Le Vingtième Siècle, vie de W.Benjamin ou roman : le mentir-vrai d'un romancier stimulant
Walter Benjamin dans les fictions trompeuses d’Aurélien Bellanger
Le livre "trompeur" de ce fan de réseaux et de médias nous annonce "une vie" de W. Benjamin (après celle de Bruno Tackels, à Actes-Sud, ce sera difficile de trouver du nouveau, mais on attend les trouvailles de Nathalie Raoux...) alors qu'il s'agit de textes courts, sortes d'élucubrations, inventions, suppositions autour de proches de WB ou à partir d'événements de la vie, courte, du philosophe juif allemand, suicidé à Portbou...
Ce livre "ment", mais n'est-ce pas le ressort de la littérature et on pense au "mentir-vrai" d'Aragon. Car, ici, tout semble vrai : l'auteur a une connaissance fini de l'oeuvre de WB et je n'ai pas trouvé d'erreurs : simplement, donner à voir des "inédits", des textes retrouvés (emportés de puis Berlin à Moscou, puis revenus dans les archives et la fondation WB) alors que tout est faux, c'est énervant et n'apporte rien à la connaissance de l'intellectuel du XX°siècle...
Cependant, comme c'est imaginatif, bien écrit, et rempli de références aux amis et aux écrits de Walter, on lit avec plaisir et stimulation : espérons que ces 400 pages donneront envie à de nouveaux lecteurs d'aller plus loin dans le labyrinthe benjaminien...
J.P.Bonnel - président-fondateur de l'association. WB sans frontières
Fondateur du prix européen WB - (6/1/2023)
Le vingtième siècle
Walter Benjamin, l’un des plus grands mythes intellectuels du vingtième siècle, est toujours parmi nous.
Un groupuscule d’extrême gauche porte son nom et réalise des actions militantes énigmatiques, tandis qu’un poète se suicide à la BNF à la suite d’une conférence sur le penseur.
Alertés par cette mort étrange, trois spécialistes de Benjamin se lancent à la recherche de son dernier manuscrit. Le trio nous entraîne dans une enquête vertigineuse, véritable labyrinthe de fragments, où à chaque nouvelle page se dessine un peu plus la figure de Walter Benjamin.
Roman polyphonique virtuose, Le vingtième siècle donne à penser notre contemporanéité de manière singulière et originale, et à relire l’histoire du siècle passé comme celui dont Benjamin aurait été le héros.
L’éditeur - Collection Blanche, Gallimard
Parution : 05-01-2023 – 23 euros
Publié le 2 janvier 2023 à 12h45
Dans “Le Vingtième Siècle,” Aurélien Bellanger dynamite la forme romanesque pour honorer, en théoricien et poète, la pensée admirée du philosophe Walter Benjamin. Cryptique et vibrant.
Bien qu’averti·e par la présence du mot “roman” sur la couverture du livre d’Aurélien Bellanger, le ou la lecteur·trice du Vingtième Siècle pourra en douter, jusqu’à la dernière phrase du texte, clé de sortie du texte :“un roman dans le roman dont on ne saurait plus lequel enveloppe, lequel dédouble l’autre”.
En jouant en effet avec des dédoublements et des réappropriations, le “roman” un peu ésotérique de Bellanger se fixe sur la figure de Walter Benjamin (1892-1940). Partant de l’idée que tout dans l’œuvre du philosophe allemand “possède, pour le lecteur attentif, une exceptionnelle disposition romanesque”, Bellanger joue de cette disposition, en mettant en scène des personnages multiples, réellement proches de lui (Gershom Scholem, Wilhelm Stern, Fritz Heinle, Ernst Schoen…), ou spécialistes putatifs de son œuvre, s’échangeant des lettres et des mails, comme dans un roman épistolaire, dont le romancier serait la voix fantomatique. La matière la plus riche de ce collage vertigineux se rapproche sensiblement de la théorie qui vibre sous le vernis d’une fiction d’apparat.
Théorie : comme par hasard, le mot traversait le premier roman de Bellanger, La Théorie de l’information. Pétri d’un savoir précis sur la pensée de Benjamin, défini comme un “penseur messianique” et un “ange gardien”, le texte vise dans sa multitude de digressions et de faux-semblants, à saluer une figure de proue du vingtième siècle. De sa théorie de l’œuvre d’art à sa critique du monde marchand, de sa philosophie de l’histoire à son étude des espaces urbains, Benjamin fut ce penseur pris avec les urgences de son temps exposé aux fascismes, mais surtout un penseur dont chaque idée singulière suscite encore la réflexion, d’un siècle à l’autre : un “critique attitré” pour l’éternité. Bellanger réussit un sacré tour de force en inventant une forme littéraire qui redouble celle de Benjamin, “éclatée, fragmentaire, presque ésotérique”. Le dispositif labyrinthique, brillant par l’écheveau de liens réels et factices que le livre tisse entre des événements et des personnages, dont la vie et la jeunesse du romancier lui-même (son activisme anti-pub, ses débuts de critique à la Quinzaine littéraire de Maurice Nadeau, premier éditeur de Benjamin en France…), s’oriente surtout du côté de la poésie, comme si le genre romanesque qui “n’enclôt plus rien de réaliste” était usé.
Entre malice et formalisme, Bellanger fait donc d’un roman impossible une élégie poétique et savante où tremblent les souvenirs de sa propre vie d’admirateur retors.
Aurélien Bellanger,
né le
1 à Laval, est un écrivain français, chroniqueur
radio, philosophe de formation. Il publie un essai sur
Michel Houellebecqen 2010, intitulé Houellebecq écrivain
romantique, aux éditions Léo Scheer. Son premier roman, La
Théorie de l'information, paraît le 22 août 2012 aux éditions
Gallimard. Il fait par ailleurs quelques apparitions en tant
qu'acteur dans les films de Justine Triet.
Né à Laval, Aurélien Bellanger grandit à Barentin (banlieue
de Rouen), puis dans l'Essonne. Il suit des études de
philosophie2,3,4 et, après une première expérience professionnelle en banlieue chez Virgin, travaille à la librairie L'Arbre à lettres, rue Édouard-Quénu en bas de la rue Mouffetard à Paris. Il finit par quitter son travail pour se consacrer à la littérature3,5,6.
En 2010, il publie son premier livre aux éditions Léo Scheer,
l'essai Houellebecq écrivain romantique. En 2012 paraît son
premier roman, La Théorie de l'information, aux éditions
Gallimard. Pour sa sortie, le livre est tiré à 10 000 exemplaires1. L'auteur déclare avoir voulu écrire un roman balzacien sur l'époque contemporaine. Le personnage principal, Pascal Ertanger, est en partie inspiré de la biographie de Xavier Niel, fondateur de Free. Le titre du roman est une référence à la théorie de l'information développée par Claude Shannon à partir de 19487.
Son deuxième roman, L'Aménagement du territoire, sort en
2014 ; le troisième, Le Grand Paris, en 20178.
En juin 2015, il est membre du jury du Festival international
du livre d'art et du film de Perpignan9.
Depuis fin août 2017, il tient la chronique quotidienne finale
des Matins de France Culture intitulée « La conclusion
d'Aurélien Bellanger10 », dans laquelle il se livre au détour d'un
commentaire très littéraire d'un fait de société. Une sélection de ces
En septembre 2019, il rejoint l'émission Clique de
Mouloud Achour sur Canal+, dans laquelle il anime
chaque vendredi une chronique décalée sur le
monde de la culture.11