Macron et la Culture (2)
Après une campagne et un premier tour où la culture fut un parent pauvre, E.Macron enfourche le tigre et se rend à France Cul pour dresser un bilan. Il devait passer par cette radio, un des lieux de l'hégémonie culturelle de la gauche française. Il fallait contrebalancer cette hégémonie médiatique qui a placé au premier plan de l'actualité la renaissance de l'idéologie d'extrême-droite, avec Zemmour surtout et sa nostalgie du passé colonial et du régime de Vichy, avec son racisme et sa célébration de la civilisation judéo-chrétienne.
Libérée du poids de Z. Le an peut se redialoliser pour attirer les réacs et racistes et surtout colorer sa campagne de thématiques originales et sulfureuses : le voile, se libérer de l'emprise européenne, etc...
Macron devait rallier à lui les artistes, intellos, écrivains d'une gauche égarée, divisée, effacée : la radio culturelle est idoine pour capter l'attention des chercheurs, philosophes et des avant-gardes. Face au RN dont la culture se limite à la célébration des traditions, des fêtes locales, montrant l'enracinement du peuple dans un territoire et une temporalité précises (voir l'action culturelle des élus RN en Provence- Côte d'Azur, et l'exemple du Puy-du-Fou de De Villiers dont L. Aliot veut s'inspirer pour Perpignan), le candidat-président devait élever le débat et dire que la culture est diversité, respect des créations étrangères, recherche de soi et dialogue avec l'autre, tentative de sortir de sa condition pour atteindre, par la création, à un "anti-destin"...
Emmanuel M. tout en reconnaissant - comme nous tous- que la culture populaire est la fondation de l'architecture de l'Europe chrétienne, comme un enracinement et une identité, qui s'est nourrie des passages et conquêtes des autres peuples qui sont venus sur notre territoire, il sait que la culture est une tension entre une culture populiste, d'une grande vitalité, incarnant une vitalité collective, et une culture élitiste, érudite, créatrice, dépassant les habitudes, le folklore, le chauvinisme de la tradition, le nationalisme d'un savoir qui se veut le centre du monde...
(Ainsi L. Aliot, maire de Perpignan, peu réceptif à la culture catalane, réitère le lieu commun de "Perpignan, centre du monde", alors que pour Dali, c'était la gare, permettant la diffusion et la vente de ses lèvres, qui constituait ce centre...)
LA CULTURE AUTHENTIQUE DOIT TROUVER UNE DIALECTIQUE permettant de dépasser les contradictions entre enracinement local (discours identitaire de l'extrême-droite) et l'aspiration universelle, ou du moins marche vers une unité et une solidarité européennes. On est encore ici confronté au "en même temps" de Macron, variation de la dialectique marxiste qui, par le débat et la lutte des classes, doit permettre de trouver une issue en s'emparant du meilleur de chaque opinion.
Le "en même temps", c'est la modestie d'une pensée qui se cherche et s'invente à chaque instant; ce doit être le respect de l'autre. C'est le contraire d'une idéologie fasciste ou stalinienne.
Aujourd'hui, face à la mort des grandes idéologies qui devaient faire le bonheur des hommes (socialisme, communisme, maoïsme...) et ont fait son malheur, face à la faillite de pensées qui se sont révélées criminelles (camps de déportation, goulag, déplacement des paysans en URSS, Chine, Corée... dictatures d'Amérique latine sans oublier les crimes du capitalisme : colonisations, tortures et expériences chimiques lors des guerres de décolonisation : Algérie, Vietnam...exploitation du Tiers-Monde...), nous assistons à un retour du populisme, de l'égoïsme, du nationalisme (Hongrie, mouvements néo-nazis...).
Si on ose dresser un bilan de l'action culturelle du gouvernement Macron, sous la baguette de Roselyne Bachelot -on a déjà oublié le nom des 2 autres ministres cultureux- on doit d'abord dire qu'aucun grand projet patrimonial (sauf la reconnaissance de Villers-Cotterets, berceau de la langue française) n'a été annoncé, même si l'accent a été mis sur le patrimoine grâce à un présentateur très médiatique...
Surtout, durant la crise du Covid, il faut rappeler la position calamiteuse de Castex and Co traitant la culture de "non-essentielle", même si cette erreur a été rectifiée et si les librairies et les éditeurs ont bénéficié de l'indemnisation généralisée des entreprises de l'hexagone.
J.P.Bonnel
19 avril 2022
à suivre... les aspects positifs.
MACRON
SUR
FRANCE-CULTURE
DIFFUSÉ LE 18/04/2022etieulture et les i
CONTACTER L'ÉMISSION
Emmanuel Macron, président de la République et candidat à sa réélection, est l'invité des Matins. Au micro de Guillaume Erner, il défend son bilan de politique culturelle et fait part de ses aspirations pour un futur mandat. Face à la radicalité du débat d'idées, il entend "bâtir des compromis".
À l’issue d’une campagne électorale au cours de laquelle les discussions au sujet des grands enjeux culturels et la vie des idées ont eu du mal à se faire entendre, Emmanuel Macron, président de la République et candidat à sa réélection, défend son bilan quinquennal et présente ses projets en matière de culture.
Comment le débat public a-t-il évolué depuis cinq ans ? Comment perçoit-il le renouveau des rapports de forces politiques en France ? La culture peut-elle contribuer à réduire les fractures sociales ? Quelle est sa vision de la culture et quels moyens l’Etat est-il prêt à lui consacrer ? Au cours de cet entretien, Emmanuel Macron a notamment précisé comment il compte réformer les institutions et s'est prononcé pour une consolidation de sa politique d'accès à la culture.
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Combattre la radicalité politique
Au sujet du climat social et politique, Emmanuel Macron observe que "de plus en plus de gens s'engagent pour des causes" et que le "rapport au politique se structure de manière de plus en plus émotionnelle". Cette situation est selon lui "extrêmement difficile à appréhender pour celles et ceux qui gouvernent" :
"Un projet politique n'est pas une agrégation de causes, c'est une vision de la société, une lecture de la société, de la nation, de la géopolitique. [...] On pense entre groupes fermés. Ce n'est pas comme ça qu'on construit du commun. Pourquoi ? Parce que vivre en société, travailler le commun, c'est bâtir en permanence des compromis, c'est décider d'un rythme d'évolution entre des injonctions qui peuvent être contraires."
A cet égard, Emmanuel Macron veut tirer un enseignement personnel et politique des résultats du premier tour de l'élection présidentielle. Il présente sa voix comme celle de "l'extrême centre" :
"Les trois quarts des électeurs qui se sont exprimés pour trois projets. Un projet d'extrême droite (...) Un projet d'extrême gauche. (…) Et ce que je qualifierai comme un projet d'extrême centre, si on veut qualifier le mien, dans le champ central. Je trouve qu'il faut collectivement réfléchir, intellectuels d'un côté et responsables politiques de l'autre, à reconsidérer notre démocratie par rapport à cette relation à la radicalité, ce que j'appelle cette volonté de pureté. Parce qu'à la fin, on vit tous ensemble. (...) Ça suppose des compromis. La question, c'est comment on arrive à créer de l'adhésion, du respect, de la considération entre des citoyens qui peuvent penser très différemment, en leur montrant que ce n'est pas une trahison de leurs convictions profondes, mais que ce sont d'indispensables compromis qu'on trouve pour vivre en société."
Le mouvement des gilets jaunes et la colère sociale
Au sujet des violences policières qui ont notamment eu lieu dans le cadre des manifestations des gilets jaunes, Emmanuel Macron considère qu'on ne peut "légitimer une espèce de violence libérée, même dans le débat public" :
"Il y a eu un début du mouvement social des gilets jaunes, qui a dit quelque chose de la question sociale et qui continue à me préoccuper, et que j'ai essayé, avec le grand débat d'appréhender, j'y ai apporté des réponses. Je veux continuer là-dessus parce que c'est la question des classes moyennes et populaires et [celle] de pouvoir vivre de son travail dans une société où les inégalités s'installent."
L'écologie et le défi du changement climatique
Sur un sujet aussi crucial que l'environnement et la lutte contre le dérèglement climatique, notamment pour l'électorat jeune, Emmanuel Macron confesse "ne pas avoir suffisement pensé le rapport à la nature" :
"Une des choses sur lesquelles je me suis sans doute le plus transformé intellectuellement, c'est le rapport à la nature, c'est la pensée de l'écologie. Ce n'était pas quelque chose que j'avais suffisamment pensé. [...] Je ne dis pas que je suis au bout du chemin, mais sur ce sujet-là, j'ai beaucoup lu, j'ai essayé de beaucoup comprendre et de voir comment la pensée que je pouvais avoir de la société qui était la nôtre, de la nation, de notre aventure européenne, était compatible aussi avec cette pensée de la nature et des équilibres dans lesquels nous vivons."
Comment défendre les libertés académiques ?
Lors du quinquennat d'Emmanuel Macron, le débat d'idées a été occupé par un terme nouveau, largement controversé : "islamogauchisme". Tout en défendant la liberté académique et le fait qu'elle ne doit pas être "régulée par le pouvoir politique", il estime qu'un "débordement dans le champ politique" n'est pas acceptable :
"La liberté académique, pour moi, c'est indiscutable, et la liberté intellectuelle [aussi]. Par contre, ce qui est vrai, c'est que certains utilisent ce sujet pour fracturer la question de la République et du commun."
Les intentions du candidat en matière culturelle
Certains citoyens ont regretté que la culture soit la portion congrue des sujets de cette campagne électorale, alors même que le secteur a été durement touché par la crise sanitaire. Emmanuel Macron défend son bilan culturel : une politique de renouvellement des nominations aux postes des institutions culturelles, plus féminisées, la défense des droits d'auteurs et des droits voisins notamment à l'échelle européenne, ou l'accompagnement des acteurs du secteur culturel lors de la crise du Covid :
"Nous avons un statut des intermittents qui est unique au monde. On ne l'a pas simplement préservé, on lui a donné des dérogations pour que tous et toutes puissent continuer à vivre et à être accompagnés pendant cette période de crise où ils ne pouvaient pas forcément travailler. Et on a ensuite accompagné des artistes durant cette période pour pouvoir justement avoir des revenus. J'en suis très fier."
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Emmanuel Macron entend mener une politique forte d'accès à la culture, via une initiative comme le prolongement du pass Culture en faveur des plus jeunes. Cette consolidation est, selon lui, l'une des réponses à apporter aux divisions politiques : "Compte tenu des difficultés de la question politique et des tensions, la question culturelle est un ciment. Je pense qu'elle fait partie des réponses. L'Éducation, la culture sont des réponses à cette espèce de diffraction de la question politique."
Le candidat veut défendre "l'exception culturelle française", en élaborant "un nouveau système de financement" afin de préserver "un cinéma français très fort, une création musicale et une scène française vivante". Autre proposition : bâtir un métavers européen et français.
Pour plus de participation citoyenne
Marine Le Pen, candidate du Rassemblement Nationale à l'élection présidentielle, propose d'instituer un référendum d'initiative citoyen. Emmanuel Macron marque son "clivage profond" avec sa concurrente, appelant, en "républicain" à "réformer la Constitution en respectant la Constitution". Le candidat propose de faire appel à plus de "concertation citoyenne" sur des questions comme celle de la fin de vie, par le biais d'une "convention citoyenne qui sera organisée par le Conseil économique, social et environnemental, qui permette de proposer un projet qui sera soit soumis aux assemblées, soit soumis au peuple".
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France Culture a convié les deux candidats présents au second tour de l'élection présidentielle.
Retrouvez l'intégralité de l'entretien en vidéo.