisonniers de guerre et, juste avant, des nationalistes algériens –pour le lecteur soucieux de l'ensemble de cette histoire, je me permets de renvoyerà Rivesaltes, le camp de la France, que je viens de publier avec Abderahmen Moumen.
22.000 harkis y transitèrent entre septembre 1962 et décembre 1964. Des familles y demeurèrent jusqu’en 1977. Elles n'étaient ni internées, ni autonomes. Les personnes étaient plus traitées comme des réfugiés algériens que comme des français. Un abyssal mépris les couvrait, les échanges épistolaires entre administrations n’hésitant pas à les parler d’«incasables», de «déchets», d’«irrécupérables». Leurs prédécesseurs espagnols de 1939 étaient eux dits «indésirables». Dans une société désintéressée du sort des populations recluses, l’État donne libre cours à sa puissance biopolitique.
L’extrême droite sait toujours aujourd’hui mobiliser la représentation des «communistes porteurs de valise» et des «traîtres gaullo-communistes qui abandonnèrent les harkis». Tout est mis dans un même sac de manière à mobiliser contre la gauche le segment correspondant du corps électoral, méthode de toujours, qui n’a pas attendu l’invention du slogan «UMPS».
Mais, il est vrai que le Parti communiste français fit alors feu de tout bois. Ainsi, à propos du centre de Rivesaltes, la presse du parti n'hésita pas à titrer entre autres «Rivesaltes. Que compte faire le conseil municipal pour nous débarrasser des harkis» ou «Rivesaltes aura-t-elle une municipalité harki?». L'anti-impérialisme venait servir d'excuse à la péjoration ethnique, en un ton ayant peu à envier à celui de la presse d'extrême droite lorsqu'il s'agissait de fustiger les républicains espagnols rassemblés dans les camps français en 1939.
Les rapatriés, une cible politique convoitée
Mais, pour l'extrême droite actuelle, la thématique de l'abandon des harkis permet tout à la fois de se faire le chantre d'un patriotisme de contrat social et de faire passer un virulent message contre la présence d'origine arabo-musulmane en France. On le voit dans le discours de Robert Ménard, avec son saisissant raccourci qui mène des nationalistes algériens aux terroristes islamistes. Ménard n'hésite pas non plus dans son discours à proclamer: «colonisation de peuplement, disait-on de la présence française en Algérie. Il faut parler aujourd’hui, en France, d’immigration de peuplement, d’immigration de remplacement». L'analogie historique sert ici à légitimer la critique ethnique, avec une référence codée mais transparente au thème du «grand remplacement» –une thématique présente dans l'extrême droite radicale depuis des décennies, mais qui a su trouver le succès récemment, en lui soustrayant le fait que ce remplacement était jusque là censé être l’œuvre du complot juif.
Il n'y a pas qu'à Béziers que l'on se soucie de manier la mémoire de la guerre d'Algérie à des fins politiques. Les rapatriés, harkis et pieds-noirs, ont fait souche, principalement sur le littoral méditerranéen. L'Ifop a calculé que ce segment représentait 12% du corps électoral en Languedoc-Roussillon et 15% en Provence-Alpes-Côte d’Azur. Chacun cherche cette manne. A Perpignan, la mairie UMP n'est pas moins hostile à la commémoration du 19 mars que celle de Béziers: longtemps appuyée sur la clientèle pied-noir, elle est entrée en concurrence sur ce terrain tant avec le FN qu'avec le PS. Ce sont les élus départementaux puis régionaux de ce dernier parti qui ont initié un projet de Mémorial de Rivesaltes qui ouvrira en septembre, avant les régionales. C'est là qu'une semaine avant le premier tour de la présidentielle de 2012, Nicolas Sarkozy était venu, en tant que président de la République, reconnaître au nom de la France la tragédie harki, avant que le candidat Sarkozy ne fasse le soir même un meeting extrêmement virulent contre l'immigration et l'islamisme.
La fabrique des mémoires
Avec Abderahmen Moumen, nous avions bien suivi ces opérations, ayant été tous deux contactés pour savoir si nous accepterions de servir de guide au président. J'étais allé finalement observer la contre-manifestation du FN. Quand Marine Le Pen et Louis Aliot sont allés diverses fois déposer des gerbes au souvenir des harkis sur le camp de Rivesaltes, je m'y suis aussi rendu. J'ai demandé à Marine Le Pen quelles leçons de l'histoire signifiait pour elle ce camp ouvert pour des républicains espagnols et fermé en 2007, le centre de rétention administrative pour immigrés clandestins qui y était ayant été déplacé, et agrandi, pour ne pas entrer en résonance avec le futur mémorial. Elle m'a réprimandé, s'exclamant qu'elle n'avait pas de leçons à recevoir, alors que ma question était tout à fait sincère (et que je me la pose toujours).
La mémoire n'est pas un phénomène spontané. Quand on étudie son histoire, on se rend compte qu'elle est une coproduction entre des institutions politiques et des groupes de la société civile. Quand il y a un segment électoral et un tissu associatif, comme dans le cas harki, peut émerger une mémoire, et on peut s'appuyer sur celle-ci pour construire une dynamique politique. Quand il n'y a pas de tissu associatif, les faits demeurent dans l'oubli ordinaire (il n'existe pas de «mémoire» des nationalistes algériens emprisonnés à Rivesaltes avant que n'y soient les harkis, ou des militaires coloniaux guinéens et indochinois qui y partagèrent un temps le sort de ces derniers).
La mémoire fonctionne comme un marché, avec des acteurs qui y visent à la concentration des capitaux sociaux. On a là une poursuite de l'histoire sociale, traçant une logique structurelle entre les phases du camp de Rivesaltes jusqu'à sa mise en mémoires –ce pourquoi nous avons traité ainsi la question de ses mémoires, plutôt que de rentrer dans une étude de l'émergence de son musée: c'eût été, en ce dernier cas, s'intéresser à sa production et sa réalisation, par exemple aux modalités de ses contrats publics, question certes légitime, mais déplaçant la focale.
Sur la question de la défense des rapatriés d'Algérie, l'extrême droite a une longue pratique. L'UMP et le FN se disputent la clientèle. Les socialistes ont accompagné la production d'une mémoire républicaine espagnole en Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon, mais essayent également d'investir ce champ –tant et si bien que nous en eûmes certains, l'autocollant «Je suis Charlie» fraîchement collé, affirmant qu'ils ne voulaient pas voir publier notre ouvrage sur Rivesaltes, estimant que leur position quant à cet objet devait leur assurer le monopole de la production à son sujet... sans bien saisir que cette réclamation faisait démonstration de notre très pondéré et magnanime propos quant au fonctionnement des mémoires comme un marché.
La dynamique autoritaire
Le lieu
de l’ostracisme
est un lieu «autre» qui permet
la production
d’un espace public «normal»
Néanmoins, l'articulation identité-autorité fonctionne pleinement au bénéfice politique de l'extrême droite. On comprend dès lors bien le positionnement de Robert Ménard, qui n'avait pas fait mystère de sa fibre pied-noir durant la campagne des municipales. Peu auparavant, il avait publié un ouvrage intitulé Vive l'Algérie française! Béziers est une ville en grande difficulté: comme nous le rappelions dans une note publiée avant les élections municipales, 33% de la population y vit sous le seuil de pauvreté. L'équipe élue ne change pas le vécu social. Elle se sert de signes d'identité et d'autorité: ainsi des buzz organisés autour de la crèche de Noël placée dans l’hôtel de ville, ou des provocatrices affiches quant à l'armement de la police municipale... ou de cette opération quant au 19 mars. L'absence d'impact du politique sur les réalités socio-économiques est ici clairement compensée par une offre de signes en charge de réassurer la cohésion du groupe ethno-national majoritaire.
L'usage politique de la mémoire, pointant ici du doigt les personnes originaires des mondes arabo-musulmans, poursuit la dynamique dont furent en fait victimes les harkis eux-mêmes: la mise à l'écart de groupes minoritaires au bénéfice de l'unitarisme autoritaire. Il y a là une logique, quant on songe que l'histoire d'un camp comme celui de Rivesaltes nous montre que l’ostracisme de communautés dont le sort indiffère la société permet de générer du consensus grâce à sa démonstration d'une puissance biologique régulatrice. Le lieu de l’ostracisme est un lieu «autre» qui permet la production d’un espace public «normal». L'admonestation publique des minorités a des finalités proches. Cette question-là balaye le social, réenchante la politique aux yeux d'une partie de nos compatriotes. Elle paraît réaffirmer un semblant de récit groupal et de volontarisme des autorités. C'est pourquoi, ces jours-ci, à Béziers et ailleurs, ils iront manifester contre le 19 mars. C'est pourquoi, ces jours-ci, à Béziers et ailleurs, ils iront voter Front national.
Nicolas Lebourg
les 80 ans du Travailleur Catalan
Publié le 13/03/2016 à 22:05 par leblogcultureldyl
Rencontre et lancement du Numéro spécial 80 ans
Samedi 19 mars Caves Ecoiffier à Alénya
15h:Présentation publique du numéro spécial du Travailleur Catalan(40 pages de souvenirs, de témoignages, d’analyses…)
16h:Débat « Menaces sur la pluralité de la presse et sur la profession de journaliste » avec Patrick Appel-Muller, directeur de la rédaction de l’Humanité, Emmanuel Vire, secrétaire national du SNJ-CGT, Stéphanie Mora, rédactrice en chef adjointe à France Bleu Toulouse…
19h:Banquet populaire concocté par l’équipe Barboufat
L’entrée en matière: salade verte, son involtini de speck et son chorizo.
Au fond de la mer: poêlée d’encornets à la coriandre fraîche.
Au sommet de la montagne: fricassée de bœuf façon Barboufat.
Dans la campagne: bleu de chèvre ou camembert.
L’apothéose: gâteau fin pâtissier.
Apéritif – Vins – Café
21h:Spectacle
L’Agram
Joan-Llorenç Solé
Cris Cayrol
Les Madeleines
Pour participer au repas et assister au spectacle, achetez dès aujourd’hui le Ticket de 15 €
En vente au siège de Travailleur Catalan
44 avenue de Prades – 66000 PERPIGNAN
Tel. 04.68.67.00.88.
ATTENTION : Nombre de places limité !