A trois jours d'élections cruciales, il faut revenir sur le livre (*) de Yasmina Reza, choisi par le Président pour couvrir, de façon littéraire, sa première campagne présidentielle. (il se lance dans la course à l'Elysée le 30 novembre 2006)
Sarko n'a pas récidivé, cette fois-ci, la chronique de cette aventure : choses vues ou entendues, brèves conversations, méditations sur le pouvoir, la volonté, la solitude, le temps... Pourquoi ? Cette expérience a-t-elle été un échec ? A-t-il considéré que l'écrivaine avait pris trop de liberté ? En tout cas, c'était une forme de courage de sa part (j'ose le dire car je déteste tout en sa conduite et en sa politique !!) car il a laissé à Yasmina une liberté entière...
Elle ne l'appelle jamais par son nom, elle écrit "Lui, il..."; quant à elle, elle dit rarement "je", elle s'efface, se veut objective,, même si parfois le jugement pointe son nez....
Ainsi, elle montre les aspects mesquins de l'homme, sa frénésie, ses opérations séductions, le déconsidérant en faisant témoigner "Mamie" : "C'est un nerveux...Il lui manque dix centimètres, ça le gêne au niveau charisme international...c'est un fox-terrier qui court partout en aboyant..." (page 137).
Cependant, Sarko est étonnant quand il vient à une représentaton d'une pièce de Yasmina et cite, plus tard, de mémoire, un extrait de la pièce...
Cet homme est à méditer, avec Kundera qui le définit comme "un homme au-delà des clichés" (p.27)...
On comprend ses angoisses quand il déclare : "j'aime faire les courses, aller quelque part : l'immobilité, c'est la mort.... L'amour, c'est la seule chose qui compte." (p.41).
Ce personnage est étrange, méconnu, comme l'exprime un de ses conseillers : "Les gens ne savent pas qui il est...Plus il est en lumière, plus il s'enfonce dans l'opacité." (p. 70)
Nicolas a, quoi qu'on dise, de la culture : "Pour apaiser sa vanité, il lui faut aussitôt disserter sur Picasso, Guernica, la Reine-Sophie, Vélasquez, Les Ménines, nobles sujets sans le moindre rapport avec la campagne." (p. 75)
Ah! Si les deux favoris parlaient de façon naturelle, avec humour (Hollande) et détachement (Sarko), la campagne serait beaucoup plus enthousiasmante !
Y.Reza nous donne encore envie d'aimer Sarkozy quand elle révèle sa "philosophie", sa vision de l'existence : "Tout lui pèse. Et tout lui est indifférent. Je lis aussi dans son visage morne le poids de cette indifférence." Cet homme, angoissé, porte donc un masque. Il joue la comédie, il veut le pouvoir pour s'oublier, oublier son insignifiance ! Et l'auteur confesse ne pas pouvoir (ou vouloir) tout dire, écrire toute la vérité de cet homme, aux allures de matamore, mais bien diffrent : "Dans ce que j'écris, il n'y a pas trace de cette modestie." ((p.124)
Enfin, il est lucide sur ses chances d'être élu: sans les voix d'extrême-droite, il est fichu; page 130 : "Si je suis à 30%, c'est qu'on a les électeurs de Le Pen. Si les électeurs de Le Pen me quittent, on plonge."
Sarko est bel et bien foutu !!!
(*) «L'aube le soir ou la nuit», Flamarin, 2007 : l'écrivain met en scène sa rencontre avec le candidat.