Picasso, Dora Maar, Maillol et Paul Pugnaud
(lectures, JPB)
"Picasso, comme Maillol, avait l'habitude d'uriner sur les bronzes pour leur donner une patine, que Dora qualifiait de "vert dégoûtant". La tête de Dora Maar, qui était supposée symboliser Apollinaire, avait été soumise au traitement de l'urine."
…"Le 22 juillet parvint à Picasso la nouvelle du décès de Vollard. Le galeriste voyageait dans sa voiture, conduite par un chauffeur prénommé comme le sien, Marcel, lorsqu'un brusque coup de frein entraîna la chute d'une statue de Maillol placée sur le siège, qui lui fractura le cou…"
(C) Alicia D. Ortiz ; Dora Maar, prisonnière du regard (Grasset, 2003) Edition de poche 2005, pages 171 et 246.
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"L'automne et l'hiver sont les saisons idéales à Banyuls; la maison de Maillol se trouve dans le quartier du Cap Doune, admirablement situé au soleil à l'abri de la tramontane.
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Dans la profusion végétale d'un printemps d'Ile-de-France, déjà sensible dans les avenues et jardins de Paris, mais ici amplifiée et toujours étonnante pour un Méditerranéen, j'arrive un après-midi de juin à Marly.
Du chemin, je reconnais facilement l'atelier, que révèle une épreuve de "l'Action Enchaînée", cette puissante figure d'une stature bien plus grande que nature. J'aperçois Maillol, en vareuse bleue et pantalon ocre, en train de modeler une statuette posée devant lui sur un haut escabeau, au milieu d'une pelouse ombragé…"
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Maillol est resté l'artisan qu'il fut au début de sa carrière, lorsqu'il allait, par exemple, dans la montagne de Banyuls, à la recherche d'herbes pour colorer ses tapisseries, lorsque, plus tard, il mettait au point e fabriquait, avec les moyens les plus rudimentaires, le luxueux papier de Montval...
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Quand la guerre fut venue, Maillol, délaissant Marly, ne devait plus quitter Banyuls. Sauf pour participer, à Paris, à l'inauguration de l'exposition d'Arno Brecker. Cela devait lui être souvent reproché. Les incompréhensions nées de l'affaire Kessler en 1914 allaient-elles recommencer ? Les gens ne savaient pas que, par ce geste, Maillol avait réussi à sauver son modèle, emprisonnée par la Gestapo et promise au pire destin. Ce ne fut qu'un bref aller et retour.
A Banyuls, la triste vie de l'Occupation continuait. Maillol, de plus en plus, se concentrait sur son art. Sa dernière oeuvre, d'abord appelée "La Rose", puis "Harmonie", l'occupait durant ces années-là. Il y travaillait chez lui, dans la maison du Cap Doune, dans un atelier de dimensions très réduites, sous la terrasse, qui aurait bien surpris ceux qui situent les grands artistes dans des décors à la mesure de leur renommée !
…Devant lui, la chaîne des Albères ceinturait la sauvage vallée de la Roubire *, et, à côté de lui, l'enclos de cyprès, plantés de sa main, bien des années auparavant, délimitait l'emplacement où il avait prévu et demandé que son corps, plus tard, repose…
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L'art de Maillol n'arien d'un art "classique", au sens figuré du terme. Il est plus proche des "Primitifs" grecs ou romans, que de la sérénité triomphante de l'art dorien. Connaît-on ses petites statuettes, qui ne sont pas du tout une part mineure de son oeuvre…
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"La Pensée", "Méditerranée" ? Les deux sens ici se rejoignent. La référence géographique dépasse les malentendus, que souvent elle suggère et fait éclater ici toutes les limitations. La Méditerranée n'est pas seulement la "mer latine", symbole des académismes négateurs de toute poésie profonde, elle est essentiellement la mer grecque. De même que la pensée et l'art grecs présentent une humanité ouverte à toutes les voies du monde et de l'être, unissant en eux toutes les antinomies sans les déséquilibrer…"
* Vallée de la Rome..?
(C) Aristide MAILLOL, par Paul PUGNAUD (revue Conflent, Prades, 1992)
BARCELONA / Référendum / dossier de presse
A plusieurs reprises, des milliers de Catalans ont manifesté pour réclamer un scrutin sur l'indépendance de la région (ici le 22 septembre 2017 à Barcelone). afp.com/LLUIS GENE
Alors que le Canada et le Royaume-Uni ont laissé voter les Québécois et les Ecossais, l'Espagne veut empêcher le référendum catalan le 1er octobre. Sans guère de réactions de ce côté-ci des Pyrénées.
"L'Écosse devrait-elle être un pays indépendant?" Le 18 septembre 2014, les Écossais se rendent en masse aux urnes pour trancher cette question, à l'issue d'un débat démocratique de haute tenue, organisé avec l'accord du Royaume-Uni. A 55,3 %, ils choisissent le "No".
"Acceptez-vous que le Québec devienne souverain?" Le 30 octobre 1995, une très courte majorité de Québécois (50,6%, exactement) rejette cette perspective. 15 ans plus tôt, près de 60% d'entre eux s'étaient déjà prononcés contre toute idée de "souveraineté-association". Les deux consultations avaient été acceptées par l'Etat canadien.
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Rien de tel en Espagne où, face à une situation similaire sur bien des points, Madrid est résolu à empêcher les Catalans de dire si, oui ou non, ils veulent "que la Catalogne devienne un État indépendant sous forme de République". Et, pour cela, il n'hésite pas à employer la méthode forte: arrestations de hauts-fonctionnaires, saisie des bulletins de vote, fermeture de sites web... Pourtant, des centaines de milliers de personnes ont défilé à plusieurs reprises pour exiger cette consultation, sans qu'à aucun moment les indépendantistes n'aient prôné ni exercé la violence.
Globalement, en France, la gêne prédomine
Ecosse, Québec, Catalogne: la comparaison, à l'évidence, ne tourne pas à l'avantage de nos voisins espagnols. Or, curieusement, cela ne suscite guère de réactions côté français. D'ordinaire, pourtant, nos intellectuels ne manquent pas une occasion pour s'offusquer, s'indigner ou s'enthousiasmer. Et il en va de même chez les politiques. Benoit Hamon est l'un des rares à avoir marqué ses distances: "Le gouvernement espagnol a tort d'attiser la tension", a prudemment regretté l'ancien candidat du PS à la présidentielle. Mais globalement, la gêne prédomine.
Cette attitude atypique est très révélatrice. Et tient principalement aux idées reçues qui circulent en France au sujet du régionalisme. En voici quelques-unes:
1. "Le référendum est illégal"
C'est la thèse du gouvernement espagnol, qui s'appuie sur une décision du Tribunal constitutionnel allant dans ce sens. Or, il n'est pas difficile de démontrer que ledit Tribunal est tout sauf neutre. Non seulement sa composition est biaisée (la grande majorité de ses membres a été nommée par deux mouvements unionistes, le Parti populaire de Mariano Rajoy et le Parti socialiste), mais, sur le fond, il est surtout l'expression d'un pouvoir centralisateur. Dès lors que la Constitution prévoit "l'unité indissoluble de la nation espagnole, patrie commune et indivisible de tous les Espagnols", le débat est biaisé. Pour mémoire, la Cour suprême d'Ottawa, saisie par le gouvernement fédéral, avait estimé que la souveraineté était un objectif légitime et que seuls les Québécois avaient le droit de voter.
Le droit international est plus complexe. L'Espagne a en effet ratifié la déclaration des droits des peuples autochtones des Nations unies, laquelle stipule (article 3) que "les peuples autochtones ont le droit à l'autodétermination". Elle est également signataire des accords d'Helsinki, dont l'article 8 est ainsi rédigé: "Les États participants respectent l'égalité de droits des peuples et leur droit à disposer d'eux-mêmes, en agissant à tout moment conformément (...) aux normes pertinentes du droit international, y compris celles qui ont trait à l'intégrité territoriale des Etats". La France a également approuvé ces deux textes.
Juridiquement, le "droit des peuples à l'autodétermination" est toutefois encadré. Il faut déjà définir ce que l'on entend par "peuple", ce qui ne va pas de soi. Et tenir compte des résolutions 1514 et 2625 des Nations Unies qui en restreignent le champ d'application en excluant "toute tentative visant à détruire partiellement ou totalement l'unité nationale et l'intégrité territoriale d'un pays et précise que ce droit ne peut être interprété "comme autorisant ou encourageant une action, quelle qu'elle soit, qui démembrerait ou menacerait, totalement ou partiellement l'intégrité territoriale ou l'unité politique de tout État souverain et indépendant".
En clair ? Ces concepts totalement contradictoires se gèrent au cas par cas, comme l'ont montré récemment la création de l'Erythrée, le démembrement de la Yougoslovie et de l'URSS.
Cependant, à moins de considérer que le droit à l'autodétermination doit être réservé aux peuples qui s'autodéterminent déjà, il paraît difficile de condamner les Catalans en se référant uniquement à la décision du Tribunal constitutionnel de Madrid. Au demeurant, les intellectuels français savent parfaitement dénoncer les légalités nationales lorsque celles-ci contreviennent aux grands principes universels. Pourquoi cette exception quand il s'agit de l'Espagne? Parce qu'il s'agit d'une démocratie et du souvenir de la guerre civile que connut le pays il n'y a pas si longtemps ? Bien sûr, mais ce ne sont pas les seules explications. Pour comprendre l'attitude française, il faut se plonger dans notre histoire nationale.
2. "Le régionalisme, c'est ringard"
La cause régionaliste, en France, n'a jamais trouvé de grands soutiens. Seul l'ancien Premier ministre socialiste Michel Rocard fit exception, en estimant que notre pays s'était "créé par la destruction de cinq cultures, bretonne, occitane, alsacienne, corse et flamande".
Ce mépris tient pour une part à une forme de snobisme. Dans un pays où la vie intellectuelle est concentrée à Paris, défendre les Catalans, les Basques ou les Alsaciens sent affreusement sa province et vous écarte de "ceux qui comptent" dans la capitale. Quand l'on aspire à être reconnu, il s'agit là d'une erreur à ne pas commettre.
Cette condescendance est d'autant plus ancrée que nos intellectuels n'ont guère de culture en la matière. Lesquels ont lu Frédéric Mistral, prix Nobel de Littérature pour une oeuvre écrite en provençal? Lesquels savent qu'au XIIe siècle, le prestige littéraire du picard était largement supérieur à la langue du roi en usage à Paris? Lesquels ont étudié l'histoire de la Bretagne, de la Franche-Comté ou du Béarn avant leur rattachement à la France? Lesquels, pour revenir aux Catalans, savent comment Louis XI et sa soldatesque menèrent le terrible siège de Perpignan? Aucun ou presque. A leur décharge, l'école de la République ne s'attarde guère sur ces vérités parfois dérangeantes.
Cette méconnaissance ne les aide évidemment pas à émettre un jugement éclairé sur les événements de Barcelone.
3. "Le régionalisme, c'est la réaction"
Chez nous, les régionalismes ne sont pas seulement moqués ; ils sont aussi jugés réactionnaires. Il est vrai que, du Maréchal Pétain en passant par Charles Maurras, l'exaltation de "nos belles provinces" trouva dans l'Histoire ses meilleurs appuis à la droite de la droite.
Depuis, Mai 68 a nettement inversé la tendance: dans les années 1970, le régionalisme français a majoritairement basculé à gauche.Cela, visiblement, n'a pas suffi à venir à bout de la méfiance qu'il suscite.
C'est que les esprits, en la matière restent marqués par la Révolution française. A l'époque, les langues régionales - parlées par 80 % de la population - furent carrément assimilées à... l'Ancien Régime. "Le fédéralisme et la superstition parlent bas-breton; l'émigration et haine de la République parlent allemand... La Contre-révolution parle l'italien et le fanatisme parle basque. Cassons ces instruments de dommage et d'erreurs", lance ainsi le conventionnel Barrère, le 27 janvier 1794.
C'est à ce titre qu'elles furent combattues avec acharnement et symboliquement ravalées au rang de "patois". Un terme incroyablement méprisant quand on connaît son étymologie: "Agiter les mains, gesticuler pour se faire comprendre comme les sourds-muets" (dictionnaire historique de la langue française). Et ce malgré les enseignements de tous les linguistes. "Les langues régionales possèdent une richesse de vocabulaire au moins comparable, sinon parfois supérieure, à celle du français, et leur syntaxe est souvent plus riche", souligne Claude Hagège, l'un des plus célèbres d'entre eux.
Cela n'empêchera aucunement l'abbé Grégoire, auteur en 1794 d'un effrayant rapport "sur la nécessité et les moyens d'anéantir les patois", d'entrer... au Panthéon en 1989. Ni Emmanuel Macron de recourir à ce même terme de "patois" pour décrire les langues régionales voilà quelques semaines. Révélateur.
4 "Le régionalisme, c'est le repli sur soi"
Cette ignorance et ces a priori profondément ancrés ont fini par emporter la conviction de nombre d'intellectuels: défendre une identité locale serait nécessairement synonyme de repli sur soi, voire de xénophobie. Certains nationalistes bretons n'ont-ils pas collaboré avec les nazis?
Sans surprise, le très jacobin Jean-Luc Mélenchon vient ainsi de s'opposer aux revendications catalanes sur sa chaîne You tube. Y céder équivaudrait, selon lui, à revenir "à la période du Saint-Empire Germanique, avec des principautés, des duchés, des baronnies et, au-dessus de tout cela, le fric!" A ses yeux, seuls les Etats permettent aux individus de s'extraire de leur communauté et d'accéder à l'universel.
Ce raisonnement, très répandu en France, est toutefois contesté. "Il existe, c'est indéniable, des dérives liées aux réflexes identitaires. Mais en quoi celles-ci seraient-elles l'apanage des identités régionales? Dois-je vous rappeler le nombre de guerres provoquées par les identités nationales? Propose-t-on pour autant de faire disparaître les nations?" interroge François de Rugy, le président (écologiste) de l'Assemblée nationale. D'autre part, comme l'explique l'historienne Mona Ozouf, spécialiste de la République dans son livreComposition française, l'identité française constitue aussi, à l'échelle mondiale, un particularisme. Faudrait-il pour autant y renoncer?
En réalité, quel que soit l'échelon géographique, on trouve des tenants d'une identité "ouverte" et des défenseurs d'une identité "fermée". Mais rien ne permet de poser une équivalence entre régionalisme et repli sur soi. N'est-ce pas en France que le Frontnational prospère depuis plusieurs décennies? Et dans la très identitaire Bretagne qu'il obtient ses plus faibles scores?
5 "La Catalogne est trop petite pour constituer un Etat"
Là encore, le raisonnement est curieux. Avec une population de 7,5 millions d'habitants, la région est plus peuplée que des pays comme le Danemark, la Finlande, la Croatie ou L'Irlande. Sans parler du minuscule Luxembourg (560 000 habitants), membre fondateur de l'Union européenne.
6. "Les Catalans sont égoïstes"
En réclamant leur autonomie, les Catalans sont également soupçonnés de penser d'abord à leur portefeuille, dès lors qu'ils habitent l'une des régions les plus riches d'Espagne. Ce n'est pas impossible, mais il est cocasse de remarquer que, ailleurs, le raisonnement s'inverse. La Corse, trop pauvre, est ainsi accusée de n'avoir pas les moyens d'une éventuelle indépendance. Comme quoi les Etats sont capables d'une grande habileté rhétorique quand il s'agit de défendre leurs intérêts...
La crainte d'un précédent catalan
7. "Cela créerait un effet boule de neige"
Cette crainte est à prendre au sérieux et joue d'évidence en faveur de l'Espagne. Si la Catalogne obtenait son indépendance, il y a fort à parier que les Basques s'engouffreraient dans la brèche. Et peut-être, à leur suite, les Galiciens et les Andalous.
Cela ne suffit pourtant pas à rejeter la revendication de Barcelone, sauf à considérer que l'unité d'un pays est systématiquement préférable au droit à l'autodétermination des peuples. Cela peut être vrai dans certaines situations (la "balkanisation" débouche parfois sur des conflits entre les Etats nouvellement créés), mais pas nécessairement. La République Tchèque et la Slovaquie se sont ainsi séparées sans drame.
Il demeure que le précédent catalan pourrait faire tache d'huile en Europe. Le Royaume-Uni s'en inquiète, notamment depuis que le Brexit a relancé les velléités écossaises (voire irlandaises). Il en va de même en Belgique, où les Flamands observent de près la situation. Et bien sûr en France, où les nationalistes corses, notamment, engrangent de spectaculaires succès électoraux depuis quelques années. Et qui compte aussi sur son sol une forte communauté catalane.
Ainsi s'explique l'étroite solidarité de Paris avec Madrid. Interrogé lors d'une conférence de presse tenue en compagnie de Mariano Rajoy, Emmanuel Macron lui a apporté un soutien sans réserves, déclarant: "Je connais seulement un partenaire et un ami qui est l'Espagne.L'Espagne tout entière." Une déclaration qui s'inscrit dans une realpolitik très cohérente, mais qui écorne néanmoins l'image de "pays des droits de l'Homme" dont s'enorgueillit régulièrement la France.
Oui, vraiment, tout cela pourrait fournir un beau sujet de méditation pour nos intellectuels...
+ Plus d'actualité sur : L'indépendance de la Catalogne, question qui divise la région et l'Espagne
Michel Lloubes
CATALUNYA : L’ECRASANTE VICTOIRE DES POINTS DE SUTURE
« M’enfin », pourrait dire Gaston Lagaffe, frère en naïveté, s’il débarquait soudainement au milieu des affaires de Catalogne : - qu’est ce qui est l’essentiel d’un référendum, compter les voix, ou les matraques levées et les points de suture ?
Les images, aussi sanglantes qu’elles soient, doivent-elles occulter le fond de l’affaire, le fameux référendum pour lequel tout un peuple a été expressément prié et poussé à participer massivement ? Un appel lancé par Puigdemont en parfaite connaissance de clause répressive annoncée, mais surtout largement amorcée, une semaine avant, par les néo franquistes du gouvernement Rajoy… Le peuple catalan, lui, a de sérieuses excuses, car voilà anys i panys qu’il rêve fièrement de réécrire la suite des comtés catalans, des glorieux Almogavares, quitte à les revêtir d’armure républicaine. Un rêve peut-être trop fortement ancré dans ses gênes par des siècles de gestation difficile pour lui permettre de voir avec réalisme combien le monde a évolué depuis la mort de Franco, y compris à l’intérieur de la société catalane. Et ce n’est pas parce qu’une partie de la société espagnole vit encore, elle aussi, avec quarante ans de retard sur son rêve à elle, diamétralement opposé, qu’il faut se couper avec l’Espagne toute entière et croire qu’un avenir pavé de roses attend en candaleta la Catalogne indépendante. De toutes façons, ça se discute !
Ce vrai débat là, n’a pas eu lieu. La faute à Rajoy bien sûr, qui, en bon franquiste a fait donner ses troupes, comme dans le temps, sur l’Ebre de ses limites intellectuelles. Mais ce débat de fond, avant toute proclamation unilatérale, doit avoir lieu, si l’on ne veut pas se retrouver surpris, comme les anglais, au lendemain de leur brexit.
Alors, si, en toute logique démocratique, il est impossible de considérer l’émotion soulevée comme suffisante pour justifier la proclamation de l’indépendance ; s’il est difficile de comprendre que le but essentiel de la veille, « votarem », se retrouve, dès le lendemain, rétrogradé au rôle de simple accessoire, quel bilan dresser de cette folle journée ?
Peut-être, d’abord, consulter avec les yeux bien ouverts les résultats officiels validés et proclamés par la Généralitat elle-même. Ils sont en soi limpides : 2 millions de Si, sur 5, 3 millions d’inscrits, le compte n’y est pas, cela fait à peine 40 % d'électeurs favorables à l'indépendance ! Ajoutez à cela : 90 % de SI, parmi les suffrages exprimés, il y a quelque chose de plus qui cloche, ce n’est plus un référendum, mais un étrange plébiscite qui rappelle des scores de non moins étranges démocraties, non ? On ne peut pas créer un nouvel état, une nouvelle nation libre et une si grande espérance pour des millions d'hommes, sur des bases aussi fragiles.