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19 février 2012 7 19 /02 /février /2012 11:58

rousseau.jpeg   2012, année Rousseau, on fête les trois cents ans de sa naissance : alors, je relis Rousseau, la part poétique surtout : les Rêveries du promeneur solitaire. Ces commémorations littéraires voulues par l'Etat ne sont pas tout à fait absurdes : elles permettent de se replonger dans l'oeuvre d'un classique. Rousseau, auteur capital dans de nombreux domaines. Ecrivain prolétaire, menant une vie de bohème, d'exilé, de sans-papier et inspirateur des révolutionnaires !

 

Rêveries d'un promeneur solitaire. Rêverie, synonyme de délire ou de vagabondage, ce n'est ni le songe, fiction, chimère ou vision pendant le sommeil, ni le rêve, méditation, pensée profonde.

    La rêverie dans la nature est l'activité heureuse de l'imagination et du souvenir.  Elle permet à Rousseau d'oublier ses malheurs, le harcèlement des autres, les méchancetés de la société; elle lui procure ce "ravissement inexprimable qui consiste à se fondre dans le système des êtres et à s'identifier avec la nature entière." "J'aime mieux fuir les hommes que les haïr."

 

Dans le lac de Bienne, à l'île Saint-Pierre, près de Neuchâtel, au nord de Lausanne, Jean-Jacques retrouve la joie intérieure de jadis : chaque détail vise à recréer en lui une atmosphère capable d'émouvoir sa sensibilité physique. Il se voue à l'oisiveté, il est conscient de sa passivité; il ne veut que se sentir vivre. Pour exprimer ses plaisirs sensuels intimes et, de ce fait, difficilement communicables, Rousseau va utiliser la plus belle des proses, une écriture lyrique aux modulations harmonieuses; travail sur le rythme, enchanteur, susceptible de traduire le mouvement de la marche, de l'eau, des nuages, de l'avancée des sensations, de la montée d'un orgasme plus affectif que sexuel... La prose s'adapte aux mouvements de l'âme, aux ondulations de la rêverie. Dans cette ode à la Nature, l'être se purifie et se contemple dans son essence.

 

      Il retrouve une solitude voulue, à présent : "J'aime à me circonscrire (à vivre retiré). Quoique je sois peut-être le seul homme à qui sa destinée en a fait une loi, je puis croire être le seul qui ait un goût si naturel."

 

Dans ce retirement, à pied, herborisant ou couché dans sa barque et dérivant au gré de l'eau sur le lac de Bienne, l'oeuvre est un monologue; l'auteur est seul face au monde naturel dans cette autobiographie, sincère, cette fois-ci : on est loin des Confessions... Il se retrouve dans le lieu et la solitude : "Mes heures de solitude et de méditation sont les seules où je sois pleinement moi et à moi." Le livre s'ouvre sur cette phrase : "Me voici donc seul sur la terre, n'ayant plus de frère, de prochain, d'ami, de société que moi-même..."Face au mépris et aux mesquineries des hommes, Rousseau découvre que le bonheur est en chaque homme : "la source du vrai bonheur est en nous..."; il veut fixer ces instants; ensuite, la lecture fera revivre cette jouissance (première promenade).

 

      En outre, solitude et plaisir des sens, rêverie et contemplation de la beauté environnante lui rendent conscience de son être : "Ces heures de solitude et de méditation sont les seules de la journée où je sois pleinement moi et à moi sans diversion, sans obstacle et où je puisse véritablement dire être ce que la nature a voulu." (deuxième promenade).

 

Le rôle de l'écriture est de retranscrire ces promenades, ces enchantements, ces extases, mais ce bonheur peut aussi conduire à l'inactivité et à ne plus écrire (cinquième promenade). Alors, la rêverie et la balade, menant à l'ataraxie, aux portes du paradis, s'approchent aussi de la création divine; loin des hommes, en exil, dans l'asile suisse, Rousseau ressent son autonomie, son être profond : "De quoi jouit-on dans une pareille situation ? De rien d'extérieur à soi, de rien sinon de soi-même et de sa propre existence, tant que cet état dure on se suffit à soi-même comme Dieu."  H.Rousseau.jpeg L'éden, selon Henri Rousseau (dit "Le Douanier Rousseau")

 

 

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18 février 2012 6 18 /02 /février /2012 10:55

Le Dalí de la collection Sabater

dali_paysage-de-l-emporda.jpg Vivante ! Tel est le mot qui qualifie le mieux l'exposition tout juste commencée à l'espace Dalí haut perché sur la butte Montmartre.

Après avoir été présentée durant deux ans au musée de Cadaquès, elle s'installe jusqu'au mois de mai dans le seul musée de France entièrement dédié à l'artiste surréaliste catalan.
L'on y découvre, autour des sculptures appartenant à l'espace Dalí, une centaine d'œuvres dédicacées par Salvador Dalí à son secrétaire particulier et ami Enrique Sabater - qui en possède quelque trois cents.

Pour l'histoire, les deux hommes font connaissance en 1968, alors que Sabater est un jeune journaliste venu l'interviewer à son atelier de Port Lligat en Catalogne. La conversation s'installe et Dalí lui dit de revenir le sur-lendemain pour poursuivre les échanges. Et ainsi de suite de jour en jour, si bien qu'une amitié se construit progressivement. Au bout de quelques années, Sabater devient non seulement le comptable, le conseiller, le chauffeur, le garde du corps et l'attaché de presse de Dalí, mais aussi le complice de la vie quotidienne du couple qu'il forme avec Gala. Ce lien durera jusqu'en 1981, soit plus de douze ans.

L'exposition témoigne pleinement de cette confiance. Y sont présentés pêle-mêle, dans une ambiance un peu foutraque absolument délicieuse, photos, livres, dessins, huiles, aquarelles, maquettes et gravures tous dédicacés de la main du maître à son ami.
A travers ces œuvres, c'est tout un univers qui s'ouvre au visiteur : celui d'un artiste brillant, profondément enraciné dans la culture littéraire classique et en même temps révolutionnaire, mais aussi d'un homme d'amour (quelle tendresse se lit sur les photos le montrant avec Gala !) et d'amitié, qui octroyait avec générosité les dédicaces aux personnes qu'il aimait - les œuvres exposées en sont la preuve matérielle.

dali_quin-elisabet.jpg  L'image publique du mégalomane se pavanant tel un paon faisant la roue est remise à sa juste place derrière le témoignage d'Enrique Sabater qui révèle combien cette attitude était calculée : "Dalí et Gala étaient des gens simples. Leur vie à Port Lligat, c'était la routine : Dalí peignait durant de longues heures et Gala lui lisait ses textes préférés pour le relaxer. Dalí me demandait toujours de lui rappeler la visite d'un journaliste cinq minutes avant, pour qu'il mette son "costume d'interview". Dès qu'il était en présence d'un inconnu, son ton changeait, il se métamorphosait pour interpréter son rôle".

Il faut prendre le temps de déambuler au milieu des œuvres pour ressentir l'extraordinaire vitalité qui s'en dégage : liberté absolue, inventivité débridée, mais avec toujours un fini soigné, des couleurs qui font mouche, des lignes virtuoses - ses splendides dessins à l'encre de chine évoquent une calligraphie traditionnelle qui aurait pris ses aises...
On en ressort tout régénéré, avec l'avis que le charme du surréalisme a aujourd'hui encore de beaux jours devant lui, tant l'on a besoin de sa fantaisie et de sa légéreté, qui chez le Catalan s'épanouissent avec une grâce particulière.

Signé Dalí - La collection Sabater
Espace Dalí11 rue Poubot - Paris 18ème -- M° Anvers, Abbesses, bus 54, 80 et Monmartrobus- TLJ de 10 h à 18 h - Entrée plein tarif 11 € - Jusqu'au 10 mai 2012

Images : A Sabater, Paysage de l'Empordà, huile sur cuivre - 18 x 23,7 cm - 1978 © Collection Enrique Sabater
A Sabater, une accolade sur le Quin Elisabet (sic) Encre sur papier - 28,5 x 44 cm - 1975 © Collection Enrique Sabater

** Aux éditions de La Merci : PAROLES-COUVERTURE.jpg 9 av. du Cap Béar- 66100- Perpignan-0468551874 - www.lamerci.fr (chèque bancaire de 20 euros)

**


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17 février 2012 5 17 /02 /février /2012 15:43

loto.jpeg    Le quine -ou loto, selon les régions- est un jeu convivial qui permet de se retrouver en famille ou entre amis, autour d'un carton et de passer quelques heures joyeuses ensemble.

  Même si le hasard, la chance, la bonne ou mauvaise fortune, limitent ici l'initiative du joueur, cette activité ludique exige cependant des qualités certaines. 

  Ainsi, une gymnastique précise des doigts est nécessaire pour placer sur les chiffres le témoin choisi : grain de maïs, lingot de Saint-Girons ou piécettes de deux ou cinq centimes d'euro. Surtout, c'est l'attention qui est sollicitée afin de ne pas omettre une annonce ou l'explication d'une règle du jeu : c'est pourquoi la salle exige le silence (mais c'est aussi par colère et jalousie) quand un malheureux apostrophe le sort en criant : "Emmène-le !".

 

  Parfois, par jeu et mimétisme, des groupes poussent la même exclamation -seul moment où le public s'accapare la parole-, et l'animateur, au micro, de réclamer le silence : son autorité a été menacée ! C'est surtout son pouvoir, né de la création verbale, de sa capacité à dire de "bons mots", en annonçant les chiffres fatidiques), qui est "volé", un instant, par l'auditoire...

 

  Cependant, cette rivalité est un rite : elle permet un dialogue amusant, un échange amical entre les joueurs et les organisateurs. Malgré les codes et les formules connues -et souvent coquines- (le 4: à 4 pattes; 66 : les deux en l'air; 69 : la culbute, ou la télé du pauvre;68 : l'antichambre...), les réparties sont joyeuses et souffle, souvent, au coeur de la rifle, l'esprit !

  Le bel esprit et l'humour sont incarnés par l'annonceur qui, en général, est une figure du village; il doit faire preuve d'imagination et d'invention langagière, afin que le jeu ne se résume pas à une affaire de gain, de lots gagnés ou de recettes pour un club, une association, etc...`

 

  Soudain, le vainqueur de la ligne ou du carton plein jette un explosif "Halte !" et la foule pousse un soupir collectif de déception; on attend la vérification en espérant que le joueur ait commis une erreur...  Hélas ! Mais ça recommence, voici une nouvelle partie; fusent les "Monte-le !", les "Touche-le !"; l'annonceur plonge sa main dans le sac bourré de nombres et sa voix enjouée distille des mots doux : "Le 6 : le facteur part en tournée!", le 9 : queue en bas : le facteur revient de tournée!"; "68 : à la porte du bonheur !"; "75 : les Parisiens, les envahisseurs !"

 

   Le public s'amuse, rigole; on boit des bocks, des cafés... On ignore le plus souvent que le quine, à l'origine, était un jeu de bagnards; il était fait pour faire patienter ceux qui devaient partir pour la Guyane; les illettrés étaient légion, c'est pourquoi, on donnait à chaque numéro une appellation; les bagnards qui partaient de l'Arsenal de Toulon ont essaimé le loto dans tout le sud de la France...

 

   Les jambons sont partis, presque tous les lots ont été distribués... La soirée s'achève sur une "consolante" ! Les familles et les amis repartent chez eux bredouilles ou chargés d'un lourd panier, mais tous ont passé un agréable après-midi d'hiver dans le café de leur village ou de leur quartier...

 

   On se rejoue les parties : "70 : l'année terrible", "51: avec un glaçon", "54: Mireille", "69: en l'air et en bas", "33 : chez le docteur", "75 : boum-boum", "2 : c'est un mâle", "15: l'Usap", " 72 : lève la blouse !", " "59 : les gens du Nord", "11 : les deux gendarmes", "11 : les gens de l'Aude" ou : "les belles jambes", "7 : bien compté", "4 : chapeau !", " 14 :l'homme fort", "20 : il est chaud", "3 : en Champagne", "80 : dans le coin", "34 : le héros", "7 : la picasse", "12 : à la douzaine", "58 : la CRS", "26 : la musique", "30 : en poussant", "2: comme papa", "89 : la mère Denis"...  rifle.jpeg

 

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15 février 2012 3 15 /02 /février /2012 18:41

   * Je vais assister à une signature de Claude Simon chez Jean-Louis Coste, "son vieil ami", écrit L'Indépendant. L'écrivain de Salses dédicace pendant une heure son dernier livre; il fait très chaud au troisième étage de la librairie Torcatis. Claude Simon est très rouge; il n'a pas le temps de lever les yeux : il doit signer, c'est le labeur ingrat de l'écrivain; il doit inscrire un nom et une phrase, au préalable notés par l'acheteur sur un carré jaune offert par le commerçant. En effet, le romancier a des problèmes d'audition; ainsi, il ne va pas parler ni dialoguer avec ses lecteurs ou ses admirateurs; il ne les entendrait pas bien. Il a bien vieilli (quatre-vingt-quatre ans) et a grossi, aussi; il est pourtant venu pour cette corvée.

    Où est la littérature dans une telle situation ..? Dire que le Prix Nobel est si prolixe dans son roman Le tramway, si érudit dans ses entretiens dans les journaux (Le Monde, Libération venus le rencontrer dans son village des Pyrénées-orientales),  mais là, ce jour-là, il paraît fatigué, si pitoyable, esclave de ce jeu commercial, si manipulé par son public et les curieux; certains sont venus pour prendre des clichés, poser près de lui pour la photo du journal local, tandis que d'autres stagnent près des apéros et des amuse-gueule et qu'un petit groupe d'artistes ou d'intellos -Claude Massé, Henri L'héritier, Jean-Claude Marre - causent entre eux; Maurice Roelens, au regard toujours aussi malicieux, le prof de Fac qui en sait tant sur C. Simon, semble, dans son coin, mépriser ce carnaval littéraire, ce salon vénal, où l'on n'apprendra rien sur la littérature, mais qui en dit long sur les moeurs littéraires et éditoriaux... J'achèterai le livre sans faire la queue pour la dédicace. Adieu Claude Simon !  Je le retrouverai dans ses mots...

 

   * Sur L'espoir de Malraux, Claude Simon écrivit : "Pour moi, c'est un peu Tintin faisant la révolution."

 

  * Le 17 octobre 1985, à Gap, sur la page de garde de Du Domaine, de Guillevic, le jour même où Claude Simon a décroché le Nobel, le noble prix, pour un assez obscur "viticulteur" de Salses, dans les Pyrénées d'Orient, écrivain proustien à l'ombre d'un épais château de briques...

   Entre dix heures et dix heures trente, avec Eugène, les pages tournent trop vite; entre elles, un espace, un domaine trop blanc, territoire qu'on méprise au lieu de le méditer, le parcourir. Mais on s'obstine à lire les minces phrases proverbes, les vers suggestifs, vols de plumes, pas discrets sur la page; on tourne, on se grise dans le manège des pages, alors qu'on devrait avoir le courage de penser ou de rêver entre les frontières de l'encre...

 

* En Egypte, Victor Segalen se serait intéressé aux noms et inscriptions, notés sur des carnets oblongs. Au Japon, comme Roland Barthes, il aurait créé un nouveau genre littéraire en transcrivant les signes de la pub et les enseignes lumineuses des mégapoles nippones. Ecritures pérennisées dans la pierre, la matière tombale : croix, panneaux stellaires, écritures de la mort. A l'opposé, les narrations, les bandes dessinées à lire sur les obélisques égyptiens : écritures de la vie...

 

* A propos de racisme, revenir à Voltaire : "Quoi ! Mon frère le Turc ? Mon frère le Chinois ? Le Juif ? Le Siamois...?"

V. Segalen est plus tolérant en écrivant sur le divers, le différent : l'Homme est unique dans son infinie variété. L'autre, ce n'est pas l'enfer (Sartre), mais c'est l'ami : "Car c'était lui..." (Montaigne et La Boétie), et c'est l'amour : retrouver le vers 1782 du Misanthrope de Molière...

   Le raciste croit que l'autre, c'est le distant, l'étranger, le monstrueux : c'est la tronche du Sauvage, le noir des cheveux, le jaune de la peau, le rouge de la violence, le cri du Barbare, autant d'éléments physiques. Mais aussi l'exclusion s'exerce tout au long de l'histoire des Hommes sur les êtres marginaux, la Sorcière (reprendre Jules Michelet), le maître de la parole, le bonimenteur, le prince de l'animisme, l'as de la sorcellerie...

 arbre-et-racines.jpg

 

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14 février 2012 2 14 /02 /février /2012 17:17

 

 

   ***  Duprat, l'homme qui pensa le Front National conférence de Nicolas Lebourg

lebourg.jpg  Librairie Torcatis, rue Mailly - Perpignan, jeudi 16 février 2012, de 18:00 à 19:30

 

Nicolas LEBOURG/Joseph BEAUREGARDFrançois Duprat, l’homme qui inventa le Front National Impacts. Mise en vente le 9 février 23,50 euros.

 

François Duprat ? C'est un spectre qui hante la vie politique française. Y penser parfois, n'en parler jamais. Numéro deux du Front National, assassiné dans un attentat à la voiture piégée en 1978, son simple nom a laissé un parfum de souffre. Son mystérieux assassinat en a fait le « martyr de l'extrême droite », un personnage rêvé pour les affabulations complotistes et les histoires paranoïaques. On l'a dit policier infiltré, agent secret, ou maître chanteur. Quelques uns savaient qu'il avait joué les commis voyageurs pour quasiment tous les camps politiques. Très peu se souvenaient qu'il avait inventé une stratégie visant à dédiaboliser l'extrême droite en amenant les autres partis sur le thème du coût social de l'immigration.

Gascon au verbe haut et au physique imposant, possédant une aisance rhétorique exceptionnelle et une mémoire hors du commun, provocateur à l’extrême, brouillon et bouillonnant, publicitaire de lui-même et homme des réseaux obscurs, romanesque et machiavélique, débonnaire et calculateur, pendant 20 ans, ce personnage de roman noir tiendra alternativement et/ou simultanément le rôle de l'activiste, du chroniqueur et du théoricien de l'extrême droite. D’Occident au Front National, d’Ordre nouveau aux milieux néo-nazis, avec lui, le lecteur pénètre dans toutes les organisations, leurs stratégies et leurs compromissions.

Stratège du FN et éminence grise de Jean-Marie Le Pen, il est celui qui lui impose le fameux slogan « un million de chômeurs c’est un million d’immigrés en trop ». Diffuseur du négationnisme, antisémite compulsif, journaliste, auteur de nombreux ouvrages, adepte du double jeu et des coups tordus, il cherche à capitaliser sur toutes les formes de transgression. C’est sa façon de faire de la politique.

François Duprat s’est propulsé au travers de son époque en jouant au bord des précipices. Sa trajectoire constitue un formidable fil rouge pour comprendre une période tumultueuse et comment l’extrême droite est parvenue à se reconstruire sous la Ve République. Remonter le fil de sa vie, c’est parcourir l’Afrique et le Moyen-Orient, s’immerger dans la décolonisation et la Guerre froide, traverser Mai-68 et les bagarres du Quartier latin, décrypter la machinerie politique du FN, mais aussi les relations d'un révolutionnaire avec différents services de renseignement.

  Sans admiration ni procès à charge, sans complaisance ni haine, c'est une autopsie implacable et une analyse sans état d'âme, fruit de quatre ans d'enquête, qu’ont écrit Nicolas Lebourg et Joseph Beauregard. Pas à pas, ils ont suivi cet homme complexe jusqu’au vertige. A travers des archives de police inédites et 120 témoignages, ils sont parvenus à déconstruire un mythe pour dresser le portrait d’un homme, révélateur des tourments les moins avouables de la vie politique française.

 

   Joseph Beauregard est auteur et documentariste spécialisé sur la police, la justice, l’univers carcéral et les services de renseignement.

   Nicolas Lebourg est historien (Université de Perpignan-Via Domitia), spécialiste des extrêmes droites et de la violence politique.

Les auteurs ont publié cet été 2011 dans Le Monde Magazine une série intitulée « Une histoire des n°2 du FN ». Ils ont également écrit « François Duprat, une histoire de l’extrême droite » (sélectionné au FIPA 2012) que l’on peut visionner sur le site de l’INA et du Monde.fr.

 

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13 février 2012 1 13 /02 /février /2012 11:27

fenetre.jpg   La fenêtre est un motif d'attente; ce moment d'évasion, d'expectative est pause dans le récit, accoudement sur le rebord de la fenêtre, sur la margelle de l'ouverture de l'espace intime sur le monde collectif. 

 Arrêt de la narration, moment de description, d'explication, de monologue intérieur. Le personnage attendu et l'événement espéré surviendront plus tard...La fenêtre autorise la réflexion, le recul, le flux de la conscience... Il peut dresser un bilan, faire une analyse de soi-même ou de la situation. C'est un moment privilégié permettant une vue intérieure : fuite ou dépaysement dans le décor, le paysage, la ville, la campagne...

   La fenêtre est l'occasion d'offrir au lecteur un spectacle; c'est un tableau à contempler, et le héros, avec le lecteur, est placé dans la posture du spectateur?. La fenêtre donne naissance à une séance de pose : le héros prend la pose, le lecteur se cale dans son fauteuil : le narrateur peut alors travailler, dans le calme, le silence, à sa table. Le modèle n'est pas un homme ou une femme, mais la nature ou la ville. La fenêtre a deux rôles contradictoires : l'ouverture et la fermeture !Cependant, dans la fiction, romanesque ou picturale, elle est ouverture sur une perspective  inconnue, regard vers un abîme inexploré...

   La fenêtre constitue un morceau de bravoure et surtout un morceau de la réalité : un extrait du monde; elle est l'intercesseur entre l'homme, ses secrets, et le monde, l'extériorité. Elle permet le spectacle du monde. 

 

   * Les fenêtres de Matisse, autant de tableaux dans le tableau. Mises en abyme. "La sieste" : la mer vue du Faubourg. Mur de l'atelier aux cinq fenêtres. La porte-fenêtre ouverte, noire de 1914. (Voir "Moi, Matisse à Collioure", Balzac éditeur, 2005).

   Zola a opéré un renversement : c'est l'oeuvre d'art qui est une fenêtre ouverte sur l'acte créatif; il est une mise en scène, composée de vérité, de réalisme et d'illusion, de trompe-l'oeil. La toile est un miroir; l'encadrement de la fenêtre offre la matérialité du cadre d'un tableau qui introduit à un paysage et suggère une vie plus lointaine.

 

       La fenêtre est encore une incitation à la rêverie; ainsi Emma Bovary, après l'invitation au château, à Tostes : le bal fini, l'héroïne ouvre la fenêtre et s'accoude, le temps de la rêverie peut commencer.  Dans "Une vie", la fenêtre est aussi sortie de la réalité, compensation dans la vie monotone de Jeanne; cependant les perspectives de la pauvre femme sont mince, loin des utopies romanesques de l'épouse du pharmacien...La servante, grâce à sa modeste ouverture, se remémore des souvenirs d'enfance; sa vue est rétrospective plus que prospective; le bonheur dans l'avenir lui est interdit !

 

  *  Fenêtres avec perspective vers les montagnes, dans le tableau de Ghirlandaio (Florence, 1490, portrait du vieillard atteint de rhinophyma, ou acné rosacée) et dans la toile de B.Luini (1485-1532) :  "Salomé".

 

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11 février 2012 6 11 /02 /février /2012 17:39

Arenes-de-Collioure1.jpg    Les toros s'ennuient le dimanche...à Collioure

 

   Et ils vont s'ennuyer longtemps ! En effet, le dynamique maire de Collioure a décidé de faire détruire les arènes qui jouxtent la gare du célèbre bourg catalan. Bravo Michel Moly ! La Catalogne a supprimé les spectacles tauromachiques (à Barcelone, métamorphose de la plaza de toros) et le mouvement antibarbarie devrait se poursuivre !

 

   La municipalité a lancé un appel d'offre pour anéantir les arènes de papier mâché, nous révèle l'association nîmoise anticorrida, le 3 février. La tradition archaïque reçoit le coup de grâce au pays des artistes : Signac, Matisse, Derain, Picasso, W.Mucha, Descossy, Balbino Giner le viejo, Survage... Quel peintre de renom a croqué la corrida..? 

 

   Fi de ces laides arènes démontables ! Feue la tuerie des fêtes patronales du 15 août ! On va créer dans cet espace un musée d'art moderne dédié à la peinture moderne, et en particulier, à la naissance du Fauvisme !!! Oui, puisque je vous le dis !!! 

 

  Oui, mais... Vous ne rêvez pas trop ?  La municipalité a plutôt le projet d'un parking (pour le tourisme, la culture qui rapporte...). Début des travaux: le 5 mars, c'est pas vrai ? Pas le temps de réfléchir ? Pas de consultation citoyenne ? Ps de réunion avec le peuple du petit port..?

 

  Un mal pour un autre : Collioure coule-t-elle dans le bétonnage, le parquinage, l'été à péage..?

 

   Bien sûr, je sais, je le sais : la mairie met en oeuvre d'importantes manifestations culturelles accessibles à tous et le plus souvent gratuites... Mais, tout de même : la parkingerie, ça suffit !!!! 

 

 

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10 février 2012 5 10 /02 /février /2012 22:05

prison.jpeg Entre couvent (des Clarisses) et prison (quartier Saint-Mathieu de Perpignan), le cercle algérianiste a trouvé un abri : merci M. Le nouveau maire (non élu) de Perpignan, J.Paul Pujol. Tiens ! un pied-noir, comme c'est étrange...

   Le cercle cité, de tendance "Algérie française, colonisation et OAS", veut "sauvegarder le patrimoine culturel né de la présence française en Algérie" (journal de la culture de Perpignan n°2, janvier 2012, page 4) : belle formule ! Et pourquoi pas ? Chaque clan, tout parti ou organisation ayant participé à la colonisation, puis à la guerre d'indépendance a le droit de conserver et montrer sa mémoire : respectons le point de vue de chacun...

   Simplement, regrettons que le lieu, naguère dévolu aux expos de Visa, ait été rénové pour la secte algérianistique !

 

   En effet, il serait bon, moral et objectif que la question des 132 ans de présence française en Algérie soit abordée sous tous ses angles : que chacun (harkis, berbères, arabes, FLN, anciens partisans de Messali Hadj, citoyens français, partis d'opposition, partisans de l'Algérie française...) puisse donner donner son point de vue, montrer ses archives... Or, ce n'est pas le cas !

 

   En effet, ce "Centre de documentation des Français d'Algérie" est une initiative privée : pourquoi donneraient-ils, ces intégristes de la colo, la parole aux autres ..? Pourquoi ? Parce que ce lieu est public, municipal, fonctionnant grâce aux impôts des habitants de Perpignan !!! Et M. le Maire a, à présent, une nouvelle bonne "idée : avoir un conservateur pour ce centre." (L'Indépendant du 27/1/2012, page 4)... Conservateur ! Encore un ! Espérons qu'il ne sera pas d'extrême-droite, et qu'il aura un bon diplôme culturel, pas la carte de l'UMP ou du FN... N'oublions pas que les P.O. est une terre d'élection pour Pierre Sergent, jadis, et pour Marine (maison à Millas) et Alliot (toujours battu tout de même à Perpignan!)...

 

   La mairie de Perpi pourrait,pour redorer son blason (mais l'électorat du Moulin à vent est trop important), s'inspirer du Musée de l'exil de La Jonquera, qui se veut, à terme, le lieu de tous les exodes, de tous les déracinements...ou de celui, à venir, du camp de Rivesaltes, pour tous les disparus ( Juifs, Gitans, Allemands opposés au nazisme...).  Il faudra créer alors un conseil historique et scientifique impartial, il faudra tenter la neutralité, aller vers la vérité : malheur du peuple pied-noir, terrorisme algérien, exactions du FLN, tortures du côté de l'armée française et attentats de l'OAS...

 

   On n'en est pas là, à Perpignan ! Dans cette ville bigarrée, cosmopolite, riche de ses cultures diverses, on ne veut pas payer pour les Algérianistes ! Non ! Et M. Pujol doit rectifier le tir et avouer sa faute morale !!! 

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9 février 2012 4 09 /02 /février /2012 19:02

 

   Vive l'utopie ? Encore un naïf ! allez-vous vous exclamer. Vous savez bien que toutes les utopies ont été criminelles. Le beau nom de "communisme" a été dévoyé par les Staliniens, les faiseurs de goulags et de dictatures, froides en Sibérie ou en Corée, chaudes à Cuba... Le mot "socialisme" a été utilisé par Mussolini et surtout Hitler, pour accéder au pouvoir, puis pour inventer l'horreur, la mort planifiée, les tortures et autres expérimentations médicales dans les camps de concentration. Utopie et fascisme, hélas, partout dans le monde.

 

   Pourtant la quête d'un monde meilleur, d'un paradis sur terre, humain, solidaire, est une idée, une idéologie qui ne peut que motiver les citoyens. Mais où sont les grands projets humanistes ? La parole est au marché, à l'économie, à la banque, à la finance : face à ce discours ambiant et à la toute-puissance des "décideurs" et autres "libéraux" d'un capitalisme nouveau, plus d'enthousiasme, d'élan humaniste, mais la crise, la dette, la crise, etc...

 

   Les élections en France ne semblent pas embrayer sur des lendemains qui chantent; entre le néofascisme du Front "national" et le populisme d'un Front de gauche noyauté par le PCF, la droite sarkozienne tente de se muscler en avançant des idées racistes,  le centre mou et le parti socialiste mollasson tentant de plaire au plus grand nombre : ne pas bouleverser, ne rien changer !

 

   Pourtant la rupture est à souhaiter, voilà l'utopie. Si la "gauche" n'accomplit pas cette révolution (économique, financière, fiscale, sociale...) en profondeur,  d'autres s'en chargeront : quand crise morale et économique (chômage) paralyse une société, le fascisme rôde et attend sa proie... Au peuple, aux citoyens de s'unir pour inventer une utopie "réelle"...

 

  Ci-dessous, l'utopie libertaire (CNT et FAI en Espagne) s'achevant dans le désastre, l'exil, la Retirada et la dictature franquiste :

 

utopie.jpg

17 février • Paris - Projection de "Vivre l'utopie"

de Juan Gamero, F. Rios, Mariona Roca, Mitzi Kotnik.

Documentaire sur l’Espagne libertaire de 1936 dans lequel une trentaine d’anciens militants anarchistes témoignent de l’application concrète de l’anarchisme par plusieurs millions de personnes en Catalogne et en Aragon.

LIEU : Librairie du Monde libertaire, 145, rue Amelot, Paris 11e. A 19h30. Entrée libre.

 

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8 février 2012 3 08 /02 /février /2012 20:10

tapies.jpeg   * Itinéraire de la peinture : Tapiès (à sa fondation) et Miro, Clavé, Marie Laurencin, Nonell... et Antoni Tapiès, encore, à la galerie Gaspar, à Barcelona, en août 2004, en compagnie de Françoise et Pierre Coureux. Je n'ai jamais vraiment apprécié Tapiès, ni ses tableaux composés de matériaux divers, sable, objets récupérés : il a fait de l'ombre à Cuixart, son cousin, qui méritait d'être mieux reconnu, avec sa peinture alliant fantastique et abstraction, frêles portraits de femmes et couleurs lumineuses...

 

* Le visible, pour Cézanne, est une construction complexe : les architectes en sont la nature et l'homme : "Le paysage se pense en moi, et j'en suis la conscience." Le peintre d'Aix ajoutait encore : "La couleur est le lieu où notre cerveau et l'univers se rencontrent."

 

 * Pour Bonnard, "la couleur agit." Au Cannet, il invite Matisse; il lui dit : "Le tableau est un petit monde qui doit se suffire." Et le bon chien Ravageau !

 

 * Engagement de l'artiste par le travail pictural : l'artiste prend part en travaillant. Ainsi, la déclaration de Matisse, à Nice, le 10 avril 1918 : "Je ne puis faire de politique; aussi pour compenser, il faut les toiles fermes et sensibles. Métier de forçat que nous avons, sans les certitudes qui font dormir tranquille. Il faut chaque jour avoir peiné toute la journée pour accepter l'irresponsabilité qui met la conscience en repos.

 

 * Cioran : "Qu'est-ce qu'un artiste ? Un homme qui sait tout, sans s'en rendre comptez. Un philosophe ? Un homme qui ne sait rien, mais qui s'en rend compte." (Le crépuscule des pensées).

 

 * Ben à Orsay. J'écoute les commentaires plus que je ne lis les formules de Ben. "Mon gamin, il peut faire ça ! ". "Il fallait y penser !". Puis je me dis que tous ces pseudo aphorismes peuvent composer un poème : Tout doit disparaître. L'onanisme est du baise-main. Dites-le au téléphone rouge ! La culture manipule. Le fallus (sic) est le pivot du monde. Vous êtes de la secte de Catherine Millet ? Que feriez-vous si vous n'aviez que six heures à vivre..? 

   Duchamp a raison : l'art est de l'escroquerie.

 

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  • professeur de lettres, écrivain, j'ai publié plusieurs livres dans la région Languedoc-Roussillon, sur la Catalogne, Matisse, Machado, Walter Benjamin (éditions Balzac, Cap Béar, Presses littéraires, Presses du Languedoc...
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