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20 décembre 2022 2 20 /12 /décembre /2022 10:31
Kali Maalem (2022) et Teresa Rebull (1973)
Kali Maalem (2022) et Teresa Rebull (1973)

Kali Maalem (2022) et Teresa Rebull (1973)

Rencontre avec …

 

Kali Maalem

 

(extrait du livre Une mémoire culturelle en Catalogne, en librairie)

 

 

Comme la déesse hindoue, elle semble avoir huit ou dix bras, la Kali des chorales et des musiques de chez nous...Tellement elle est dynamique, active, cette jeune femme...

 

 

Avec l'énergie vitale, affronter le  temps !

En effet, pour Kali Maalem, le temps est la grande affaire, mais pour l'oublier, ne pas penser à demain, à la retraite, au moment où le corps ne pourra plus sauter et vivre comme aujourd'hui, il suffit d'agir, de faire, de danser, de chanter, d'aller de l'avant.

 

C'est le corps, d'abord, qui explose, libère ses énergies, depuis l'âge de onze ans, quand la créatrice de la "Crazy family", entra dans le monde artistique ! Pour apprendre, pour vivre le collectif, pour trouver une voie de femme, un destin de difficultés, de doutes, bien sûr, mais surtout un chemin de plaisirs quotidien qui bâtissent le bonheur de vivre...

 

Une voix de femme, d'abord, que ce soit à quatorze ans, avec le premier groupe rock au lycée, puis "Kali et ses Shivas", dans les années 90, qui perdura pendant cinq ans...A dix-neuf ans, Kali goûte aussi au rythm' and blues et à la soul avec "Talismans".

 

Ces expériences de groupe lui apprennent le métier et ne font qu'intensifier son enthousiasme et lui donner envie de s'exprimer de façon indépendante : créer son propre groupe, inventer, donner toute son énergie. Inventorier tous les ressorts du corps !

 

Après une éphémère provocation avec "La pouffiasse du quartier", duo satirique destiné à choquer, bousculer les copains qui la connaissaient bien, elle entre à la Casa musicale de Perpignan, située entre caserne et quartier Saint-Jacques, comme intervenante en chant.

 

Cette aventure chorale dura treize ans, le temps de roder un vaste répertoire et d'entrainer une centaine de passionnés.  Puis vint l'expression de l'autre versant de Kali l'hindoue, son élan violent et destructeur...

Ce départ de la Casa fut créateur : elle fonde une association avec ses élèves -tous l'ont suivie !- et la voici "coach vocal, scénique", animatrice de percussions corporelles : Kali pratiquera les gestes avec le corps dans des ateliers pour malentendants. Elle intervient aussi dans les écoles maternelles et primaires du département, dans le domaine du chant.

 

Surtout, son grand oeuvre, c'est la création d'une chorale de quatre-vingt personnes, avec le premier groupe de la "Crazy family".

Bras multiples, ubiquité de la voix, mille résonances du corps : les activités se multiplient, dans les Epadh, les chorales de seniors, avec inventions de paroles pour des chansons d'aujourd'hui, où les gens âgés parlent d'eux-mêmes...

 

Et pas seulement : la voici dans des associations pour jeunes en difficultés...Ou elle dirige des groupes pour apprendre à se comporter sur scène.

Le corps s'exprime de toutes les manières : voix, geste, théâtre, mime, déplacements...Le temps n'existe pas car pleinement vécu. A ce moment, je sens que mon interlocutrice, calée dans sa chaise, a besoin de se lever, d'aller vers un autre rendez-vous...Un coup d'oeil à sa montre, ou à son portable...La journée demande à être remplie, pas question de rester dans l'instant immobile du dire, du lire, de l'écrire...

 

"Maintenant, j'ai abandonné la scène, le théâtre car j'aime partager, transmettre, je suis heureuse dans la pédagogie !" L'apprentissage débouche sur des spectacles : concerts contre le sida, les jeudis de Perpignan, les Voix de Femmes de Maury...les grandes scène musicales.

 

Ces échanges apportent joie et bien-être quand on se rend compte que les participants y trouvent un plaisir :

"J'aime ces moments de solidarité humaine, là tout est du ressenti et j'attends le toucher, une caresse dans la dynamique du collectif...une main qui effleure la vôtre, des corps qui dialoguent , les voix qui communient... On est alors dans le  pur bonheur du partage !"

 

 

Un tel succès, grâce au talent et à l'amour d'autrui, a conduit Kali à créer une nouvelle chorale, une "new folie de famille crazy" : trente personnes qui évoluent dans le répertoire rock. Mais le groupe ne se constitue pas que lors des répétitions et exhibitions : la vie continue à l'extérieur avec l'organisation de soirées conviviales, de grillades et rencontres amicales.

 

'Tout est fait pour que les gens se connaissent : dans cette optique, j'a créé un trombinoscope et un groupe fermé sur les réseaux sociaux (Facebook et une page sur Messenger pour se parler), pour que les groupes communiquent et soient informés sur les dates, les répétitions..."

 

 

Bien sûr, tout n'est pas idyllique, il faut gérer les absences, le bruit, les divers problèmes de salle ou d'argent, mais ce n'est rien face à l'existence d'un choeur, 'une chorale, d'une collectivité, qui font croire en l'humanisme :

"Une chanson, c'est comme un glaçon dans la canicule ! C'est ma bouffée de fraîcheur !", lance Kali, dans une belle envolée lyrique, venue du contexte météorologique de ce mois de juillet happé par la canicule...

Voici un peu de repos; en effet, ce métier épuise, mais de façon positive. Car ces groupes, c'est une communauté, une vraie famille !

 

 

Et les maisons de retraite, c'est une leçon de vie, une leçon d'humilité : prendre conscience qu'on va devenir comme ces vieux, que le corps, si dynamique aujourd'hui, ce corps auquel on croit, va défaillir, vous trahir...La médiation sur le temps ou la mort ne dure pas...Kali se souvient de son premier Epadh, qui cherchait une animatrice : là, elle a créé des chansons, a pratiqué la transmission. Les gens réagissent, le bonheur est alors visible. Elle en a eu des larmes, comme quand elle a quitté la Casa...comme si elle abandonnait la chorale, qui demeure son bébé, et va grandir en d'autres lieux...

 

Ces gens âgés, paralysés dans un temps sans perspective, se mettent à revivre avec ce chef d'orchestre qui, pétillante, bienveillante, intervient soudain dans l'immobilité de leur existence et de leur corps; ils la sentent si proche d'eux, qui leur parle, leur communiquent sa foi en la vie...

Cependant Kali sait prendre du recul et analyser ses défauts : elle est parfois "brute, sans filtre", elle ne prend pas de gants, elle peut répondre vertement...Ensuite, elle regrette, elle s'excuse...

 

 

Tout cela, c'est sa passion ! Son métier, c'est son bonheur et elle n'a pas d'autres activités artistiques ou sportives.

 

 

La préparation à la maison, les remplacements comme monitrice ou éducatrice dans les instituts spécialisés, la musique avec les chorales, avec les jeunes et les moins jeunes, tout cela, c'est son métier.

 

C'est sa vie, en perpétuelle ébullition, sa passion, extrême, son bonheur, insondable...

 

 

(entretien réalisé à Bages par JP.Bonnel)

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  • professeur de lettres, écrivain, j'ai publié plusieurs livres dans la région Languedoc-Roussillon, sur la Catalogne, Matisse, Machado, Walter Benjamin (éditions Balzac, Cap Béar, Presses littéraires, Presses du Languedoc...
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